Blue Microphones est un constructeur assez connu, mais comme son nom l’indique, il s’agit à l’origine d’un spécialiste des micros d’enregistrement (le Yeti fait partie de ses modèles les plus réputés). Sauf que le Mo-Fi n’est pas un microphone, mais un casque, le premier conçu par l’entreprise. Le passage de l’un à l’autre n’est pas saugrenu, après tout il s’agit de deux technologies assez proches.
Le constructeur met d’ailleurs en avant son expertise en matière d’enregistrement pour concevoir un appareil dédié à la restitution sonore. Car le Mo-Fi n’est pas un banal casque passif, c’est un appareil dynamique, autour d’un amplificateur chargé d’améliorer le son. L’objectif est clair : proposer une meilleure expérience que ce que les sources habituelles, smartphone en tête, peuvent offrir habituellement.
Alors, pari réussi ? Avec son tarif affiché de 350 € environ, le Mo-Fi affronte quelques poids-lourds sur le marché et il doit avoir des arguments à faire valoir. Est-ce le cas ? C’est ce que nous allons voir dans ce test !
Un casque plus confortable qu’il n’y paraît
S’il y a bien une chose que l’on ne peut pas discuter, c’est que le Mo-Fi est un casque conçu de façon originale. Contrairement à la majorité des produits de cette catégorie qui se contentent de relier les deux écouteurs par un arceau, Blue Microphones a opté pour un design beaucoup plus complexe. Il y a bien deux écouteurs, de type supra-aural et plus grands que la moyenne, mais entre les deux, on n'a pas moins de cinq pièces différentes.
Les concepteurs du Mo-Fi expliquent s’être inspirés des Formule 1 pour créer leur casque. Les suspensions des voitures de course en particulier ont servi de modèle pour créer cet arceau original qui se construit autour d’une pièce centrale et fixe. Ce repose-tête n’est pas bombé, comme pour la majorité des casques, mais il est parfaitement plat et rembourré d’une mousse épaisse.
Ce n’est pas l’appui-tête qui bouge quand on place le casque, mais deux éléments situés de part et d’autre. Quand le Mo-Fi est fermé, ils forment en gros un angle droit, mais on peut les ouvrir assez largement, jusqu’à former un angle supérieur à 140°. Dans cette configuration, l’arceau forme quasiment un arrondi similaire à ce que l’on a sur les casques traditionnels, mais avec l’avantage que les deux écouteurs restent parfaitement plats.
Ainsi, la pression autour des oreilles est maintenue quelle que soit l’ouverture choisie, là où les écouteurs d’un casque traditionnel peuvent s’écarter légèrement. Du moins, ça c’est la théorie : en pratique, la plupart de ces casques ont des mécanismes qui permettent aussi de maintenir cette pression. Toujours est-il que le Mo-Fi remplit son office sur ce point et sa conception ambitieuse fonctionne parfaitement bien.
Le dernier élément qui devrait surprendre les habitués des casques est l’ajustement de la longueur de l'arceau. En général, il peut être allongé ou raccourci pour s’adapter à toutes les tailles de tête. Avec le modèle de Blue Microphones, c’est un axe en rotation qui assure cette fonction. La première fois, on se demande comment cela peut fonctionner, mais à l’usage, il faut reconnaître que c’est aussi efficace qu’un système d’extension traditionnel. Les écouteurs supra-auriculaires s’adaptent à toutes les têtes sans toucher les oreilles.
Et à l’usage, que vaut cet ensemble sophistiqué ? De l’avis de tous ceux qui ont testé le Mo-Fi à la rédaction, ce casque bizarre est étonnamment confortable. Son côté massif inquiète un peu quand on le découvre, son poids dans la moyenne (très) haute — 466 g sur la balance — inquiète aussi lorsqu'on le prend en main, mais son confort rassure une fois qu'on le pose sur sa tête pour la première fois. Blue Microphones a bien travaillé l’ergonomie de son produit, les ajustements se font assez simplement et on obtient rapidement quelque chose de confortable.
