Le 9 janvier 2007, Steve Jobs dévoilait l’iPhone. La première étape d’une aventure qui allait transformer Apple et provoquer des cataclysmes chez les fabricants de mobiles et les éditeurs de logiciels et services. À l’approche de ce dixième anniversaire, cette Timeline revient sur les quelques mois qui ont entouré cet événement.
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À quoi ressemblaient les téléphones en vogue en 2006, alors que les rumeurs de l’arrivée d’Apple sur ce créneau se faisaient insistantes ? On pourrait citer des iPAQ de HP, le Sony Ericsson k750i, le BlackBerry Pearl, le Nokia 6680 ou le Motorola Razr encore populaire. Une recherche chez GSM Arena, en ciblant sur des téléphones démarrant à 300 $ (les deux premiers iPhone 4 et 8 Go coûteront bien plus : 500 $ et 600 $), montre un assortiment de modèles à peu près tous dotés d'un écran de bonne taille et d’un clavier.
Claviers
Qu’il soit fixe ou rétractable, secondé ou non par un stylet, le clavier demeure un élément incontournable dont peu de fabricants osent se défaire. C’est presque comme envisager de vendre une voiture sans volant. Certains pourtant s’en affranchissent, comme cet HTC P3300 lancé en septembre 2006.
Ces claviers physiques — dont les clients de BlackBerry s’amouracheront durant des années — seront taillés en pièces par Steve Jobs. Lorsqu’il compare son iPhone à la crème des smartphones du moment, c’est pour montrer qu’ils occupent la moitié de la surface utile du téléphone. C’est autant lorsqu’on affiche une page web ou, en mode paysage, pour profiter de ses photos et vidéos. Des claviers qu’il faut aussi décliner aux particularités de chaque marché visé.
Lorsqu’arrive le jour de présentation de l’iPhone, un journaliste se plaint à Jobs — qui lui a mis entre les mains ce clavier virtuel — qu’il fait des fautes à répétition en voulant taper un texte, et puis qu’il est trop petit. « Vos pouces vont apprendre », lui répond le patron d’Apple en souriant.
On mesure d’une autre manière le chemin parcouru depuis une dizaine d’années lorsqu’on se souvient de la méthode de saisie Graffiti popularisée par Palm. Cet alphabet de formes simplifiés pour toutes les lettres, chiffres ou symboles. Il fallait les dessiner un à un dans un sens bien précis, au stylet, sur une zone dédiée à la base du téléphone ou sur l’écran.
Même les actions essentielles des menus pouvaient être exécutées directement par une combinaison de trait et de lettre à dessiner. Une cousine plus évoluée de cette saisie graphique est réapparue cette année dans watchOS 3 avec la fonction Scribble.
Stylets
Les écrans tactiles de 2006 ne sont pas aussi sophistiqués, confortables ou agréables à l’œil qu’aujourd’hui, mais ils existent déjà sur nombre d’appareils. Le stylet reste néanmoins un accessoire prisé sinon obligatoire pour profiter de Windows Mobile PocketPC. Car l’interface utilisateur de cet OS est une transposition un peu trop fidèle de son aînée sur PC.
Cet HTC cité précédemment a un clavier virtuel et l’interface Windows de son système d’exploitation a besoin de béquilles pour marcher : le stylet ainsi qu’un “Roller”, nom d’un petit trackball intégré facilitant les déplacements de la flèche du curseur.
Lorsque ce téléphone sort en 2006, il ne reste plus que trois mois avant la première présentation publique de l’iPhone. Ces deux clips illustrent le gouffre qui allait s’ouvrir au beau milieu de l’industrie du mobile à partir de janvier 2007.
Comme le clavier, Steve Jobs jugea inutile d’avoir toujours un stylet pour de si petits écrans. On a dix doigts, c’est autant de stylets toujours à disposition. Il n’y a pas d’interaction possible plus naturelle que par ce biais.
Le marché lui a donné raison. Ce n’est que lorsque les smartphones ont commencé à s’agrandir pour devenir de petites tablettes que les stylets ont retrouvé leur place. En particulier chez Samsung avec le Galaxy Note et dans une moindre mesure, finalement, chez Apple. La prochaine étape, à en croire Google, Apple ou Microsoft est d’en faire encore moins avec les doigts et bien plus avec la voix.
Des designs sans retenue
L’iPhone a été l’occasion pour toute une industrie de se réinventer (dans la douleur) et de commencer la rédaction d’un tout nouveau chapitre de son histoire. Il y a éventuellement un domaine dans lequel on peut estimer avoir perdu un brin de quelque chose : celui du design.
Chaque fabricant a son style, mais qu’ils viennent de Samsung, Apple, Google, Huawei… tous les smartphones se sont standardisés autour d’une forme identique. Depuis quelques années, le smartphone est un parallélépipède, fin et léger, largement recouvert d’un écran (qui parfois déborde un peu, seule grosse originalité récente).
De tous les fabricants de l’ancienne époque, Nokia est peut-être celui qui a le plus joué avec les formes et les couleurs. Ce poster, qui retrace l’évolution des téléphones de la marque en est l’illustration éclatante.
De 2001 jusqu’à la seconde moitié de 2005 on a comme l’impression que chaque lubie des designers a été validée par la direction de Nokia et commercialisée. Un téléphone en forme de demi-lune (N-Gage) ? Avec un clavier aux touches disposée en cercle (3650) ? En forme de rouge à lèvres (7280) ? Banco, on lance !
Les dirigeants d’Apple aiment dire qu’ils ne valident qu’une infime partie des produits auxquels ils réfléchissent, Nokia donne le sentiment d’avoir procédé exactement à l’inverse. Comme si un fabricant automobile commercialisait tous les concepts-car qui sortent de ses bureaux d’étude. Comme si Nokia était à ce point sûr de sa domination qu’il s’est autorisé toutes ces fantaisies, tous les caprices, sans se soucier du risque qu’il y a à trop se disperser.
En comparaison, les téléphones d’aujourd’hui se sont considérablement assagis. Les efforts extérieurs portent sur les finitions, les matériaux et leurs traitements. À ce titre, certaines préoccupations d’aujourd’hui ressemblent à celles d’hier. Dans un test du Nokia 8800 Sirocco, avec écran couvert de cristal de saphir et une coque en métal de couleur noire laquée, le rédacteur trouvait que cela prenait décidément très vite les empreintes de doigts, au point qu’un petit chiffon était inclus (amis du Noir de jais…).
Bien sûr, la nostalgie ramène parfois les souvenirs sous un jour meilleur qu'ils n'étaient. Les excentricités de Nokia sont plaisantes à contempler aujourd’hui, mais on voit aussi leurs limites. À partir du moment où tout passe par l’écran, le tactile et le vocal, tout le matériel autour a vocation à s’affiner et s’effacer.