Finie l'angoisse des clés égarées, fini le stress de la valise introuvable. Telle est la promesse d'Apple avec les AirTags, de petites balises qui s'appuient sur un réseau de localisation constitué de près d'un milliard d'appareils pour retrouver ses objets perdus.
L'échelle à laquelle opère Apple est sans commune mesure avec les balises des marques concurrentes. C'est ce qui rend les AirTags à la fois si prometteurs et si sensibles. L'application Localiser est-elle le service des objets trouvés du XXIe siècle ? Les AirTags ne risquent-ils pas d'être utilisés comme des mouchards ? Réponses à ces questions dans notre test des AirTags.
Une balise bien pleine
Commençons par le commencement : c'est quoi un AirTag ? C'est une petite balise que l'on accroche ou place dans un objet afin de le retrouver en cas de perte. Cette balise n'intègre ni GPS ni connexion cellulaire — des technologies trop gourmandes pour un accessoire de cette taille —, elle communique en Bluetooth avec les appareils Apple alentour qui transmettent ensuite sa position à son possesseur.
L'AirTag est loin d'être le premier produit de sa catégorie, mais Apple y a apporté sa touche qui se voit dès le déballage. Le galet de 31,9 mm de diamètre, 8 mm d'épaisseur et 11 g allie un dôme en plastique blanc à un couvercle en acier inoxydable qui peut servir de petit miroir (déformant, car légèrement bombé). C'est un pur produit designed in California, à la fois simple et élégant. Trop simple ?
Contrairement aux traqueurs de Tile, Samsung ou encore Chipolo, l'AirTag n'a pas de trou dans lequel glisser l'anneau d'un porte-clé, si bien que la nature du produit pourra paraître bien mystérieuse pour ceux qui ne comprennent pas ses inscriptions gravées au dos. S'agit-il d'un badge rond auquel il manque une épingle ? D'un nouveau jeu d'adresse qui fait fureur dans les cours de récré ?
Ce design sans fioriture, et reconnaissable entre mille, oblige dans de nombreux cas à ajouter un accessoire à ce qui est déjà un accessoire. Apple s'en donne à cœur joie en commercialisant des porte-clés et lanières aussi chers qu'un AirTag, sinon plus. On n'ose pas imaginer la marge réalisée sur un bout de plastique vendu 35 €. Heureusement, on peut d'ores et déjà compter sur les fabricants tiers pour pouvoir accrocher son AirTag à ses clés, son sac ou autre chose sans faire doubler son prix. Même si vous comptez simplement glisser votre AirTag dans la poche d'un sac ou d'une veste, une petite protection sera utile pour éviter les micro-rayures causées par des clés.
En parlant résistance, la balise ne craint pas l'eau jusqu'à 1 mètre de profondeur pendant 30 min (norme IP67). Après avoir placé un AirTag dans une grande bassine d'eau pendant une demi-heure, celui-ci est bien ressorti intact. Mais gare aux passages à la machine à laver ou aux baignades estivales, l'AirTag n'est pas assuré pour ça (la protection IP s'entend toujours pour de l'eau douce), même s'il peut parfois s'en sortir. Apple ne précise malheureusement pas jusqu'à quelles températures la balise peut fonctionner, alors que c'est une donnée importante l'hiver au ski ou l'été en plein cagnard.
La simplicité extérieure de l'AirTag cache une conception interne très recherchée. L'appareil a été conçu pour être à peine plus grand qu'une pile CR2032. Car oui, c'est une pile bouton standard qui l'alimente. C'est le meilleur choix qu'Apple pouvait faire : quand la pile finira par rendre l'âme, il suffira de la remplacer. Pour cela, il faut appuyer sur le couvercle en acier et le tourner dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. Bien que facile à réaliser, on ne risque pas de réaliser la manipulation par mégarde, sauf peut-être les enfants gaffeurs. L'utilisation d'une pile évite en tout cas le côté jetable des AirPods… Elle est aussi bienvenue pour désactiver un AirTag suspect sans pour autant le détruire, comme on le verra plus tard.
