Avec tvOS 12, l’Apple TV 4K gagne la prise en charge de Dolby Atmos, la toute dernière évolution des systèmes de reproduction sonore développés par Dolby. Non seulement le catalogue de l’iTunes Store est à l’avenant, mais les anciens achats peuvent être mis à jour (sous conditions) vers les versions Atmos.
Bref, il fallait que nous testions cette nouveauté… sauf que nous n’avons pas le matériel. Nous nous sommes donc rendus à la boutique Son-Vidéo.com de Lyon, qui nous a prêté son espace Focal l’espace d’un après-midi, avec une installation Dolby Atmos complète. Testons donc le Dolby Atmos sur l’Apple TV 4K avec tvOS 12.
C’est quoi le Dolby Atmos ?
Pour comprendre le Dolby Atmos, il faut remonter aux années 1970. Après une décennie de développement, les systèmes de réduction de bruit de fond conçus par Dolby ont trouvé place dans les studios d’enregistrement (Dolby A/SR) et les lecteurs de cassettes (Dolby B/C/S). La société californienne s’intéresse au marché du cinéma — après tout, Ray Dolby a fait ses premières armes chez Ampex, où le magnétoscope a été inventé.
Non content d’avoir réduit le bruit de fond des bandes magnétiques, Dolby veut maintenant élargir le spectre sonore. Le système Dolby Stereo encode quatre canaux sur deux pistes analogiques : les voies gauche et droite traditionnelles et une voie centrale autour de l’écran, et une voie surround derrière le spectateur. Un petit décodeur est nécessaire à la restitution du signal — la « redevance Dolby » est née.
Au début des années 1980, Dolby Stereo est suivi par Dolby Surround et Dolby Pro Logic, adaptés à l’usage domestique. Au début des années 1990, Dolby Digital Stereo ajoute une deuxième voie surround et surtout un canal réservé aux basses, pour former le fameux 5.1. Au début des années 2010 enfin, Dolby Surround 7.1 ajoute deux voies supplémentaires sur les côtés, et permet de localiser plus précisément les sons d’ambiance.
Vous l’aurez compris : de proche en proche, il s’agit d’envelopper le spectateur dans une bulle sonore, de lui donner l’impression d’être « dans » le film. Dolby Atmos est la conclusion logique… pour le moment. Jusqu’à 128 pistes contenant des métadonnées de spatialisation peuvent être assignées aux haut-parleurs, sous la forme traditionnelle de voies coordonnées ou sous la forme d’objets indépendants et dynamiques.
Surtout, l’« image sonore » n’est plus seulement répartie sur le plan horizontal, mais projetée dans un espace tridimensionnel. Ce système demande donc de jouer avec la hauteur. Un cinéma pourra tapisser son plafond de haut-parleurs, mais à la maison, les installations Atmos utilisent généralement des enceintes pointant vers le haut, qui diffusent les effets par l’intermédiaire des réflexions sur le plafond.
Un système surround peut former la base d’un système Atmos, l’essentiel de l’information sonore restant concentrée sur cinq ou sept voies. Achetez un ampli compatible, ajoutez une paire d’enceintes pointées vers le haut, et votre bon vieux 5.1 devient ainsi un système Atmos 5.1.2. L’implémentation « classique » demande un système 7.1.2, mais les systèmes domestiques peuvent gérer jusqu’à 35 canaux en 24.1.101.
Tester le Dolby Atmos
Puisque nous n’avons pas de cinéma à domicile, nous avons testé Dolby Atmos dans l’espace Focal de la boutique Son-Vidéo.com de Lyon. Nous avons évidemment dû nous munir de fichiers dotés d’une piste Atmos, réaliser les bons réglages sur le téléviseur et sur l’amplificateur, mais aussi… changer de câble HDMI ! L’Apple TV a immédiatement disqualifié notre câble no name, arguant qu’il ne permettait pas « de maintenir une connexion stable »2.
