Hydrao Shower Aloe, le pommeau de douche connecté. D'emblée on a envie de classer — avec rage ou lassitude — cet accessoire dans la grande famille des objets de tous les jours que des fabricants s'ingénient à barder d'électronique pour les rendre plus « intelligents » avec l'objectif d'améliorer notre quotidien.
Ce pommeau, conçu par une entreprise grenobloise, a effectivement vocation à nous faire consommer moins d'eau. Il y a du Bluetooth, il y a une app… mais il fait l'économie d'une trop grande sophistication qui aurait pu lui attirer des foudres légitimes. Là où un fabricant juge utile de glisser une batterie dans un mug (lire le test d’Ember, une tasse connectée qui maintient votre boisson au chaud), Hydrao joue la carte de la frugalité technologique.
Ce pommeau rend compte de la consommation au moyen de LED de couleur intégrées, mais sans batterie à recharger ou de piles qu'il faudra jeter un jour. Son alimentation et celle des lampes passe par une turbine actionnée par le débit de l'eau. Il n'y a pas non plus de compte utilisateur à créer ni de choses stockées dans le nuage. C'est du « low tech » malin, mais cela implique des concessions sur ce que l'on peut retirer comme informations.
Éteint, ce pommeau ressemble à n'importe quel autre que l'on visse sur un flexible tout aussi banal. Un limiteur de débit est fourni, ce qui n'empêche pas de profiter des trois types de jets d'eau. Il faut veiller, précise le fabricant, à avoir une douche capable d'une pression de 2 bar au niveau du pommeau. Rien de contraignant a priori. C'est aussi un pommeau de bonne facture et résistant, il est plusieurs fois tombé dans le bac de douche sans en être ressorti amoché ou défaillant.
Simple comme de l'eau
L'app Hydrao Smart Shower n'a pas besoin d'être appairée au pommeau pour fonctionner avec lui. Elle ne figure pas dans les réglages Bluetooth d'iOS. La connexion se fait ponctuellement lorsqu'on ouvre l'app en même temps qu'une douche est prise, ce qui n'a rien d'obligatoire au quotidien (voir plus loin).
L'app sert principalement à trois choses : observer l'historique de sa consommation ; voir en temps réel la consommation d'eau de sa douche ; et régler les paliers de changement des couleurs du pommeau.
Une roue chromatique permet en effet de définir à partir de quel volume d'eau la couleur d'éclairage doit changer. Huit tons peuvent se succéder. Par défaut on commence par un éclairage vert jusqu'à une consommation de 10 litres, puis cela passe en bleu jusqu'à 20 litres, etc. L'éclairage est bien visible et occupe toute la surface du pommeau. Au besoin on peut le désactiver depuis l'app.
Pas besoin d'avoir son iPhone a proximité pendant la douche, le pommeau stocke jusqu'à 200 enregistrements que l'on récupérera en lançant le logiciel occasionnellement. Toutefois, en laissant l'app ouverte on peut voir en direct une animation montrant une goutte se remplissant au fur et à mesure que l'on fait couler l'eau. C'est plus récréatif que foncièrement utile au quotidien mais c'est un moyen de voir le coût d'une douche et le gain financier dégagé.
C'est dans la section « Ma consommation » que se trouve le gros des informations. Un graphique représente les consommations de chaque douche (dans la limite des 1 000 dernières prises), on a aussi un total en litres, le coût que cela représente, la moyenne et un calcul de ce que l'on a économisé, tant en volume d'eau que sur sa facture.
Dans mon cas, les presque 200 dernières douches ont représenté 2 714 litres pour une dépense de 19 € et une économie de 12 800 litres, soit 90 €. Ces calculs se font sur la base de deux sources : le coût de l'eau dans votre contrat et une douche de référence que vous prenez la première fois. Dans un foyer comprenant plus d'une personne, il faudra prendre une douche à peu près représentative d'un usage normal.
C'est à partir de là que les limites d'Hydrao se révèlent. Cet accessoire ne vous dira pas qui a consommé quoi, puisque le pommeau ne sait pas quelle personne l'utilise. Il ne sait pas non plus quel jour ou à quelle heure il a été utilisé. Dans une famille ou une collocation, Hydrao se borne à enregistrer des douches et leurs volumes d'eau, il ne dénonce pas les gaspilleurs, il ne distingue pas les bons élèves.
