Dans iOS 6 sorti hier soir, Apple abandonne Google Maps au profit de ses propres cartes. Un choix ambitieux, qui ne se fait pas sans quelques difficultés. Depuis hier soir, les plaintes se sont multipliées, d'utilisateurs qui voudraient retrouver les cartes d'iOS 5. Détails et explications en images…
Problèmes divers et variés
Alan Shatter, le ministre irlandais de la Justice, a contacté Apple, comme l'indique TNW. En cause, un parc urbain de 14 hectares au cœur de la banlieue dublinoise, au sud de la capitale irlandaise. Les nouvelles cartes d'Apple présentes dans Plans sous iOS 6 ont identifié cet espace vert comme un aéroport, certainement en raison de son nom. "Airfield", c'est un nom d'aéroport en général et l'entreprise a certainement automatisé la tâche de reconnaissance des aéroports. Un automatisme un peu trop rapide manifestement et qui inquiète le gouvernement irlandais. Et si un pilote amateur utilisait Plans pour chercher un aéroport et se posait par erreur dans ce parc au milieu des lotissements ? Ce problème reste plus anecdotique que dangereux — un pilote, même amateur, n'utiliserait pas uniquement Plans pour organiser son vol —, mais il est symptomatique des problèmes liés aux nouvelles cartes d'Apple. Depuis la sortie d'iOS 6 hier soir, les témoignages faisant état de bugs cartographiques se sont multipliés, un blog dédié à même été ouvert pour recenser les cas les plus manifestes.
À gauche, York en Grande-Bretagne avec des photos satellites en noir et blanc ou floues ; à droite le pont de Brooklyn à New York.
Au-delà de ces spectaculaires erreurs visuelles, Plans déçoit dans iOS 6 pour sa capacité à trouver les bons points d'intérêt. Google Maps est très souple et trouve très souvent le bon résultat, même avec une recherche approximative. En comparaison, la solution d'Apple est beaucoup plus rigide et finalement moins efficace et il est parfois difficile de trouver l'endroit recherché.
Ajoutons à cela l'absence de StreetView que Flyover ne parvient que très partiellement à combler ou encore l'absence des itinéraires en transport en commun et, pour beaucoup, Plans iOS 6 est bien plus mauvais que son prédécesseur.
StreetView (en haut) contre Flyover (en bas) pour la même position.
Quelques explications
Apple n'a pas créé à partir de rien des cartes pour le monde entier. Ce serait un travail titanesque, et un travail inutile : des entreprises ont déjà cartographié la planète entière et vendent leurs données à toutes les entreprises qui en ont besoin. Pour construire Plans, le constructeur a donc rassemblé plusieurs sources de données, mais c'est surtout l'énorme base cartographique de Tele Atlas qui a été exploitée. Ce nom ne vous dit sans doute rien, mais cette entreprise a été achetée par TomTom en 2008. Les cartes que l'on trouve dans iOS 6 sont donc les mêmes que celles que l'on peut trouver dans TomTom France (39,99 €) et les autres applications de l'entreprise. TomTom n'est pas le seul fournisseur de données : les cartes proposées par Apple sont en fait issues de la réunion de données variées. Le constructeur fournit une (longue) liste dans laquelle on note le fournisseur de cartes libres OpenStreet Map ou même le GPS communautaire Waze (Gratuit). On y trouve aussi des bases de données locales, comme l'équivalent de l'INSEE aux États-Unis ou de l'IGN en Australie. Les points d'intérêt proviennent quant à eux de Yelp (Gratuit), un réseau social construit autour de la géolocalisation et de la recommandation de lieux. Les photos satellites présentes dans Plans ne sont pas produites par les appareils d'Apple, elles sont là encore fournies par quelques organismes qui ont les moyens de mettre en orbite le matériel nécessaire. Les sources divergent et la couverture satellitaire est en fait composée de très nombreuses images. Qui dit images différentes dit différences visibles entre zones géographiques : comme sur Google Maps, on peut ainsi constater des changements brutaux de colorimétrie, surtout en zoomant beaucoup.On note ici très clairement la présence de deux photos satellites différentes : la rupture est rendue particulièrement visible à cause du changement de teinte.
