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En route #1 : le travail de fourmi des éditeurs de Waze

Florian Innocente

vendredi 14 août 2020 à 09:00 • 51

Services

Pour cette nouvelle série en trois articles, nous allons parler de cartes géographiques et de ceux qui les font. D'abord un coup de projecteur sur la manière dont la carte de Waze vous renseigne chaque jour sur l'état de la circulation et les trajets à éviter.

En route !
  1. Le travail de fourmi des éditeurs de Waze
  2. Quand Waze et les villes roulent ensemble
  3. Et si vous conduisiez une voiture Apple Maps

Quiconque utilise Waze a certainement déjà ressenti un brin de satisfaction lorsque l'app affiche le remerciement pour avoir aidé d'autres conducteurs par des signalements d'événements sur la route.

Au travers de ces attentions désintéressées, mais utiles à une foule d'inconnus lancés dans la même direction, on prend la mesure de la fameuse dimension communautaire du service. Ces gestes n'en sont pourtant que la surface, la démonstration la plus sommaire, car cette notion de communauté plonge jusque dans les racines du service et de son fonctionnement au quotidien.

À toute heure du jour, des éditeurs, comme ils sont nommés, modifient la carte de Waze, signalent des routes bloquées, rapportent des accidents, indiquent des déviations, renomment des rues, améliorent le tracé des voies à l'écran, etc. Un travail de fourmi qui fait de la carte de Waze un terrain en mouvement perpétuel et en constante amélioration. Un chantier sans fin, silencieux et conduit par des équipes organisées mais bénévoles, qui n'ont aucun lien contractuel avec Waze ou son propriétaire Google.

C'est le secret le moins bien gardé de Waze, mais pas forcément connu de tous ceux qui lancent cette app avant de démarrer leur voiture : cette carte et ce service de guidage fonctionnent grâce au sens du partage des conducteurs mais aussi, et surtout, par les efforts déployés en coulisses par ces éditeurs, dont quelques-uns nous ont raconté leur engouement pour ce travail sans salaire.

Un service très francophile

Né en Israël en 2006 et acheté par Google en 2013 pour 1,15 milliard de dollars, Waze compte plus 130 millions d'utilisateurs actifs par mois dans le monde. La France, avec 14 à 15 millions d'entre eux, est son troisième marché. Un podium sur lequel trônent les États-Unis, suivis par le Brésil (Sāo Paulo est la première ville au monde pour Waze grâce à ses embouteillages, les Paulistes y passeraient l'équivalent d'un mois par an, pare-chocs contre pare-chocs).

Sur la raison de cette popularité en France « il n'y a pas d'explication officielle », déclare Christophe, alias DrSlump34, l'un des éditeurs de la carte de Waze, de ceux aussi qui ont le grade le plus élevé (niveau 6), ce qui lui confère le droit de modifier n'importe quel élément sur la carte, partout dans le pays (il s'implique dans les partenariats entre Waze et des tiers et il contribue aux cartes du Maroc et du Laos). Il avance néanmoins quelques pistes pour éclairer cet engouement hexagonal :

Un service cartographique historique (IGN), extrêmement détaillé, qui a donné une cartographie de base à Waze déjà très riche, et donc rapidement utilisable pour les Wazers à l'arrivée de l'application sur les stores. Un pays de 60 millions d'habitants, plutôt bien répartis sur le territoire, ce qui a induit un nombre intéressant d'éditeurs potentiels sur l'ensemble du pays. Un pays également très râleur culturellement, avec un profil d'insatisfait permanent, mais également très soumis à une législation compliquée et unique sur certains points. De quoi générer un attachement fort à l'envie de vouloir toujours plus : gagner du temps, trouver des failles (raccourcis sur les routes) et éviter les radars (une obsession !).