D'après Apple, l'AirTag a une autonomie de plus d'un an — le niveau de la pile est affiché dans l'app Localiser. Il est évidemment trop tôt pour juger ce point, mais compte tenu du protocole du fabricant pour cette mesure, on peut se montrer assez confiant sur cette endurance d'au moins douze mois. Il a en effet calculé cette autonomie à partir d'une utilisation quotidienne incluant quatre demandes d’émission de son et une demande de Localisation précise par jour. En utilisation réelle, à moins d'être vraiment tête en l'air, on ne sollicitera pas autant son AirTag tout au long de l'année.
Pour en revenir à la conception, l'AirTag se distingue particulièrement par l'intégration de son haut-parleur, ou plutôt par le fait qu'il s'agisse d'un haut-parleur en tout entier. En effet, c'est la vibration du dôme en plastique qui produit le son sans faire appel à un haut-parleur dédié. C'est très malin, mais il y a un inconvénient potentiel : si l'AirTag est fortement comprimé entre deux objets, sa puissance sonore diminue sensiblement. L'inconvénient est toutefois plus théorique que pratique, car même serré dans un portefeuille bien garni, il sonne à un bon volume.
Mais alors, si on perce un trou dans le dôme en plastique pour y faire passer un fil, on détruit le haut-parleur ? La réponse est non. Selon les bricolos d'iFixit, un petit trou ne change rien aux performances sonores de la balise. Si l'idée vous prenait vraiment de percer un trou, suivez précisément les consignes d'iFixit, sans quoi vous risquez de bousiller l'appareil en moins de deux…
Une configuration enfantine, un réseau déjà adulte
La configuration d'un AirTag est on ne peut plus simple. Après avoir retiré la fine pellicule qui le protège, un petit roucoulement aigu témoigne de sa mise en route. À la manière des AirPods, il suffit alors d'approcher la balise de son iPhone, iPad ou iPod touch (sous iOS 14.5 au minimum) pour qu'apparaisse à l'écran la fenêtre de configuration.
On commence par nommer l'AirTag. Il y a dix propositions d'objets courants (appareil photo, bagage, casque audio, clés, parapluie, portefeuille, sac à dos, sac à main, vélo et veste) ainsi que la possibilité de lui donner un nom personnalisé. Ensuite, on valide l'association à son identifiant Apple, on patiente quelques secondes… et c'est tout ! L'AirTag est fin prêt à être utilisé.
Une dernière fenêtre présente la localisation de l'AirTag ainsi que les fonctions principales, et propose de l'afficher dans l'application Localiser.
À partir de ce moment-là, l'AirTag communique en Bluetooth avec votre iPhone, mais aussi avec la myriade d'autres iPhone, iPad, iPod touch et Mac dans la nature, afin d'être repéré. Près d'un milliard d'appareils d'Apple constituent ce réseau Localiser conçu de telle sorte à être anonyme et sécurisé pour tous ses participants. La contribution de vos appareils au réseau d'Apple est activée par défaut quand vous utilisez la fonction Localiser mon iPhone/iPad/Mac, mais vous pouvez la désactiver si vous ne voulez pas apporter votre pierre à l'édifice (Réglages > Localiser > Localiser mon iPhone > Réseau Localiser).
Ce réseau de près d'un milliard d'appareils est sans commune mesure avec la concurrence. Imaginez un peu que Tile, qui était la référence jusqu'à l'année dernière avec 90 % du marché, ne revendique que 26 millions de balises vendues (soit moins en activité, certains modèles étant jetables). Les chiffres communiqués par Tile sont intéressants, car ils donnent une petite idée de l'efficacité minimum que l'on peut espérer avec le réseau d'Apple. Six millions d'objets associés à des Tile sont retrouvés quotidiennement et 90 % de ceux qui sont signalés comme perdus finissent par être dénichés. Cependant, ces statistiques ne précisent pas la part des objet retrouvés simplement chez soi et ceux localisés à l'extérieur, ce qui est une autre paire de manches.
Tile est désormais dépassé par Samsung, dont le réseau SmartThings Find compte 70 millions d'appareils. Surtout, le fabricant sud-coréen annonce que 700 millions de terminaux Galaxy sont éligibles. Reste à les passer d'éligibles à actifs, ce qui nécessite apparemment un consentement de la part des utilisateurs, pour rivaliser avec Apple.