Qu’à cela ne tienne : les choses sont rentrées dans l’ordre après avoir trouvé un câble « ultra-haute vitesse ». Un câble qu’il vaut mieux brancher directement sur l’amplificateur, qui se chargera de renvoyer le signal vidéo vers le téléviseur. La plupart des téléviseurs « compatibles Atmos » privilégient leurs propres haut-parleurs, voire leur barre de son intégrée, et refusent de traiter un signal externe.
Puisque nous parlons de téléviseur et d’amplificateur, voici le matériel que nous avons utilisé :
- Apple TV 4K (199 €)
- téléviseur LG OLED55E8 (2 490 €)
- 55" OLED 4K UHD
- HDMI CEC, ARC
- HEVC 4K à 120 i/s, VP9 4K à 60 i/s
- HDR-10, HDR HLG, Dolby Vision, Advanced HDR
- AC-3, AC-4, Dolby Atmos, DTS, DTS Express, DTS HD
- télécommande LG Magic Remote
- webOS avec LG ThinQ AI
- ampli Marantz NR-1609 (749 €)
- entrées : 8x HDMI, 3x composites, 2x composantes, 1x numérique optique, 1x numérique coaxiale, 3x RCA stéréo, 1x phono MM
- sorties : 1x HDMI (ARC et HDCP 2.2), 1x composite, 2x pre-out RCA, 2x LFE pour caisson
- Dolby Atmos, Dolby True HD, Dolby ProLogic IIz, DTS:X, DTS Neural :X, DTS HD Master Audio
- AirPlay 2, Amazon Alexa, Heos, DLNA
- Spotify Connect, Deezer, Tidal
- enceintes colonne Focal Aria 926 (1 990 € la paire)
- deux haut-parleurs de graves de 16,5 cm
- un haut-parleur de médiums de 16,5 cm
- un tweeter de 2,5 cm à cône inversé
- membranes « Flax » en fibre de verre et lin
- utilisées pour les voies avant gauche et droite
- enceintes Focal Sib Evo (249 € la paire)
- un haut-parleur de médiums en Polyflex de 13 cm
- un tweeter en tissu de 1,9 cm
- utilisées pour la centrale, les voies surround, et les voies Atmos ;
- caisson de basse Focal Cub Evo (399 €)
- un haut-parleur de graves en Polyflex de 21 cm
Soyons clairs : il s’agit d’une installation ad hoc, dans une salle qui n’est pas dédiée aux démonstrations audiovisuelles, mais assez représentative d’un système qui aurait grandi au fil des années. Un « pack » Focal Sib Evo Dolby Atmos 5.1.2 (1 070 €) ou 7.1.2 (1 290 €), comprenant les nouvelles enceintes Sib Evo Atmos avec un haut-parleur pointant vers le haut, aurait été plus représentatif d’une première installation home cinema.
Nous avions prévu d’utiliser un MacBook Pro 15 pouces comme serveur de fichiers pour l’Apple TV, et d’utiliser Infuse ou VLC pour contrôler finement la lecture. Las, « Apple ne permet pas aux applications comme Infuse d’utiliser Atmos pour des contenus locaux », explique Firecore. L’Apple TV assure pourtant envoyer une piste son Atmos, et les enceintes dédiées envoient bien du son vers le plafond.
Le mystère se cache dans l’amplificateur : lorsqu’il reçoit le flux multicanal décompressé envoyé par Infuse, il utilise la technologie DTS Virtual:X pour simuler une dimension verticale. On passe du Dolby au DTS, on simule des enceintes, on blanchit les cheveux du pauvre rédacteur de MacGeneration. Cela fait illusion… mais ce n’est pas le sujet qui nous intéresse aujourd’hui.
Pour véritablement profiter du Dolby Atmos, il faut absolument utiliser des fichiers issus de l’iTunes Store, ou utiliser un service partenaire qui diffuse avec HLS. Cela tombe bien : Bright, sur Netflix, est moins un film qu’une démonstration des possibilités de Dolby Vision et Dolby Atmos. Pour comparaison, nous avons tout de même joué des fichiers de démonstration fournis par Dolby et des extraits de films récents en connexion directe sur l’amplificateur.