À tout cela, il faut peut-être ajouter un service comme Coyote, efficace mais payant. Dès lors Waze, le « GPS social », pouvait espérer un public tout acquis à sa cause à son arrivée en France en 2010 (Waze n'avait alors que 500 000 utilisateurs dans le monde). Mais encore fallait-il proposer une carte précise de l'Hexagone pour que cela fonctionne auprès des conducteurs. Pour la France, Waze a utilisé un fond de carte de l'IGN puis a amélioré sa base de routes pour l'Europe et les États-Unis avec les informations fournies par l'américain Intermap.

Sur le premier fond de carte fourni par l'IGN, toutes les voies de circulation étaient présentes, mais sans être catégorisées, se souvient Lionel, alias no1ne (éditeur de niveau 6 aussi) : « La carte IGN, tu enlèves toutes ses infos, il ne reste plus que des segments qui sont de même niveau pour un sentier, un chemin ou une autoroute. » Un outil en ligne (que l'on peut tester en mode entrainement) permet ensuite de refaire une carte complète, exploitable pour la navigation. Les éditeurs tracent les voies et les caractérisent au moyen d'un foule de critères :

À une époque, quand on était le premier à rouler sur un segment, la voiture passait en mode "Pac-Man". Ce faisant on confirmait l’existence du segment de la basemap de l’IGN. Aujourd’hui, un segment qui n’a pas été encore validé va apparaître en blanc avec de petits points bleus dessus, comme un chemin dans Pac-Man.

Le mode "Pac-Man" des débuts. Image : Kablages

Ce mode de création d'une route pour la carte depuis l'app, tout en conduisant sa voiture, existe encore dans Waze. Il est symbolisé par un bulldozer, accessible dans la partie de l'app où l'on signale un problème de carte. Toutefois la France est aujourd'hui bien détaillée et les zones blanches sont rares voire inexistantes. Ce qui ne veut pas dire que le travail est terminé, loin s'en faut. La carte est vivante, avec des mouvements dictés par les événements de l'actualité, les catastrophes naturelles et l'aménagement du territoire.

Sans relâche et avec une disponibilité presque permanente, il faut continuer d'améliorer la carte de Waze, à la main, artisanalement pourrait-on dire. Un travail qui n'est pas du ressort du siège de Waze à Tel-Aviv et encore moins de son bureau français, chargé d'un rôle commercial.

La communauté de la carte

Ces améliorations sont apportées par une armée d'éditeurs. Sauf à de rares exceptions, elles sont de leur seule responsabilité. En 2019 il y avait environ 800 éditeurs actifs (ayant réalisé au moins une intervention sur la carte) et il y en aurait une bonne cinquantaine de vraiment impliqués. Une équipe qui est régie par une hiérarchie organisée en six rangs et que toute personne motivée peut un jour rejoindre. Une chose qui serait inimaginable pour l'application Plans d'Apple où le mode de fonctionnement est complètement opaque (lire : Apple Plans : le dessous des cartes).

Il faut bien garder à l'esprit que cette implication dans l'amélioration de Waze coûte du temps et ne rapporte que la satisfaction d'aider, dans l'ombre, les utilisateurs de l'app. Devenir éditeur de la carte n'est pas un plan de carrière.

« Pour débuter comme éditeur, il faut beaucoup rouler sur une zone et plus tu as de points, plus ta zone où tu peux éditer autour de ton itinéraire est large », explique no1ne, qui précise les paliers que l'on peut franchir au fil de son engagement : « Au début, par exemple, on pourra éditer jusqu’à 100 m de part et d’autre de sa route, puis ça augmentera. Ensuite on peut demander la responsabilité d’une zone. Ce sera un carré ou un polygone qui est découpé et qui t'es affecté. Et tant que tu édites, cette zone est renouvelée 3 mois, sachant que plusieurs "area manager" peuvent être sur cette zone. »

Source : Wazeopedia

Une zone géométrique pour un « area manager », un département pour un « state manager », une région pour un « region manager » puis le pays entier pour un « country manager »… Chaque niveau ouvre à des droits d'édition plus vastes et à la supervision du groupe en dessous. Au sommet, ensuite, « il y a des "local champs" qui ont une responsabilité organisationnelle sur le pays et les "global champs" qui font le lien entre les "local champs" et l'équipe de Waze à Tel-Aviv ». Ces hauts gradés peuvent également animer les programmes de mentorat conçus pour former les éditeurs encore peu expérimentés.