Dès lors le graphe est surtout à considérer comme l'indicateur d'une évolution de consommation avec d'éventuels pics qu'il conviendra de ne pas reproduire trop souvent. Il n'y a pas d'échelle de temps, juste celui d'une quantité d'eau.
On peut glisser le doigt sur le graphique pour voir ces valeurs mais c'est tout. Ce n'est même pas très commode puisque la courbe est contrainte en largeur dans un format portrait (le mode paysage n'est pas géré !).
Ce journal des relevés permet de voir la courbe des 10, 20, 100 et 1 000 dernières douches. Dans le même registre, un an après la sortie de l'iPhone X, les vues de l'historique et de la roue ne sont toujours pas adaptées à son écran et ceux des XS et XR. L'interface est tronquée en hauteur, pile au niveau de boutons à manipuler. Rien de compliqué certainement à corriger, mais depuis le temps…
Douches oubliées
Pendant les trois mois où j'ai utilisé ce pommeau j'ai plusieurs fois remarqué que des douches ne semblaient pas être enregistrées. Comme me l'a expliqué le fabricant, il faut un certain niveau de pression — pour que la turbine tourne suffisamment afin de faire marcher l'électronique — et l'un de mes enfants a en effet tendance à faire couler l'eau longtemps mais doucement :
Le pommeau HYDRAO, du fait son système d’alimentation dynamo, exige une pression minimum de 0.8 bar. Effectivement, si votre enfant n’ouvre pas assez le robinet pour que les lumières s’allument (cf dans la vidéo ci-après, ndlr), la douche ne sera pas comptabilisée. À 0.8 bar, le pommeau consomme 3,8 L/min avec le limiteur de débit, ce qui est déjà très économe (un pommeau standard en consomme le double).
Admettons que l'absence de ces douches ne pèse pas lourd dans le calcul final, il y a tout de même un effet secondaire. Lorsqu'on prend sa douche, qu'on a déjà fait couler plusieurs litres, le fait de réduire la pression en dessous de ce seuil minimum (où l'éclairage s'éteint) suffit à remettre le compteur à zéro. Lorsqu'on réaugmente la pression, l'éclairage revient en vert. Par conséquent la consommation précédemment entamée est perdue pour les stats et le pommeau croit qu'une nouvelle douche a commencé.
Mieux vaut donc faire couler suffisamment (veiller à avoir le pommeau éclairé) ou couper (le temps d'un shampoing par exemple). Le pommeau est conçu pour attendre 3 minutes sans que sa turbine ne tourne avant de considérer que la douche est terminée et la stocker en mémoire.
Conclusion
Au début de ce test j'étais parti dans l'idée que ce pommeau me permettrait de voir qui consomme trop dans notre famille. On l'a compris, il ne permet pas d'aller aussi loin. Après tout, on prend une douche, on ne passe pas un examen, on n'en est pas encore à avoir un Touch ID sur son pommeau ou Face ID sur sa porte de douche [ou pire, intégré au pommeau, ndr].
Si vous êtes de ceux qui aiment étudier des statistiques, remplir des feuilles de calcul pour comparer des usages selon des périodes, ce pommeau ne sera pas très bavard. Il me rappelle en cela mon thermostat Nest qui, tout sophistiqué qu'il est, ne fournit qu'un historique de chauffe succinct et glissant sur 10 jours à peine.
Dès lors, l'intérêt réside plutôt dans la capacité à fixer des seuils de consommation et à vous indiquer à quel moment vous commencez à gâcher de l'eau. Le système des couleurs n'est pas contraignant et pour des enfants il est facile à comprendre et mémoriser. Au sein du foyer, l'éclairage du pommeau dans certaines couleurs est devenu synonyme d'une douche qui commence à s'éterniser. Sur une durée bien plus longue que les quelques semaines passées, on verra si notre consommation globale s'en trouve réduite.
Malgré tout ce qu'il ne peut pas faire — pour des choix techniques recevables mais qu'il faut bien connaître avant achat — ce pommeau peut avoir avant tout des vertus pédagogiques (il a bien plus intéressé ma famille que n'importe quel gadget à assistant intelligent amené à la maison…).
Aloe est vendu 70 €, ce qui le met dans une fourchette haute, sachant que dans ce domaine il y en a pour tous les prix. À noter qu'Hydrao va lancer en février Yucca, une déclinaison sous la forme d'un « ciel de pluie » à 99 €.