Apple a multiplié les ajustements ces derniers mois pour satisfaire des développeurs qui ont montré, tout au long de l'an dernier, un mécontentement grandissant. Le signal le plus visible d'une volonté d'apaisement a été la baisse de la commission à 15% pour les petits développeurs. Mais il reste plusieurs pierres d'achoppement, dont la question centrale qui est celle du monopole d'Apple sur la distribution d'apps sur iOS, ce qui lui confèrerait un trop grand pouvoir.
Plusieurs développeurs sont partis à l'assaut de la citadelle d'Apple (et de Google) dans plusieurs juridictions, aux États-Unis comme en Europe. Le dernier en date est Florian Mueller, animateur du blog juridique spécialisé dans la propriété intellectuelle FOSS Patents, qui est aussi le fondateur et le président de Quizista. L'éditeur a conçu Coronavirus Reporter, une application qui permet aux utilisateurs d'annoncer volontairement des symptômes précurseurs de la Covid-19 — toux ou fièvre — et de se localiser. L'app proposait aussi des informations sur l'épidémie et la maladie.
Selon Mueller, Coronavirus Reporter voulait illustrer la propagation d'un virus à un moment — l'app a été soumise début mars 2020 — où le grand public en savait très peu sur le nouveau coronavirus. L'application a été refusée par Apple car les seules apps en lien avec le Covid autorisées sur l'App Store doivent provenir d'un organisme officiel (gouvernement, hôpitaux, compagnie d'assurances, ONG ou universités). Une règle établie le 14 mars et suivie aussi par Google.
Les deux entreprises ont ensuite travaillé de concert pour créer une boîte à outils commune pour les applications de suivi des contacts. Même si la quasi-totalité des apps de traçage utilisent l'API (la France résiste toujours et encore), la plainte rétorque que cette technologie n'a pas rempli ses objectifs. En substance, les plaignants estiment que si Apple et Google avaient autorisé des applications tierces, peut-être que le bénéfice pour la société aurait été meilleur qu'en les bloquant.
« Si Apple n'avait pas empêché la distribution de Coronavirus Reporter aux utilisateurs iOS, l'application aurait pu servir d'outil de communication », déplore Mueller. « Les gens auraient pu rapporter leurs symptômes de Covid-19, avec leur localisation et leur état de santé, les résultats de leurs tests, ou s'ils étaient en quarantaine ». Mueller et son équipe ont porté plainte contre Apple et Google (qui a aussi rejeté l'app) devant l'Union européenne et auprès des régulateurs de la concurrence en Allemagne, aux Pays-Bas, au Royaume-Uni, en Australie, ainsi qu'au Département de la Justice américain (ouf !).
Florian Mueller estime que les règles établies par les deux géants restreignent l'innovation, en violation de la législation européenne. Quizista réclame une injonction permanente qui empêcherait l'App Store de refuser l'accès aux « applications raisonnables ». Mueller, qui se range du côté d'Epic dans sa bataille contre la Pomme, estime que la boutique d'Apple enfreint les règles sur la concurrence avec des « standards arbitraires et capricieux ». Les avocats de l'éditeur aimeraient que d'autres éditeurs se joignent à leur plainte afin de créer une action de groupe.
Coronavirus Reporter s'est depuis transformé en Viral Days, un jeu consistant à apprendre les règles sanitaires de base (port du masque, quarantaine) pour contrer une épidémie (le Covid-19 n'est pas nommé). Il a été validé par Apple en décembre dernier.
Source : Reuters