Dans ce groupe français, des sous-groupes s'occupent de tâches plus ciblées. « On a une équipe de gros bras qui est spécialisée dans les fermetures de route, la "french team closures" dans le jargon », détaille DrSlump34 :

Côté utilisateur, le signalement de la fermeture sera affiché immédiatement dans la carte. Cela fait 3 ou 4 ans que l’on peut fermer ainsi les routes en temps réel. Auparavant ça pouvait prendre un jour ou deux pour les fermetures qui n'avaient pas été programmées.

Par exemple, sur l’autoroute A9, il y a 3 jours, on a eu un véhicule qui a circulé à contresens sur 30 km, l’autoroute a été fermée le temps de l’intervention des forces de l’ordre. On a été informés en même temps et on a aussitôt bouclé l’autoroute sur la carte. Sitôt l'événement terminé, on a rouvert. Les gens qui ont le droit de fermer des routes sont des anciens dans l’équipe.

L'éditeur de carte de Waze avec tous les outils pour créer, définir et modifier un segment de circulation

Une carte en mouvement permanent

Titan-ium (rang 5), est l'un de ces responsables très actifs, membre d'un groupe de sept personnes ayant autorité pour fermer des axes de circulation petits ou grands :

On fermera des routes suite à des intempéries, des accidents, des événements marathon, Tour de France, rallye, travaux, attentat, gros incendies (comme celui de Lubrisol fin 2019 à Rouen) ou comme le Grand Prix de France où certains éditeurs étaient directement présents sur le circuit du Castellet pour réaliser des fermetures au cas par cas. Dans mon secteur, je suis moi-même en contact avec les pompiers, la gendarmerie, les communautés de communes et la préfecture.

De fait, dans le forum sur Discord où les éditeurs les plus actifs se retrouvent, se trouve un salon baptisé « Demandes Urgentes ». Il s'y s'échange continuellement des consignes de fermeture partout en France. « Il y a généralement toujours un éditeur de niveau 5 au moins qui regarde ce salon et traite les fermetures. Une action qui est ensuite surveillée pour réouvrir la route dès que possible » précise Michaël, alias InstantT (rang 4).

Un jour c'est une reconstitution judiciaire qui bloque temporairement un accès, un autre c'est une impressionnante collision entre voiture et poids lourds sur l'autoroute. Le 11 mai, c'est une longue liste de routes barrées en Gironde après des inondations qui est proposée. Plusieurs éditeurs se sont alors partagés le travail de modifier immédiatement la carte. Les éditeurs s'échangent des photos des événements, relaient des infos depuis les réseaux sociaux… Toutes sortes d'informations permettant d'affiner l'intervention sur la carte et d'en définir la durée.

Au-delà des urgences et situations exceptionnelles, un grand nombre de petites modifications sont apportées aux informations déjà dans la carte. Elles se fondent sur les observations faites par les éditeurs eux-mêmes lorsqu'ils circulent ; sur les signalements des conducteurs ; sur une veille permanente de l'actualité avec des filtres dans Google, des publications administratives, des articles de presse ou des réseaux sociaux ; et par le biais de partenariats avec des entités publiques ou privées.

Le tracé lui-même des voies est sujet à de fines retouches, explique DrSlump34, de façon à améliorer in fine les consignes vocales de l'assistant-e :

Certains aiment bien revoir les angles des voies pour les instructions données par Vanessa [l'une des synthèses vocales de Waze, ndr]. Elle génère ces consignes en fonction des angles qui existent entre deux segments et du nombre des voies. Sur une autoroute, si on a un angle de 13° vers la droite avec le mot « Sortie », elle va générer l’instruction, à X mètres en amont, de sortir sur telle voie. Mais en ville on se retrouve parfois avec une instruction « Sortez » alors qu’il faudrait plutôt une consigne « Serrez vers la droite ».