Nuançons un peu cet enthousiasme toutefois. Certes, le Mo-Fi est plus confortable qu’il ne le paraissait d’aspect, mais il reste très loin du confort des meilleurs casques. Comparé au Bose QC15 ou bien encore au Beyerdynamic DT 770 Pro utilisés au quotidien par l’auteur de ces lignes et qui sont tous deux des références en la matière, ce casque fait pâle figure. La différence ? Principalement le poids : alors que le Mo-Fi approche les 500 g, le Beyerdynamic n’atteint pas les 300 g, quand le Bose tourne autour des 200 g seulement.
Si vous voulez écouter de la musique pendant de longues heures, ce critère deviendra vite essentiel. De fait, le poids du Mo-Fi finit par se faire sentir et c’est un casque assez fatiguant à la longue. On a envie de le retirer de temps en temps, et ce d’autant plus que c’est un casque qui tient chaud avec ses larges écouteurs. Les avis sont toutefois partagés sur ce point et certains, à la rédaction, ont trouvé le casque très confortable, mais difficile à régler. Il faut dire qu’il y a encore un réglage que l’on n’avait pas évoqué : une molette sur le dessus pour raffermir ou au contraire détendre l’arceau.
L’effet est subtil, mais indéniable et il faut passer un peu de temps pour trouver le bon cran, tout comme il faut soigneusement régler l’orientation des écouteurs en fonction de ses oreilles. Le Mo-Fi est ainsi confortable dans l’ensemble, mais ce n’est pas le meilleur sur ce critère et son poids important joue en sa défaveur sur la longueur.
Une amplification intéressante…
Le Mo-Fi est un casque massif et lourd, c’est vrai, mais il a une bonne excuse : il ne s’agit pas d’un appareil passif comme la majorité de ses concurrents, il s’agit d’un casque amplifié. À l’intérieur, une batterie alimente un amplificateur qui se charge de pallier les déficiences de la source. Sur le papier, l’idée est excellente : les appareils mobiles ne sont pas équipés pour alimenter correctement des casques parfois exigeants sur le plan technique. Ils manquent parfois de puissance, et ils ne sont pas toujours d’une très bonne qualité.
Blue Microphones a choisi d’améliorer la qualité audio de son casque en prenant l’amplification en main. Mais au lieu de court-circuiter les circuits des sources en passant par de l’USB (ou du Lightning), son amplificateur vient s’ajouter à celui de votre smartphone ou de l’appareil utilisé. Pour ceux qui voudraient utiliser le Mo-Fi avec une source de qualité, on peut naturellement couper son amplificateur et ainsi l’utiliser de manière passive, comme n’importe quel autre casque.
Sur le côté gauche, au niveau où le câble jack vient s’insérer dans l’écouteur, on a ainsi un contrôle physique avec trois positions. On peut éteindre totalement l’amplificateur, l’allumer normalement ou bien opter pour un mode « ON+ » chargé de renforcer les basses fréquences. Avant le son, un mot sur la qualité de fabrication. Le Mo-Fi est massif, mais très solide avec du métal sur tous les éléments importants. On ne craint jamais de le casser et le casque durera certainement de longues années (même si la batterie lâchera bien avant le reste).
Dans l’ensemble, la conception du Mo-Fi est une réussite, mais le bouton d’allumage est une exception. Il paraît tout aussi solide que le reste, mais il y a un jeu qui fait qu’il ne tombe pas précisément sur chaque position. Sur notre exemplaire au moins, il faut ajuster à chaque fois le bouton, faute de quoi le son est sérieusement dégradé, avec en général un seul canal encore actif et des grésillements. Sur un produit vendu environ 350 €, c’est une déception, d’autant que les câbles fournis ne sont pas faciles à insérer et retirer.
Précisons toutefois que la gestion intelligente de l’énergie évite d’être confronté trop souvent à ce problème d’interrupteur. L’amplificateur n’est allumé que lorsque le casque est ouvert, et donc utilisé. Dès que vous retirez le Mo-Fi, il se referme et l’amplification est immédiatement coupée. C’est une excellente idée, car on peut alors laisser le bouton toujours allumé et ne plus jamais y toucher. Autre avantage, l’autonomie : même si Blue Microphones n’annonce que 12 heures, on a l’impression qu’elle est bien meilleure grâce à cette gestion très précise de l’allumage et de l’extinction.