Ce grand réseau, Apple aurait pu le garder jalousement pour elle, mais ce n'est pas le cas — peut-être pour ne pas accumuler les accusations d'abus de position dominante. Il est ouvert aux fabricants tiers, mais avec une condition d'exclusivité qui ne leur conviendra pas tous. Un vélo VanMoof, des écouteurs Belkin et une balise Chipolo assez similaire à l'AirTag (mais sans puce U1) sont les premiers appareils compatibles annoncés.
Localisation de proximité : net et précis
Deux cas de figure principaux entourent l'utilisation des AirTags. Le premier, c'est retrouver un objet perdu à proximité. Typiquement, ce sont les clés restées dans un sac, le portefeuille rangé dans le mauvais tiroir, le sac à main déplacé dans un endroit inhabituel…
Dans le meilleur des cas, cet objet est à proximité, c'est-à-dire à portée de Bluetooth de votre iPhone (ou iPad/iPod touch). L'objet est alors indiqué comme étant « Avec vous » dans l'app Localiser. Difficile de préciser la distance maximale de la connexion Bluetooth, cela dépend de l'environnement, mais durant mes essais j'ai constaté que cela fonctionnait en moyenne jusqu'à une quinzaine de mètres en intérieur.
Dans ce cas-là, des options différentes s'offrent à vous selon votre iPhone. Si vous avez un iPhone XS/XR ou antérieur, vous pouvez faire sonner l'AirTag. À vous ensuite de vous fier au son pour retrouver l'objet invisible. L'alarme est suffisamment puissante pour repérer un objet présent dans une autre pièce de la maison. Par contre, si vous recherchez votre sac qui n'est plus sous vos yeux dans un bar bruyant (quand ils auront rouverts), le signal sera certainement insuffisant. L'app Localiser propose aussi d'ouvrir Plans en lançant un itinéraire vers l'objet recherché, mais cette option n'a aucun intérêt puisque c'est d'une localisation plus précise dont vous avez besoin.
C'est là qu'entrent en jeu les iPhone 11 et 12, qui peuvent vous guider soigneusement jusqu'à l'objet grâce à la fonction Localisation précise. Celle-ci repose sur la puce ultra-wideband U1 (présente dans ces iPhone ainsi que dans l'AirTag), dont les impulsions permettent de calculer la position relative des appareils avec une précision de l’ordre du centimètre. ARKit, la technologie de réalité augmentée d'Apple, est aussi mise à profit. D'ailleurs, si l'endroit est sombre, la Localisation précise va demander plus de lumière et suggérer d'allumer la torche, ce qui règle l'affaire.
- U1 : Apple pose les bases d’un « radar personnel »
- AirTag : l'app Localiser cache une interface et des options avancées
Il faut savoir que la portée du signal ultra-wideband est plus faible que la portée du Bluetooth : quand vous démarrez la Localisation précise, vous pouvez faire face au message « Connecté. Le signal est faible. Essayez de vous déplacer dans une autre direction. » La méthode consiste alors à appuyer sur le bouton de haut-parleur en bas à droite pour faire sonner l'AirTag et ainsi faire une première approche à l'oreille.
Une fois dans le rayon de la puce U1 de la balise (une dizaine de mètres au maximum, mais plus souvent jusqu'à 6 m en intérieur), l'iPhone indique alors la distance et la direction en surimpression de l'environnement flouté. Plus on s'approche de l'AirTag, plus le Taptic Engine de l'iPhone tambourine.
En suivant ces indications, on trouve toujours très rapidement la balise. La Localisation précise n'a pas volé son nom, c'est un radar qui guide véritablement jusqu'à l'objet recherché. Jouer à cache-cache avec un AirTag et un iPhone 11/12 n'est d'ailleurs pas tellement amusant vu la vitesse à laquelle on trouve le galet à chaque fois…
La Localisation précise n'est pas magique non plus, elle ne peut pas voir à travers les matières : si l'AirTag est caché dans un amas de manteaux, de sacs ou de feuilles, vous n'échapperez pas à une brève fouille, mais le radar vous aura déjà fait gagner un temps fou en vous pointant la petite zone à examiner.
Localisation à distance : des centaines de millions d'appareils, et moi, et moi, et moi
Second cas de figure principal, la localisation à distance. C'est par exemple les clés tombées dans la rue ou le portefeuille laissé sur un comptoir dont l'absence saute aux yeux seulement une fois sur le palier de la maison.