Sur certains axes autoroutiers, ils changent aussi les panneaux de sortie. Le choix des villes desservies par la sortie évolue et on doit le mettre à jour. C’est ce genre de peaufinage qu’on fait aussi.

À ces améliorations éparses répondent des actions groupées et localisées géographiquement, ce que les éditeurs appellent les « map raids ». Une équipe va s'occuper d'un département en particulier pour l'améliorer tous azimuts sur la carte. Une opération à plusieurs avec comme émulation parfois l'envie d'en faire plus que ses coéquipiers, explique Lubin, alias Lulucmy (rang 3) :

En ce moment nous sommes dans la Loire-Atlantique, et pendant un mois il y a 33 éditeurs qui ont les droits d'édition sur cette zone et qui seront en compétition. On passe dans chaque ville pour ajouter des rues, des nouveaux lieux et les limites de vitesse, par exemple.

Ce sont les éditeurs qui choisissent un département à traiter et l'un d'entre eux s'occupe de gérer cette équipée dont la progression est consignée :

On remplit un "tableau d’avancement", c’est un Google Sheets sur lequel toutes les villes, villages et hameaux sont répertoriés et où différents critères sont à valider : nommage des routes ; ajout de POI (mairies, cimetières, églises…) ; ajout de limites de vitesse ; d'emplacements de parking, etc.

Tableau de bord, pour le département 44, avec tous les types de voies pour lesquelles les indications de limite de vitesse existent ou pas.

Personne n’est obligé de remplir ce tableau et les éditeurs peuvent aller de lieu en lieu et corriger ce qu'ils veulent. « Mais ça évite de se marcher sur les pieds », ajoute InstantT, et si certains se sentent pousser des ailes, ils peuvent aller au-delà de la liste minimum des POI et ajouter à la base les « gares, les arrêts de bus, de métro ou de tram ».

Signalements et modification de la carte

InstantT, comme d'autres éditeurs, fait de l'observation de ses environs une activité quasi quotidienne. Depuis peu, il est « State Manager » pour les Hautes-Alpes, ce qui lui ouvre des droits d'édition sur tout ce département : « J'y suis né et j'y habite et j'ai envie que les routes y soient correctement présentées. Chaque mois je fais entre 3 et 5 000 km, j'ai donc tout intérêt à ce que les routes soient bonnes pour mes déplacements et ceux des autres ».

À la manière d'un utilisateur lambda de Waze, il note les écarts entre ce que dit la carte et ce qu'affiche l'app : « Je fais un signalement avec l'application et je m'envoie — en main-libre — un SMS pour me rappeler les détails, et j'ai aussi une dashcam avec laquelle j'enregistre ma route ».

Entre les détours faits pour déposer des auto-stoppeurs et ceux pour s'enquérir de l'avancée de travaux, il vérifie ainsi le périmètre proche de son village :

En ce moment c'est très calme, cela permet de me concentrer sur les villes et villages qui n'ont pas forcément les noms de rues ou les bâtiments administratifs correctement renseignés, de manière à ce que les automobilistes ou même les livreurs puissent être dirigés au mieux vers leur destination.

En parallèle à cela, InstantT réalise un travail de veille comme ses pairs, en suivant les informations distillées par le conseil général, les publications Facebook des gendarmeries, des pompiers, des municipalités ou les sites d'Inforoute. Et puis il y a tous les signalements envoyés par les autres conducteurs.

C'est ce que l'on pratique lorsqu'on est simple utilisateur de Waze : ces remarques envoyés au fil des choses et événements constatés sur la route. Ces messages sont reçus dans l'interface d'administration des éditeurs, raconte no1ne, où des scripts permettent parfois d’automatiser en partie la supervision de la carte :

Je suis conducteur et je vais signaler un événement qui s’inscrit dans la durée. Ça part de l’app mais l’alerte n’est pas transmise tout de suite. Le trajet doit être d'abord passé à la moulinette. Une fois que tu es arrivé, tu quittes l’application, elle va transmettre les données à Waze qui va les traiter. S’il y a un signalement, il apparaîtra dans les demandes de mise à jour.