Venons-en au cœur du sujet, le son. Le constructeur promet de passer « de Lo-Fi à Mo-Fi », c'est-à-dire de la mauvaise qualité proposée par les autres casques sans amplification à une qualité audio supérieure. Pour cela, le signal sonore est traité par un circuit analogique et non numérique, Blue Microphones insiste sur ce point. À la clé, un son plus rond et chaleureux, moins analytique, une différence similaire dans l’esprit à celle que l’on retrouve entre un disque vinyle et un CD par exemple.
L’amplification du Mo-Fi n’est pas aussi chaleureuse qu’un vinyle, toutefois, l’effet est beaucoup plus subtil que cela. Sauf peut-être quand on choisit la position « ON+ » qui, non contente de renforcer les basses, diminue aussi les autres fréquences. Ce n’est pas un réglage qui nous a convaincu et même si nous l’avons beaucoup essayé, nous ne l’avons jamais vraiment gardé.
L’amplification avec le réglage de base est bien plus convaincante. Blue Microphones a fait un travail sur le son et la différence avec le mode passif saute aux yeux, ou plutôt aux oreilles. Le volume sonore est nettement plus élevé, mais le son est aussi très dynamique et précis, avec une scène sonore élargie. Le Mo-Fi n’est pas neutre, ce n’est pas du tout sa vocation, mais ce casque chaleureux est aussi très bien maîtrisé. Il ne propose pas des basses énormes et envahissantes, mais une teinte générale qui est très agréable : on peut dire qu’il s’agit d’un casque joyeux, en somme.
Si vous cherchez la neutralité, ce Mo-Fi ne sera pas pour vous. En revanche, si vous appréciez une touche de chaleur, c’est un excellent candidat, qui colore le son, certes, mais le fait de manière subtile et bien pensée. C’est, à notre avis, une réussite.
En revanche, le même casque sans aucune amplification n’est pas très bon. Malgré son impédance assez réduite (42 ohms), le Mo-Fi et ses haut-parleurs de 50 mm ont besoin de puissance pour être alimenté correctement ; un iPhone, par exemple, ne suffit pas. Les aigus sont un petit peu trop présents, au détriment des autres fréquences et il est alors fatiguant, sauf à baisser le volume… auquel cas, la qualité est vraiment en retrait. Autant dire que ce mode dépannera en cas de batterie à plat, mais guère plus.
… mais qui ne justifie pas nécessairement le prix demandé
Le Mo-Fi est un casque atypique, ce qui le rend particulièrement intéressant. La conception de son arceau est unique et plutôt bien trouvée, même si elle implique aussi un poids plus élevé et une complexité renforcée dans les réglages. Blue Microphones a réussi à le rendre confortable malgré tout, mais c’est loin d’être le casque le plus confortable, loin de là.
Son amplificateur analogique ne fait pas de la figuration, il apporte un réel avantage avec un son plus puissant, net et agréablement chaleureux. Sans tomber dans la caricature de certains casques qui écrasent toute musique avec leurs basses, le Mo-Fi procure une expérience vraiment plaisante pour ceux qui ne cherchent pas un son neutre, mais agréable.
Ainsi, le constructeur marque des points, mais son produit est aussi déséquilibré par son positionnement. Son amplification serait parfaite en situation de mobilité, pour compenser les défauts d’un appareil mobile, mais le Mo-Fi est impraticable en déplacement. On a bien un câble pour les appareils iOS dans le carton, avec une (médiocre) télécommande pour gérer le volume et la lecture, mais le casque est bien trop lourd et imposant pour être utilisé confortablement hors de chez soi.
Et le souci, c’est qu’en utilisation sédentaire, l’amplification du Mo-Fi n’est pas aussi utile, et on peut avoir au moins aussi bien (voire mieux), pour moins cher. Avec un budget de 350 € (le prix du casque), on peut mettre moins de 100 € pour un DAC — l’Olympus E10K de Fiio est un très bon choix si votre source est un ordinateur — et il vous restera alors plus de 200 € pour le casque. De quoi choisir un bon modèle, quitte à allonger un petit peu la facture totale pour obtenir un très bon modèle. À vous de voir, mais un Grado Labs SR225E autour de 250 € ou un Sennheiser HD600 autour de 300 € devraient faire l’affaire.