Avant de faire appel au quasi-milliard d'appareils du réseau Localiser, on peut déjà compter sur le sien. Si on avait son iPhone sur soi au moment de la perte, il y a de bonnes chances pour qu'il ait enregistré la localisation approximative de la balise. En simulant à plusieurs reprises la perte d'un AirTag dans la rue, la dernière position enregistrée par mon iPhone a toujours été suffisamment récente et précise pour être utile. L'emplacement indiqué sur la carte n'était pas exact, mais il était assez restreint pour entamer une recherche de proximité grâce au Bluetooth puis à l'ultra-wideband. Cela aurait été sûrement plus compliqué dans un centre commercial.
En cas de perte, même si la dernière position enregistrée est correcte et pas trop éloigné de soi, mieux vaut tirer parti du mode Perdu. Ce mode fait trois choses. La première, c'est de vous prévenir quand l'AirTag est localisé par un appareil passé à côté (cette fonction peut s'activer indépendamment du mode Perdu). Vous recevez alors une notification indiquant l'emplacement qui peut rester le même à chaque nouvelle notification, ou bien changer si l'objet est en mouvement. Autant dire que cette alerte est essentielle si vous avez oublié un sac dans un bus ou que votre vélo a été volé, car la dernière position enregistrée par votre iPhone ne sert alors plus à rien.
La deuxième fonction du mode Perdu est l'affichage de votre numéro de téléphone et d'un message sur le smartphone de la personne qui trouvera votre AirTag. Encore faut-il que cette personne sache qu'en plaçant ce drôle de badge blanc sur le haut de son téléphone (à l'emplacement commun de l'antenne NFC) elle pourra vous contacter, ce qui n'est pas gagné. On compte sur Apple pour éduquer les foules par le biais de spots publicitaires.
Ce coup de pouce peut être réalisé depuis un iPhone (iPhone 6 minimum) comme un smartphone Android, pourvu qu'il soit équipé de la NFC, ce qui n'est toujours pas le cas de la plupart des modèles d'entrée de gamme. Si vous n'activez pas le mode Perdu, la page web qui s'affichera sur le smartphone du dénicheur comprendra uniquement le numéro de série de l'AirTag.
Enfin, la troisième fonction, c'est le verrouillage de jumelage. Cette fonction est importante car elle empêche une personne malhonnête ayant trouvé votre AirTag de se l'approprier. À l'instar du verrouillage d'activation de l'iPhone, le verrouillage de jumelage persiste même après une réinitialisation. Si le malandrin réinitialise votre balise placée en mode Perdu, cela aura pour effet de supprimer la demande d'aide et votre numéro de téléphone associés, mais il ne pourra pas la jumeler à son iPhone.
En plus des pertes de mon plein gré, nous avons mené un autre test : mon collègue Laurent est allé cacher dans le quartier Jean Macé de Lyon un de mes AirTags. La dernière position enregistrée par mon iPhone (au bureau de MacGeneration) étant inutile et Laurent étant parti sans son iPhone pour l'expérience, je ne pouvais donc compter que sur les badauds.
Peu après la mise en place de la balise, j'ai activé le mode Perdu. Vingt minutes plus tard, je recevais une notification m'informant que la balise avait été localisée il y a une dizaine de minutes à proximité du 24 rue Marc Bloch. Une fois sur place, j'ai commencé à parcourir les rues comprises dans le cercle bleu à la recherche du signal Bluetooth de l'AirTag. Au bout de cinq grosses minutes, je suis arrivé dans son champ ; j'ai pu alors le faire sonner et utiliser la Localisation précise pour le trouver dans le parterre dans lequel Laurent l'avait caché. Mission réussie ! Par rapport au 24 rue Marc Bloch, la balise était réellement située à 90 mètres, dans une rue adjacente relativement peu fréquentée.
Cette expérience concluante n'a pas valeur de vérité générale. Vous aurez compris que les chances de retrouver un objet dépendent notamment de la densité des appareils Apple aux alentours. Il pourra s’écouler un long moment avant qu’un marcheur passe à côté de la veste que vous avez oublié dans la forêt… Il y a aussi des environnements plus complexes à fouiller que d'autres : un AirTag égaré dans un centre commercial sera plus difficile à dénicher qu'un AirTag gisant sur un trottoir.
