Apple en a-t-elle trop fait ou pas assez avec l’iPad 10 ? On se gratte un peu la tête au vu de la fiche technique qui mêle le neuf avec l’ancien avec plus ou moins de bonheur. Essayons d’y voir plus clair !
L’iPad 10 marque la fin de la grande aventure du design inauguré avec l’iPad Air lancé en 2013. L’iPad 9 est et restera le dernier représentant de cette famille de tablettes arborant un châssis plus svelte, des bordures latérales plus fines et un bouton d’accueil Touch ID.
Par bien des aspects, et d’abord visuel, l’iPad 10 a tout emprunté à l’iPad Air : design « tranches plates », bouton d’allumage avec capteur d’empreintes digitales, port USB-C, taille d’écran identique… Mais les différences sautent rapidement aux yeux.
Grand écran, avec des restrictions
Au quotidien, cette nouvelle tablette se montre très agréable : le produit est mature depuis longtemps, l'écosystème est maîtrisé et pour peu qu'on ne vienne pas gratter la plaie « usage pro » trop longtemps, iPadOS fait le job. Alors certes, l'écran n'est pas laminé (la couche tactile est « sous » le verre), ce qui signifie que les icônes et les éléments graphiques n'affleurent pas à la surface.
Quand on s'est habitué aux écrans laminés, c'est vrai que la dalle de l'iPad 10 provoque une étrange sensation de profondeur. Et quand on s'est habitué à un iPad Pro avec ProMotion, retourner à du 60 images/seconde en tout temps donne un coup de vieux. Mais pour les utilisateurs qui viennent d'un iPad un peu ancien, il n'y aura aucune différence et ils se sentiront comme chez eux. Et puisque l'iPad 10 ne s'adresse pas aux possesseurs d'iPad Air ou d'iPad Pro…
L’iPad 10 bénéficie désormais d’un écran Liquid Retina de 10,9 pouces, à comparer avec l’écran de 10,2 pouces Retina de son prédécesseur. Ce dernier ne démérite pas, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Néanmoins, si les 0,7 pouce de différence entre les deux tablettes paraissent peu sur le papier, dans les faits il faut reconnaître que la surface d’affichage offerte par l’iPad 10 (2 360 x 1 640 contre 2 160 x 1 620 pour l’iPad 9) rend plus agréable la consultation ou le travail.
En revanche, on fera l’impasse sur la très utile fonction "Zoom de l'écran", qui augmente l'espace d'affichage depuis iPadOS 16.1. Et la prise en charge de la gamme de couleurs P3, présente sur tous les autres iPad (y compris le mini), est aux abonnés absents. Les photographes et les graphistes ayant besoin d’une bonne fidélité des couleurs passeront leur chemin.
Enfin, les coins arrondis donnent un petit coup de modernité discret à l’interface d’iOS. On conserve l’affichage True Tone bien sûr, ainsi que la luminosité de 500 nits. Il n’y a pas grand chose à dire sur l’écran de l’iPad 10 qui certes, ne bénéficie pas des flonflons et du raffinement de ses grands frères, mais qui n’en demeure pas moins très convaincant que ce soit pour regarder une vidéo ou pour rédiger ce test.
L'absence d'écran laminé sur l'iPad 10 est une des raisons qui expliquent la différence d'épaisseur entre ce modèle et l'iPad Air : 7 mm contre 6,1 mm. La nouvelle tablette est également un poil plus lourde (477 g pour le modèle Wi-Fi, contre 461 g pour l'Air). Cela permet aussi à Apple de baisser la facture des composants.
Autre mesure de réduction des coûts : l'intégration d'une puce A14 plutôt que l'A15, qui équipe pourtant l'iPad mini 6 (sorti l'an dernier) et les nouvelles Apple TV. Le système-sur-puce de l'iPad 10 ne démérite pas, il avale sans peine les gros jeux 3D et les applications les plus gourmandes. Je n’ai en tout cas pas eu à souffrir de latences ou de ralentissements dans les applications les plus courantes, ce qui sera l’usage premier de cette tablette. Pas de surprise pour l'interface et les interactions avec iPadOS, elles sont fluides comme toujours.
À l'heure actuelle, avoir une puce A14 ou A15 ne fait pas vraiment de différence au quotidien. En revanche, dans plusieurs années, peut-être que l'iPad mini 6 laissera l'iPad 10 sur place dans la course aux mises à jour d'iPadOS. Et ça, c’est un pari sur l’avenir…
Le système-sur-puce A14, gravé en 5 nm, contient 6 cœurs (2 performants et 4 économes), un Neural Engine de 16 cœurs, et un GPU de 4 cœurs. Dans les tests synthétiques de Geekbench 5, l’iPad 10 est logiquement dans les clous de l’iPad Air 4 avec sa puce A14, et surclasse son prédécesseur, l’iPad 9, dans le bench multi-cœurs.
Les performances du circuit graphique sont même quasiment doublées. Cette patate demeure étonnante par rapport aux iPhone 12 et 12 Pro embarquant la même puce, et pour lesquels le test Compute retourne un score qui tourne autour de 9 200, contre 12 400 pour l'iPad.