Souvent, ce collage d'images n'est pas vraiment gênant. Parfois, il trahit l'absence d'images, ou alors une version datée. En France, Plans se débrouille assez bien, mais tous les pays ne sont pas aussi bien lotis. En Grande-Bretagne, en Irlande ou encore en Allemagne, des utilisateurs se plaignent d'avoir des photos en noir et blanc, voire des zones totalement pixelisées.
Ces différences sont beaucoup plus contraignantes, elles bloquent une partie de l'information, voire rendent l'utilisation de Plans quasiment impossible. Les fournisseurs de photos satellites choisis par Apple ne sont manifestement pas aussi bons que ceux de Google, mais ce type de problème pourra être réglé relativement facilement. Les données existent, il faudra les intégrer au service de l'entreprise.
Dans certains cas, les images satellites sont très anciennes, voire tout simplement absentes à un niveau élevé de zoom. Ici, à Paderborn en Allemagne.
Le plus dur reste à venir…
Apple est évidemment responsable pour ces défauts de jeunesse, mais il ne faut pas oublier que Plans vient de faire son apparition. Personne, pas même l'entreprise de Tim Cook, ne peut espérer arriver au niveau de maturité de Google Maps en quelques mois. Il faudra plusieurs mois, voire années, à Apple pour proposer une offre aussi aboutie que celle de son concurrent. Les erreurs strictement cartographiques, comme le mauvais placement de villes (ci-dessus, un exemple en Norvège) ou encore la reconnaissance erronée d'un aéroport au sud de Dublin, seront corrigées à la fois grâce aux corrections de TomTom, mais aussi des retours des utilisateurs de Plans. Apple a justement intégré à son application un système d'alerte qui permet, en fonction des besoins, de modifier les résultats d'une recherche, le nom d'une rue ou encore ajouter un lieu qui manque. Si Apple espère un jour atteindre le niveau de Google Maps, il lui faudra toutefois beaucoup de travail et des moyens en conséquence. Des moyens pour acheter plus de données et renouveler celles qui sont déjà dans l'application, mais aussi pour traiter les données envoyées par les utilisateurs. La signalisation de problème dans l'application ne sera qu'une goutte d'eau dans l'océan d'informations que va recevoir Apple à partir de maintenant. Chaque utilisateur de Plans offre en effet à l'entreprise des informations supplémentaires sur le réseau routier, mais aussi sur l'état du trafic. Ces données devront être analysées, confirmées et ajoutées aux cartes et Apple devra encore enrichir sa base de points d'intérêt, améliorer son moteur de recherche… Le plus difficile sera peut-être d'enrichir la fonction Flyover qui permet de survoler une ville. Très impressionnante, elle exige aussi d'importants moyens techniques (survol en avion) et la couverture restera sans doute très limitée pendant longtemps.Madrid vue du ciel
En France, Flyover est limitée pour l'heure à une partie de la ville de Lyon. Comme le rapporte Mac 4 Ever, Paris pourrait suivre : la préfecture a autorisé le survol exceptionnel d'un avion à basse altitude pour prendre des photos, exactement le profil requis par Apple. StreetView, si pratique dans l'offre de Google, sera quant à elle peut-être remplacée par un service équivalent que TomTom prépare depuis quelques années (lire : Plans : un mode Street View n'est pas inenvisageable).
Apple a choisi de se séparer de Google au profit de sa propre solution pour des raisons politiques et c'est le consommateur qui en fait les frais. On doit évidemment le déplorer, mais Plans peut aussi devenir une offre meilleure que celle de Google. Les bases sont plutôt bonnes, avec des cartes beaucoup plus agréables à regarder et à lire, surtout à petite échelle (en dézoomant).
Google Maps vs Plans iOS 6 – clic pour agrandir
Le GPS gratuit de Plans est également un point positif, même s'il est réservé aux possesseurs d'iPhone 4S ou iPhone 5. Apple doit maintenant faire progresser sa solution sur tous les plans, faute de quoi l'abandon de Google Maps restera une erreur aux yeux des utilisateurs.