Toutes ces remarques valent pour un objet perdu qui reste immobile, mais qu'en est-il si celui-ci bouge, comme un vélo ? Florian avait fait l'essai avec le vélo VanMoof S3 qui est compatible avec le réseau Localiser. Alors muni de son iPhone, il avait noté qu'il y avait toujours un délai de plusieurs minutes entre le moment où il faisait étape dans un lieu et le moment où le vélo était localisé dans celui-ci.
Ce délai est très variable. Lors d'un essai à pied, je me suis éloigné d'environ 500 mètre du bureau avec l'AirTag de mon collègue Anthony dans la poche (à côté de mon iPhone) : Anthony n'a reçu une notification de localisation que lors de mon retour, une grosse dizaine de minutes plus tard, et cette localisation pointait sur le bureau. Tout cela pour dire qu'il est quasiment impossible de se lancer à la poursuite d'un voleur de vélo en surveillant l'app Localiser. Un traqueur GPS est plus approprié pour ça. Par contre, une fois que le vélo ou la voiture disparue est entreposée, on peut espérer une localisation relativement précise grâce à l'AirTag.
Puisque l'on parle de vol, une question se pose : faut-il laisser l'AirTag apparent ou bien le cacher ? Cela dépend de l'objet auquel il est associé. Si ce sont des clés, le traqueur a intérêt à être visible afin que la personne qui les trouve vous appelle — il est de toute façon difficile de le dissimuler sur un porte-clés.
Si c'est votre vélo qui a disparu, il y a plus de (mal)chance qu'il s'agisse d'un vol que d'un oubli de votre part. Dans ce cas-là, mieux vaut dissimuler la balise afin que le brigand ne la mette pas hors service. Quant à un sac ou une veste, tout dépend de votre foi en l'espèce humaine : en laissant l'AirTag apparent, un honnête homme pourra vous contacter, tandis qu'un fourbe pourra au contraire couper les ponts de la localisation…
Un mouchard qui peut faire mouche
L'AirTag est conçu pour suivre les objets, pas les personnes. Bien qu'Apple ait insisté sur ce point, les usages détournés sont inévitables. On s'attend à des malins et des ludiques — les photos de chiens et de chats avec un AirTag autour du cou n'ont pas mis longtemps à arriver —, mais aussi à des controversés et des malintentionnés.
Placés pour la science dans les cartables de deux marmots de l'équipe de MacGeneration, les AirTags ont fait remonter, après un petit laps de temps, leur localisation dans leur école primaire respective (des établissements où les iPhone ne sont pas répandus parmi les élèves). Ces localisations étaient approximatives (sur la carte, les cartables étaient épinglés à l'extérieur des écoles), mais largement suffisantes pour déterminer le lieu où se trouvaient les enfants. Nous avons retiré les traqueurs des cartables après cet essai.
En commercialisant les AirTags, Apple a une grande responsabilité. Les produit ou techniques pour pister discrètement une personne ne datent pas d'aujourd'hui, mais l'efficacité du réseau Localiser ainsi que la discrétion des AirTags et leur popularité certaine inquiètent d'ores et déjà des organisations américaines de lutte contre les violences domestiques. Pour éviter qu'un mari violent, qu'un amant éconduit ou que toute autre personne aux intentions malveillantes ne surveille les allées et venues d'une cible, Apple a mis en place quelques garde-fous. Si le réseau Localiser remarque qu'un AirTag qui ne vous appartient pas et qui est séparé de son propriétaire se déplace avec vous, une notification sur votre iPhone vous en informe au bout d'un moment.
Afin de tester ceci, mardi matin, j'ai configuré un AirTag sur l'iPhone de ma partenaire, puis j'ai mis cet AirTag dans ma poche afin qu'il me suive toute la journée. Résultat à la fin de la journée : zéro alerte. Je m'étais pourtant déplacé seul à plus d'un kilomètre de mon domicile à deux reprises. Mercredi, toujours avec l'AirTag de ma partenaire dans la poche, j'ai décidé de doubler mes chances en faisant de même avec une seconde balise liée au compte de mon collègue Anthony. Un petit tour à pied en début d'après-midi à proximité du bureau n'a toujours rien provoqué. Finalement, c'est à 16 h 23, alors au bureau, que je reçois la première alerte : « L'AirTag de [nom de ma partenaire] suit vos déplacements. » Son nom est indiqué car elle fait partie de mon groupe familial sur iCloud. Autrement, le nom du propriétaire de l'AirTag inconnu n'est pas affiché.