Cet écart n’a jamais été explicité, néanmoins il est probable que l’iPad bénéficie d’un système de refroidissement plus efficace que pour les smartphones (ne serait-ce qu’en raison de l’encombrement de la tablette). Ce qui donne plus de latitude à iOS pour s’exprimer graphiquement.
Dans les systèmes-sur-puce d'Apple, le moteur neuronal occupe une place presque plus importante que le CPU. C'est en effet grâce à lui que les apps réalisent les tâches complexes nécessitant l'apprentissage automatique (Core ML), comme les souvenirs de Photos, la reconnaissance des visages, la détection des textes dans les photos et vidéos ou encore la fonction d'agrandissement des images dans Pixelmator Photo.
Le Neural Engine de l'A14 contient 16 cœurs (11 000 milliards d'opérations à la seconde) qui, dans le test Core ML de Geekbench, donnent véritablement le meilleur d'eux mêmes. La puce se paie même le luxe de dépasser d'une tête son équivalent de l'iPad Air 4 !
L'exportation d'une vidéo en 4K (H.265) dans Luma Fusion demande 7 minutes et 6 secondes de traitement sur l'iPad 10, contre 6 minutes et 12 secondes sur un iPad Air M1. Pas sûr que les utilisateurs de la nouvelle tablette l'utiliseront pour du montage vidéo professionnel, mais toujours est-il que si l'A14 n'a évidemment pas la même puissance brute que la puce M1, elle sait toutefois se défendre. En tout cas, s'acquitter de tâches lourdes sans barguigner.
USB-C et caméra « horizontale » : des nouveautés contrastées
L’iPad 10 est le dernier produit Apple en date à jeter aux orties le port Lightning. Si vous aviez des périphériques et des accessoires Lightning, ça sent le sapin car le constructeur est en passe de basculer tout son catalogue vers l’USB-C — y compris l’iPhone.
La bonne nouvelle, c’est qu’il suffit d’utiliser un câble et un chargeur USB-C pour remplumer la batterie ou transférer des données. Dans sa grande mansuétude, Apple glisse ces deux accessoires dans la boîte (jusqu’à quand ?), l’adaptateur fourni étant celui de 20W vendu 25 € sur l’Apple Store.
La mauvaise nouvelle, c’est qu’Apple s’est vraiment contenté du strict minimum pour les données : la vitesse de transfert est celle du Lightning, qui est aussi celle de l’USB 2.0 (débit théorique de 480 Mbit/s) ! Loin, très loin des 5 Gbit/s de l’iPad mini 6, des 10 Gbit/s de l’iPad Air M1 (USB 3.1 Gen.2) et bien sûr des 40 Gbit/s des iPad Pro (Thunderbolt 3).
Mille raisons peuvent expliquer la mesquinerie d’Apple sur ce point. On peut penser que les utilisateurs d’iPad 10 utilisent d’abord et avant tout AirDrop. Mais faut-il pour autant excuser le constructeur d'en faire si peu ? Vu le prix demandé, probablement pas.
Ce débit cacochyme limite également l’affichage externe à du 4K à 30 Hz (ou 1080p à 60 Hz), à l’image de l’iPad mini 6. L’iPad Air et les iPad Pro peuvent pousser jusqu’à 6K à 60 Hz sur un écran supplémentaire. Mais après tout, l’iPad 10 (et l’iPad mini) étant privé de Stage Manager, il y a peu d’intérêt à le brancher sur un moniteur externe.
Malgré le passage à l'USB-C, l'iPad 10 est toujours bloqué en USB 2.0
L’iPad 10 inaugure une autre grande nouveauté : une caméra sur la tranche horizontale de la tablette. Vos correspondants n’auront plus l’impression que vous regardez sur le côté ! Ce capteur FaceTime est similaire à celui de l’iPad 9, c’est un ultra grand-angle de 12 mégapixels avec un champ de vision de 122 degrés et une ouverture ƒ/2.4.
Même si le capteur a besoin de lumière pour fonctionner, le Neural Engine prend la main pour améliorer le rendu de l’image. L’iPad 10 apporte en sus la fonction Cadre centré qui suit l’utilisateur et dézoome l’image quand une ou plusieurs autres personnes entrent dans le cadre.
La présence de cette caméra sur la tranche longitudinale de la tablette est très probablement ce qui explique pourquoi l’iPad 10 se contente d’une compatibilité avec l’Apple Pencil 1. Difficile en effet de caser en plus le mécanisme magnétique de l’Apple Pencil 2…
Pourquoi l'iPad 10 n'a t-il droit qu'à l'Apple Pencil 1 ?
Est-ce pour autant une raison de pardonner Apple dans ce qu’il faut bien qualifier de Bérézina du Pencil ? Évidemment non. L’obligation d’utiliser un adaptateur pour appairer le stylet avec la tablette est non seulement une aberration écologique, mais aussi un coût pour les possesseurs du premier Pencil. Certes, ça n’est « que » 10 euros.
Ça fait quand même cher de l’utilisation unique, sachant que le stylet peut se recharger sur n’importe quel port Lightning. Rappelons aussi l'existence de l'adaptateur Lightning/Lightning fourni depuis toujours avec le Pencil, qui permet de recharger l'accessoire en le branchant à un câble Lightning. Un adaptateur que vous avez probablement perdu !