Un intérêt encore limité
Et force est de constater que les différences entre une piste surround et une piste Atmos sont plutôt subtiles. D’abord parce que les bandes-son des films récents reposent énormément sur les basses. Or les basses sont difficiles à localiser — même parfaitement réglé, le woofer remplit aisément la pièce, et il faut vraiment tendre l’oreille pour étudier le placement des autres fréquences.
Surtout parce que les voies Atmos sont utilisées avec une pudeur que l’on ne connaissait pas à Hollywood. Elles peuvent rester silencieuses pendant de longues minutes, y compris lors de scènes qui pourraient bénéficier d’un placement des « objets soniques » dans l’espace. Les compositeurs et les ingénieurs vont devoir apprendre à manipuler le logiciel de Dolby, redistribuer le son sur le plan vertical, et faire la part entre l’ambiance immersive et l’ambiance incommodante.
Les fichiers de démonstration procurent, c’est tout leur intérêt, les sensations les plus extrêmes. Dans l’environnement virtuel d’une sphère sonore, ainsi que les scènes en forêt ou sous la pluie, les ondes sonores renvoyées par le plafond permettent de placer les objets beaucoup plus précisément dans l’espace. (Et accessoirement… de vérifier la bonne géométrie de l’installation.)
Pour autant, il est difficile de parler de bulle enveloppant le spectateur, la scène étant clairement plus large que haute. La pluie ne tombe pas du plafond, mais d’une dizaine de centimètres au-dessus de la tête. Dans les films, où les effets sont beaucoup moins poussés, la bulle est encore plus compressée. On pourra suivre un avion des oreilles comme on le suit des yeux, mais on ne pourra pas croire qu’il vole à des centaines de mètres d’altitude.
Faut-il être déçu ? Probablement pas. Atmos complète bien la HDR, dans le sens qu’il ajoute un peu de profondeur et un peu de dynamique, sans pour autant transfigurer l’expérience cinématographique. Il n’est jamais plus intéressant que lorsqu’il est utilisé pour saupoudrer des sons d’ambiance, qui semblent venir de loin et rebondir sur tous les murs, comme les sons du quotidien.
S’il faut être déçu, c’est plutôt de l’Apple TV. On peut comprendre qu’Apple se concentre sur le streaming, on comprend moins qu’elle se concentre sur le streaming à l’exclusion de toute autre utilisation. Ce n’est pas comme si les téléviseurs n’intégraient pas leur propre application Netflix, que l’Apple TV s’adressait à un public somme toute restreint, et que ce public n’était pas susceptible de posséder sa propre vidéothèque.
Même si tvOS prenait pleinement en charge Dolby Atmos, nous ne vous aurions pas recommandé de dépenser plusieurs milliers d’euros pour construire un home cinema autour de votre Apple TV 4 K. Mais puisqu’il ne prend en charge Dolby Atmos que d’une manière très limitée, avec un codec destructif et un noyau 5.1 plutôt que 7.1, on ne vous recommandera même pas de mettre à jour votre installation existante.
Bien sûr, nous n’irons pas reprocher à Apple de prendre en charge le Dolby Atmos, même a minima ! Au moins suit-elle l’évolution des technologies audiovisuelles — après quelques années d’indifférence vaguement teintée de désintérêt, c’est déjà ça de pris. Voyez donc cette nouveauté comme un bonus, que vous gagnerez le jour où vous changerez d’ampli et achèterez une paire d’enceintes pointant vers le plafond.
- La marque Dolby Atmos est aussi utilisée pour désigner le successeur du système Dolby Headphone, qui n’est pas grand-chose de plus qu’un système de projection binaurale, qui n’est pas inintéressant mais n’a pas grand-chose à voir avec le sujet qui nous intéresse aujourd’hui. ↩︎
- Un problème lié à la bande passante demandée par le Dolby Vision, l’un des standards HDR pris en charge par le téléviseur que nous avons utilisé. Le même câble fonctionne sans aucun problème sur un téléviseur seulement compatible avec le standard HDR10, moins exigeant. ↩︎