En touchant la notification, l'app Localiser s'ouvre avec un message m'indiquant que le propriétaire de cet AirTag peut voir ma position actuelle et que la première détection de cette balise près de moi remonte à 8 h 12 (l'heure à laquelle j'ai quitté la maison ce matin-là). L'application donne alors à voir les différents emplacements relevés par l'AirTag étranger depuis la première détection. Il a donc fallu huit heures au réseau Localiser pour considérer que cette balise pouvait transmettre mes positions à mes dépens — sans compter la veille durant lequel cette activité lui semblait normale. C'est trop long : imaginez qu'une personne malintentionnée trace vos déplacements pendant quasiment une journée avant que vous ne vous en rendiez compte.
L'alerte de sécurité liée au second AirTag étranger (celui d'Anthony) est apparue en rentrant chez moi en fin de journée. Le laps de temps entre cette alerte et la première détection a été là beaucoup plus réduit, en l'occurrence une demi-heure. Il est normal que l'alerte ne se soit pas déclenchée lorsque nous étions tous les deux au bureau, en revanche je n'explique pas vraiment pourquoi l'avertissement n'est pas apparu dès ma première excursion à distance d'Anthony en début d'après-midi. Peut-être que celle-ci était trop courte ou pas assez lié à mes lieux fréquents, car ceux-ci rentrent en ligne de compte dans l'envoi des alertes de sécurité.
Expérience inverse : j'ai suivi ma copine à qui j'ai confié un de mes AirTags. Lorsqu'elle se déplaçait à vélo, la localisation de cette balise avait quelques minutes de retard par rapport à la localisation quasi instantanée de son iPhone. Mais une fois arrivée à sa destination, la localisation de mon AirTag s'est quasiment confondue à celle de son iPhone au bout de cinq minutes.
Plusieurs possibilités sont offertes lorsqu'une alerte de sécurité est émise. Si l'AirTag est légitime, par exemple parce qu'il est accroché à un sac que l'on a emprunté à un proche, on peut mettre en pause les alertes. Si le propriétaire de la balise fait partie du partage familial iCloud, on a le choix entre une pause d'une journée ou bien définitive. S'il ne fait pas partie de la famille, la pause n'est possible qu'une seule journée, et devra donc être répétée au besoin. L'option supplémentaire pour les membres de la famille est bienvenue, mais on aimerait un véritable partage familial des AirTags, notamment pour la recherche des objets perdus.
Si l'AirTag est suspect et que sa présence était passée inaperçue jusque-là, on peut le faire sonner (mais pas utiliser la Localisation précise) pour le dénicher. Une fois en sa possession, on peut le scanner pour connaître son numéro de série. Si on pense que notre sécurité est en jeu, Apple conseille à cette étape de contacter les forces de l'ordre et éventuellement de leur communiquer le numéro de série de la balise. Avec cette information en main, les autorités peuvent demander à Apple l'identité du possesseur du mouchard si l'affaire le nécessite. L'application Localiser met également en avant les instructions pour désactiver un AirTag — ça se résume à retirer sa pile — et ainsi cesser le pistage.
Encore faut-il recevoir l'alerte de sécurité pour prendre ces mesures. C'est là que bât blesse. Si votre iPhone n'est pas sous iOS 14.5 ou ultérieur, vous ne recevrez pas cette alerte. Les possesseurs d'iPhone 6 et des générations plus anciennes sont laissés sur le bas-côté. Mais il n'y a pas qu'eux : impossible d'avoir l'alerte de sécurité sur un smartphone Android. Inutile de vous dire que ça fait beaucoup de monde concerné. Les possesseurs d'anciens iPhone et de terminaux Android n'ont pas été complètement oubliés par Apple : un AirTag qui vous suit sonnera au bout de trois jours de séparation d'avec son propriétaire. Est-ce suffisant pour avertir une personne pistée à son insu ? On émet de sérieux doutes.