Le conducteur a aussi la possibilité de l'accompagner d'un message — d’indiquer par exemple qu’il y a une fermeture de route pour travaux de telle date à telle date. Si on est dans les parages, on peut le vérifier et programmer une fermeture de route sur la carte qui sera représentée par un segment rouge et blanc

Réception d'une demande de mise à jour d'un POI pour signaler un nouveau lieu
Signalement d’une erreur de carte. Ici le signaleur était peu disert, dans ce cas l’échange avec l'éditeur peut continuer via la messagerie de l’app ou via l’éditeur de carte

Est-ce qu'un éditeur peut remonter la route suivie par un conducteur ayant signalé quelque chose ? Non, tempère no1ne, et tout dépend d'où on se trouve dans son trajet :

Tout comme sur la carte les icônes des Wazers apparaissent et disparaissent pour éviter que tu cherches à suivre quelqu’un, il faut éviter aussi, côté administrateur, qu’on puisse remonter tous les signalements d’une personne et retrouver son domicile.

Mettons que tu fasses une demande de mise à jour, par exemple une erreur de guidage dans un rond-point. Si le conducteur est à plus de 500 m de son point de destination, je vais avoir, attaché au signalement, le trajet que Waze t’a proposé sur 200, 300 ou 400 m. Mais si tu es à moins de 500 m de ton point de départ ou de ta destination, je n’aurai rien : ni ta position exacte, ni qui tu es, c'est complètement anonyme.

Qui dit interventions manuelles, implique des risques d'erreur humaine, soit par accident, soit de manière volontaire. Des cas assez exceptionnels, rassure no1ne, et aux conséquences limitées : « Si un éditeur fait quelque chose de travers, par accident ou par malveillance, les gens qui roulent dans le coin le signalent et c’est corrigé assez rapidement. Quelqu’un qui agirait de manière erronée ou malveillante abîmera la carte pendant une semaine, grand maximum ». Et plus le segment erroné est fréquenté, plus grandes seront les chances de le voir signalé et vite corrigé.

En fonction de la nature du signalement, le message ne sera toutefois pas redirigé vers ces équipes d'éditeurs, complète DrSlump34, qui prend l'exemple d'un événement temporaire sur une autoroute : « Ça ne sert à rien de signaler un véhicule à contresens, il faut plutôt prévenir au plus vite les forces de l’ordre. Les signalements effectués depuis l’application, comme les dangers, la pluie, les embouteillages ou la police ne sont là que pour informer les conducteurs derrière vous (exception faite des erreurs de carte). Ces alertes ne remontent pas vers la communauté des éditeurs. »

Il explique ensuite, dans les grandes lignes, comment vont perdurer ou disparaître ces événements, temporaires par nature. Chaque incident rapporté par un utilisateur possède une durée de vie définie par la combinaison de quelques critères :

Il y a le "score". Le système va considérer par exemple que la présence des forces de l’ordre vaut 10 points, alors qu'un véhicule rangé sur le bas-côté vaut 6 points. Il ajoute ensuite une autre donnée : la durée de vie initiale de l’événement. Pour la police, le système va considérer que cet événement a une durée de vie initiale de 1 h, tandis que celle du véhicule à l'arrêt sera de 15 minutes.

Puis il y a la donnée du renouvellement plausible ou pas du signalement. Pour la police, si dans les 25 % de temps restant de la durée de vie initiale l’événement est confirmé par un autre conducteur, il sera prolongé d’une quantité « T » de temps supplémentaire. À l'inverse, s'il est infirmé, l'événement sera supprimé. Mais pour cette suppression, il faudra que le cumul du niveau des utilisateurs l’ayant infirmé atteigne le score initial de l’événement. La police valant 10, il faudra que 10 utilisateurs de niveau 1 l'aient infirmé ou seulement deux utilisateurs ayant ou dépassant un niveau 5, comme moi.