Apple aurait pu et aurait dû se creuser un peu plus le ciboulot pour faciliter la vie de ses utilisateurs. Ce d’autant que ce fichu adaptateur n’était quasiment pas disponible au lancement de l’iPad 10 !
iPad 10 et Apple Pencil : le fiasco ridicule de l'adaptateur Apple
Un mot pour finir sur le bloc photo à l’arrière de la tablette. Il y a du mieux par rapport à l’iPad 9, avec ce capteur de 12 mégapixels et une ouverture ƒ/1.8 (le précédent modèle doit se débrouiller avec un capteur de 8 mégapixels ƒ/2.4). Le Smart HDR 3 va « déboucher » les ombres et réduire les ciels cramés. En revanche, il faudra une bonne lumière pour réaliser les meilleurs clichés.
Pour une raison qui nous échappe toujours, Apple croit bon de ne pas équiper sa tablette grand public d'un flash. Une économie de bout de chandelle, préjudiciable à la polyvalence de l’iPad 10. Même si on ne s’en sert que de scanner (pour numériser des documents par exemple), l’appareil gagnerait beaucoup à avoir un flash. Peut-être pour la prochaine fois ?
Une batterie bonne pour la journée et même plus
Comme à son habitude, Apple annonce jusqu’à 10 heures d’autonomie « pour naviguer sur le web ou regarder des vidéos ». La batterie de l’iPad 10 est pourtant d’une capacité inférieure à celle de l’iPad 9 (28,6 Wh contre 32,4 Wh), mais on reste sur de bonnes bases en termes d’autonomie.
La nouvelle tablette a tenu 8h40 en lecture vidéo en continue (une série Apple TV+ en Wi-Fi avec une luminosité de 90 %), soit grosso-modo la même autonomie que l’iPad 9 confronté à un torture-test similaire.
Dans une configuration plus « naturelle » d’une journée de travail à MacG, la tablette a tenu plus de 10 heures ! Une belle performance, sachant que je n’ai pas ménagé l’appareil avec plusieurs applications en Split View, du FaceTime, l’écoute d’Apple Music en continu ou presque, beaucoup de recherches sur le web, de la rédaction d’actus, le tout avec un clavier et une souris. Faire le plein de la batterie nécessite 2h10 avec l’adaptateur 20W fourni.
Un mot pour finir sur la connectivité : l’iPad 10 est compatible avec le Wi-Fi 6 (802.11ax), ce qui est mieux que le Wi-Fi 5 (802.11ac) de l’iPad 9, mais moins bien que les nouveaux iPad Pro qui gagnent le support du Wi-Fi 6E. La tablette s’offre aussi la prise en charge de la 5G dans sa version cellulaire, mais pas les fréquences millimétriques (et pas non plus aux États-Unis). Des fréquences qui n'ouvriront pas avant plusieurs années par chez nous.
L'iPad 10 est compatible avec le Bluetooth 5.2, bien mieux que le Bluetooth 4.2 de l'iPad 9, mais une coche en dessous du Bluetooth 5.3 des nouveaux iPad Pro. On verra à l'avenir si cela lui permettra tout de même d'accueillir les nouvelles fonctions LE Audio, normalement possibles avec le Bluetooth 5.2.
Le Bluetooth LE Audio va améliorer le son et démocratiser le partage audio
Pour conclure
L’iPad 10 est une tablette de compromis. D’un côté, on gagne un nouveau design « tout écran », un port USB-C et une caméra horizontale. De l’autre, l’écran n’est pas laminé, le port USB-C a un débit digne d’il y a quinze ans, et la caméra oblige à utiliser un Pencil 1.
Il est d’autant plus difficile d’être enthousiaste que la question du prix se pose très sérieusement. L’iPad 10 de base, fourni avec 64 Go de stockage, revient à 589 €. C’est certes 200 € de moins que l’iPad Air mieux armé (écran laminé de meilleure qualité, puce M1, Pencil 2) mais des promotions permettent d’économiser quelques dizaines d’euros sur ce modèle.
On peut aussi attendre quelques mois (ou semaines ?) en restant à l’affût d’éventuels rabais sur l’iPad 10. La tablette fait également face à la rude concurrence de son prédécesseur, resté au catalogue d’Apple au prix de 439 €. Un iPad 9 qui coûte 50 € de plus par rapport à son prix d’avant, mais c’est toujours 150 € de moins que l’iPad 10 ! Et pour des prestations qui n’ont pas à rougir quand on cherche une tablette pour la consultation de contenus et même pour travailler un peu (notre test est toujours d'actualité).
Cet iPad 10 est compliqué à aimer. Apple ne nous aide pas avec des choix technologiques discutables et un positionnement tarifaire inconfortable. Ce d'autant que les 64 Go du modèle de base risquent de se remplir assez vite. Si seulement le constructeur avait doublé le stockage, cela aurait sans doute aidé à passer l'éponge sur certains compromis. Et puis bon, ce jaune, c’est pas possible.