D'une part, la petite alarme retentit une quinzaine de secondes puis reste silencieuse pendant plusieurs heures avant de se remettre en route. « Nous pensons vraiment que c'est un signal très clair et très net », défend Kaiann Drance, la responsable du marketing de l'iPhone, auprès du Washington Post. Mais une personne malintentionnée qui peaufinerait son coup pourrait réduire, voire annuler, le son. iFixit dit avoir découvert plusieurs méthodes relativement simples pour désactiver le haut-parleur, sans les détailler pour des raisons évidentes.
D'autre part, la durée de trois jours paraît bien trop longue dans une situation où la sécurité d'une personne est en jeu. « Il s'agit d'un ensemble d'éléments dissuasifs forts et novateurs [contre le pistage indésirable] », soutient Kaiann Drance. Il est vrai que ces précautions sont supérieures à celles de la concurrence, mais sont-elles pour autant suffisantes ? Apple indique que des ajustements seront apportés si nécessaire : « C'est un système intelligent et modulable. Nous pouvons améliorer la logique et le timing afin de renforcer les moyens de dissuasions. »
La vice-présidente d'Apple n'a pas voulu préciser si des experts en violences domestiques — les premiers à exprimer des craintes sur les AirTags — avaient été consultés lors de la conception du produit, mais elle a déclaré qu'elle était bien sûr à leur écoute. Dans les options envisageables, Apple pourrait notamment réduire la durée de trois jours à partir de laquelle une balise éloignée de son propriétaire se met à sonner. Une collaboration avec Google — comme celle autour du traçage des contacts dans le cadre de la pandémie de coronavirus — n'est-elle pas possible pour alerter plus tôt ces utilisateurs Android qui n'avaient rien demandé à personne ? À tout le moins, Apple ne peut-elle pas développer une app Android pour se prémunir contre un AirTag mouchard ?
Pour conclure
À l'instar de l'iPhone, de l'Apple Watch ou des AirPods, l'AirTag n'invente pas une nouvelle catégorie de produits, mais il établit immédiatement un nouveau standard. Par sa simplicité d'utilisation, par l'efficacité du réseau Localiser et par l'ingéniosité de la fonction Localisation précise, l'AirTag est le meilleur traqueur d'objets du marché. La balise échappe même aux habituels écueils des produits Apple ! Rendez-vous compte que sa batterie est remplaçable, son tarif raisonnable et que la Pomme fait une place aux fabricants tiers sur son réseau de localisation.
L'AirTag est comme une assurance : on en prend un en espérant qu'il ne nous serve jamais. Nul doute que les plus têtes en l'air remercieront leur AirTag à chaque fois qu'ils doivent trouver leurs clés ou portefeuille égarés à proximité. Les autres achèteront une certaine tranquillité d'esprit. Et tous auront une raison supplémentaire de rester dans l'écosystème Apple.
Comme pour toute assurance, il est important de lire les petites lignes : l'AirTag ne doit pas être considéré comme un antivol et son efficacité à distance dépend de la densité d'appareils Apple dans les environs. En clair, on aura plus de chance de retrouver en ville qu'à la campagne un objet éloigné de soi. Cela étant dit, on ne doute pas que de belles histoires de clés, bagages, vélos ou encore animaux de compagnie retrouvés grâce aux AirTags apparaissent rapidement…
Mais on redoute aussi des histoires beaucoup plus sordides de personnes pistées à leur insu à l'aide de ces mêmes balises. C'est le revers dangereux de l'AirTag, un potentiel mouchard simple, efficace et bon marché. Apple semble consciente du risque, mais ses mesures de précaution paraissent néanmoins faibles, tout particulièrement pour les utilisateurs de smartphones Android qui sont quasiment démunis face à cette menace.
Le juste milieu entre simplicité d'utilisation, efficacité de la localisation et protection de la vie privée est très complexe à trouver. Apple s'est judicieusement laissé une marge de manœuvre pour ajuster ces paramètres en fonction des utilisations concrètes des AirTags. Cette adaptation sera sans doute essentielle pour que ce gadget ne passe du statut pas de meilleur ami à celui de pire ennemi.