Et si Nokia avait réalisé l’opération du siècle en revendant une branche mobile (qui coûtait cher et rapportait peu) à Microsoft… qui s’en est rapidement débarrassée ? Le constructeur finlandais, désormais soulagé d’un encombrant héritage, veut maintenant partir de nouveau à la conquête du marché de la mobilité en embauchant des experts logiciels (les mêmes que Microsoft licencie à tour de bras ?), en testant de nouveaux produits et en recherchant des partenaires commerciaux.
Reuters, qui fait le point sur la situation de l’équipementier spécialiste des réseaux, explique que Nokia doit attendre la fin de l’année prochaine avant de dévoiler des nouveautés mobiles — l’accord avec Microsoft interdit au groupe de se relancer sur ce marché jusqu’à fin 2016. Mais c’est un mal pour un bien, puisque ce temps est mis à profit pour préparer le retour du groupe : la tablette N1, clone de l’iPad mini sous Android, a été lancée en début d’année en Chine, un lanceur d’apps Android, Z Launcher, est disponible depuis quelques mois, et Nokia a dévoilé récemment sa stratégie sur le marché de la réalité virtuelle (lire : OZO, la boule caméra de Nokia pour filmer à 360°).
Nokia fait la chasse aux talents sur LinkedIn, notamment des ingénieurs Android du côté de la Californie. Les équipes de la division technologie comptent 600 forts en thème qui planchent sur des produits grand public, dont des téléphones, mais aussi dans les domaines de la santé et de la vidéo numérique.
En plus d’une expertise indéniable, l’entreprise a aussi un autre atout dans sa manche : son portfolio de brevets qu’elle a su conserver même après l’acquisition de sa branche mobile par Microsoft ; n’oublions pas non plus la fusion avec Alcatel-Lucent qui va apporter à la nouvelle entité Bell Labs, un labo américain de recherche ayant remporté huit prix Nobel.
Pour éviter les retournements du marché qui interviennent sans prévenir dans un secteur très remuant, Nokia va exploiter un système de licences déjà à l’œuvre pour la N1 : les risques liés à la production et à la distribution sont pris en charge par les partenaires de Nokia qui reversent des royalties. Rajeev Suri, le PDG, n’a pas fait mystère de son peu d’appétit pour l’ancien modèle économique de l’entreprise, qui gérait tout en interne.
La « location » de la marque, qui s’accompagnera de technologies développées par Nokia, sera-t-elle cependant suffisante pour permettre à la société de signer un retour gagnant ? Rien n’est moins sûr. D’une part, récolter des royalties rapporte moins à court terme que de gérer complètement la chaîne de développement, de production et de distribution. D’autre part, où en sera la marque Nokia dans quelques mois ? Celle-ci est sortie du top 100 des marques les plus connues, après avoir été classée parmi les cinq les plus populaires jusqu’en 2009. L’absence auprès du grand public se paie cher et il n’est pas certain qu’une poignée de smartphones griffés Nokia soit suffisante pour susciter de nouveau l’envie.