Les motivations des éditeurs

Pour quelle(s) raison(s) chacun de ces éditeurs a-t-il franchi le pas et choisi de ne plus se contenter de signalements derrière son volant et de s'impliquer dans la vie de la carte ? C'est un mélange de convenance personnelle — « on n'est jamais mieux servi que par soi-même » pour améliorer sa zone géographique de résidence — et d'envie de participer à l'amélioration d'une ressource, certes privée puisqu'appartenant à Google, mais gratuite et utile à tous.

Pour Titan-ium c'est une mauvaise expérience avec un assistant concurrent qui l'a amené vers Waze au printemps 2017 : « Je me suis retrouvé un jour à plus de 50 km du lieu de mon itinéraire souhaité, j'ai donc signalé mon problème de guidage. Même un mois plus tard je me suis rendu compte que ce même GPS me guidait toujours au mauvais endroit. Rien n'avait été fait ! »

Peu à peu, guidé par le programme de mentorat avec un éditeur plus gradé que lui, il a gravi les échelons jusqu'au niveau 5 et a rejoint le groupe autorisé à fermer des routes. Il intervient désormais sur les régions Bas-Rhin et Vosges et donne un coup de main en Algérie avec l'équipe qui aide à la création de la carte Waze pour ce pays.

C'est en 2011 que Lulucmy a commencé à utiliser Waze, à une époque où tout n'était pas encore d'équerre : « La carte était très imparfaite, certaines routes n'existaient pas, d'autres n'étaient pas nommées et c'était plutôt complexe à utiliser au quotidien ».

Deux ans plus tard, il a commencé à éditer les lieux autour de chez lui, comme ajouter des noms de rues ou en corriger. Une occupation de chaque jour, avec la responsabilité de zones dans la Sarthe et près de Valenciennes : « Je me connecte tous les soirs en semaine, je suis étudiant donc quelques fois je n'y passe qu'une demi-heure ou une heure si j'ai du travail et le week-end je peux y passer beaucoup plus de temps ».

Une sorte d'addiction, encouragée par le mécanisme de progression que l'on peut comparer à celui d'un jeu : « Le système de niveaux et de points nous motive tous je pense, car à chaque niveau on débloque de nouvelles fonctionnalités et de nouvelles zones ».

Un an plus tôt, en 2010, no1ne se lance sur Waze alors que tout est à faire sur la carte. Cet habitant de Lorient, qui travaille dans la fabrication de voiles, s'était équipé de la première génération d'iPad, dans sa version cellulaire, qu'il utilisait comme GPS à grand écran pour ses trajets en voiture : « Je n’avais pas envie d’acheter un GPS ou une app type Navigon, qui devait coûter 150 ou 200 € à l’époque, et fonctionnant sur un écran de 3" ». Plans d'Apple n'existait pas et Google n'était pas forcément bien vu, donc Waze :

Je voulais une carte évolutive sans avoir à repayer systématiquement. Au tout début, l’application permettait de donner des noms de rues et d’emplacements au fil de la conduite, ce n’était pas très prudent, mais je l’ai fait entre Lorient et Rennes, avec des copier-coller entre chaque tronçon. Au départ on est simple utilisateur, puis lorsqu’on a un peu de temps, on se dit qu’on va améliorer la chose et on devient un éditeur de carte.

L'expérience de DrSlump34 est une synthèse des motivations de ces éditeurs : « Voir que les modifications signalées 48 h plus tôt étaient déjà là avait quelque chose de génial et d’innovant. On ne risquait pas de voir ça chez TomTom. Waze a un bon outil et un excellent système de progression pour les éditeurs : plus on en fait, plus on a le droit d’en faire. L’arc de jeu s’agrandit ».

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