L’Apple Watch est le premier produit lancé par le constructeur de Cupertino sur un tout nouveau marché depuis l’iPad, en 2010 — c’est aussi le premier appareil complètement conçu et développé après la disparition de Steve Jobs. Autant dire que la barre était haut placée et que le constructeur n’avait pas intérêt à se planter. Le résultat est-il à la hauteur des attentes ? Un mois après le lancement de l’Apple Watch, il est toujours bien difficile de conclure de manière définitive. Car l’ambition de l’Apple Watch de s’inscrire de manière encore plus intime dans le flux quotidien de nos pérégrinations numériques est souvent contrariée.
Apple ne s’est pas contentée de lancer une nouveauté matérielle : l’Apple Watch est aussi (et surtout, serait-on tenté de dire) une plateforme qui se renforcera à l’avenir, avec des usages plus nombreux encore, sans oublier l’apport de nouveaux composants qui offriront encore plus de polyvalence et d’autonomie à l’appareil. Mais en l’état actuel des choses, l’Apple Watch vaut-elle l’investissement demandé ? Et on sait à quel point celui-ci peut être conséquent, ne serait-ce que financièrement…
Le produit « le plus personnel » jamais créé par Apple valait bien un traitement spécial de notre part. Outre notre blog Timeline, qui reste ouvert et continue de raconter nos expériences et nos découvertes sur un mode décalé, nous sommes également revenus, avec le maximum de détails possible, sur le design, le fonctionnement et les usages du produit (et il y a encore tellement à dire).
- Apple Watch, le test #1 : question de design
- Apple Watch, le test #2 : une bonne montre ?
- Apple Watch, le test #3 : à fond la forme
- Apple Watch, le test #4 : de nouvelles façons de se connecter
- Apple Watch, le test #5 : les applications
Frustration et complications
Si on passe outre la frustration d’un lancement baroque, durant lequel on voit Apple favoriser des boutiques de luxe aux manières bien éloignées des standards des Apple Store, force est de constater que la Pomme a soigné les détails. Le design de l’Apple Watch représente l’état de l’art chez le constructeur, qu’il s’agisse du design, du choix des matériaux (aussi bien pour le boîtier que les bracelets) ou de la finition. Les innovations techniques, comme la couronne digitale dont on ne saurait plus se passer, l’écran tactile Force Touch ou encore l’actuateur linéaire, sont dignes d’éloges.
D’autres, en revanche, laissent dubitatif, comme le bouton latéral dédié exclusivement à afficher sa liste d’amis et qui sert assez rarement ou les fonctions Digital Touch dont l’utilité ne dépasse pas le stade du gimmick. Le lien obligatoire avec l’iPhone limite aussi les performances de l’Apple Watch, tout particulièrement pour les applications tierces : la plupart sont tellement lentes qu’on gagnera à utiliser son smartphone.
À la décharge des développeurs, en l’absence physique du produit ils n’ont pas pu optimiser leurs logiciels, et les apps restent pour le moment confinées à de simples extensions. Même certaines applications d’Apple, comme Météo ou Plans, accusent une absence de réactivité rédhibitoire pour un produit qui fait de l’immédiateté une de ses vertus cardinales ; si on n’a pas tout de suite l’information désirée au poignet, pourquoi s’embêter avec une montre ? Autant se contenter du smartphone.
L’Apple Watch n’est pas la meilleure des montres, si l’on estime qu’un tel appareil sert d’abord à afficher l’heure. La grande majorité du temps, la Watch est éteinte et les mouvements du poignet censés la sortir de sa veille sont parfois sans effet (il est toujours possible de tapoter sur l’écran ou d’appuyer sur un bouton). Mais le principe d’une montre, c’est d’offrir l’heure sans effort…
Apple a multiplié les références au monde de l’horlogerie, avec des cadrans traditionnels (et aussi plus fantaisistes), des complications, et même une option pour avancer artificiellement l’heure et aider les éternels retardataires. Malgré leurs qualités, on se lasse finalement assez vite des cadrans proposés (et rien n’indique qu’Apple veuille les ouvrir aux développeurs tiers), et il manque à la sélection un ou plusieurs cadrans à aiguilles carrés — étonnant pour une montre dans ce format !
Des détails et des absences
Ce dont on ne peut pas se lasser en revanche, c’est du luxe de détails sur lesquels Apple a planché. Certaines applications, comme Chronomètre, Réveils, ainsi que les cadrans (Mouvement avec ses méduses, Astronomie mis au point avec des astrophysiciens, les mouvements de Mickey…) sont la preuve du très grand soin apporté par le constructeur à son produit — et c’est aussi le signe de son engagement pour l’avenir.
De l’engagement et de l’investissement, il en faudra pour valider définitivement certaines fonctionnalités. La mesure de l’activité physique et son exploitation restent ainsi encore trop ouvertes à l’aléatoire et peuvent être sources de confusion. Cela n’enlève rien au charme de l’app Activité, bien pensée et plutôt sympa. Des usages comme Remote (notamment pour le contrôle de l’Apple TV), la télécommande de l’appareil photo à distance ou encore les notifications montrent très rapidement à quel point ils sont indispensables.
L’autonomie, que l’on craignait catastrophique, ne l’est finalement pas tant que cela. Certes, devoir recharger la montre toutes les nuits est un handicap, même si dans un cadre « normal », la montre peut tenir 24 heures sans trop broncher. Pour préserver la batterie un maximum, Apple a opéré des choix drastiques — on aurait ainsi aimé que l’heure s’affiche continuellement, même en monochrome ou à la manière du mode réserve. Toutefois, on peut saluer le travail des ingénieurs d’Apple qui ont su offrir à la montre une telle autonomie dans un si petit boîtier, bien plus réduit que les autres montres connectées du marché (en particulier l’Apple Watch 38 mm).
Apple a livré avec Watch OS 1.0.1 une première mise à jour convaincante qui améliore la réactivité et la fluidité des Coups d’œil et de certaines applications. Cette mise à jour affine aussi des éléments d’interface. Bref, c’est prometteur pour la suite des choses (lire : Apple Watch : première mise à jour pour Watch OS).
Ce que l’on peut interroger ici, c’est le concept même de montre connectée telle que développée par Apple. S’agit-il d’un simple compagnon de l’iPhone ? D’un assistant personnel encore plus personnel que son smartphone ? L’Apple Watch a-t-elle vocation à se transformer en véritable petit ordinateur au poignet ? Le produit est déjà un peu tout cela, mais sans véritablement parvenir à convaincre.
Alors que l’iPod, l’iPhone et, dans une moindre mesure, l’iPad, se limitaient à quelques fonctions clé au moment de leur lancement, d’emblée Apple a vu grand avec son petit produit, lançant tout autant un nouvel appareil qu’une plateforme complète. Une si grande générosité dans les usages pour une première génération ne peut appeler que des écueils, des défauts et autres bizarreries. Les réussites, elles, sont plus discrètes, en attendant qu’Apple colmate, mette à jour, améliore.
Question de temps
On a parfois l’habitude de le dire à chaque lancement de nouveau produit chez Apple, mais plus que jamais, ce sera à vous d’inventer la vie qui va avec l’Apple Watch… ce qui sera plus facile lorsque les développeurs auront pris la pleine mesure des possibilités de l’appareil. C’est bien parti, semble-t-il. Mais pour le moment, l’Apple Watch ressemble plus à un jouet amusant un peu onéreux qu’à un produit totalement indispensable.