En matière de télévision, Google a largement réduit ses ambitions. Google TV, trop complexe, trop fouillis et en même temps pas assez complet, a complètement échoué à installer les services du moteur de recherche dans la pièce la plus importante de la maison (celle où trône en majesté la télévision). Retour à la case départ avec Android TV, une plateforme développée à partir de Lollipop et qui a vocation à se déployer sur de multiples box.
Free a ainsi succombé aux charmes d’Android TV dans sa nouvelle Freebox Mini 4K (qui rencontre des problèmes de fiabilité et de stabilité, d’après les premiers retours), tandis que la Bbox Miami de Bouygues Telecom, actuellement sous Android 4.2.2, devrait passer sous Android TV d’ici quelques semaines. Histoire de mettre le pied à l’étrier, Google a mis au point le Nexus Player, un petit boîtier aux faux airs de palet de hockey censé donner le la aux constructeurs partenaires.
Faire jeu égal avec l’Apple TV
L’appareil est discret, avec sa petite taille et sa robe noire, il fait immanquablement penser à l’Apple TV, même si le Nexus Player est en fait plus ramassé que le pavé d’Apple (il est en revanche plus large). Niveau finition, le produit de Google est de bonne qualité, même si un cran en dessous de celui d’Apple. On n’y retrouve pas la conception unibody typique d’Apple, et la surface rugueuse retient un peu trop facilement la poussière. Question design, le Nexus Player (fabriqué et produit par Asus) n’a cependant pas grand chose à envier à son concurrent.
Là ou l’Apple TV se distingue clairement du Nexus Player, c’est au niveau de la connectique. Chez Google, il faudra se contenter d’une sortie HDMI, d’un port microUSB et évidemment, d’un port secteur. L’Apple TV offre en plus un port Ethernet et une sortie optique audio, deux éléments d’importance pour bon nombre d’utilisateurs. De fait, il faudra disposer d’une solide connexion Wi-Fi si l’on souhaite consulter des films en 1080p sur le Nexus Player.
Le boîtier de Google embarque un processeur Atom quatre cœurs cadencé à 1,8 Ghz, 1 Go de RAM et 8 Go de stockage (5,8 Go réellement disponibles). Cet espace permet d’installer les applications que l’on télécharge sur le Play Store dédié. Du côté de l’Apple TV, la dernière révision A (lancée en janvier 2013) se contente d’un processeur A5 à un cœur et 512 Mo de RAM, mais cette puissance suffit pour utiliser l’appareil de manière fluide. Quant aux 8 Go de stockage, on ignore toujours à quoi ils peuvent bien servir…
La télécommande fournie par Google est d’une bien piètre qualité. Tout en plastique alors qu’Apple a fait le choix de l’aluminium, le périphérique est en revanche aussi sobre que son homologue. Un certain air de famille se dégage d’ailleurs, avec une roue de navigation à quatre points, un bouton de validation central, une touche lecture/pause et une deuxième qui fait office de retour. Google a tout de même ajouté un troisième bouton pour revenir à l’écran d’accueil d’Android TV, ainsi qu’une touche pour activer la reconnaissance vocale.
Malgré une finition pas folichonne, la prise en main n’est pas mauvaise : l’épaisseur du périphérique et son revêtement granuleux font finalement mieux que la toute fine et lisse télécommande d’Apple (celle-ci ayant parfois tendance à glisser entre les doigts). Bon point par ailleurs : le support du Bluetooth permet d’utiliser la télécommande Android TV sans avoir besoin de pointer le boîtier (celle de l’Apple TV est infrarouge).
Android TV accroche l’œil
Une fois le Nexus Player dument branché, la télécommande jumelée et les quelques écrans de connexion franchis (un processus qui rappelle logiquement celui que l’on connaît lorsque l’on démarre un nouveau produit Android), Android TV affiche son interface. Material Design, le langage de design de Google depuis Lollipop, fait aussi des merveilles sur grand écran. Là où on peut trouver l’interface de l’Apple TV un peu tristounette, Android TV joue à plein les aplats de couleur et les animations, certes discrètes, mais qui donnent du dynamisme à l’interface. On est loin des monstruosités habituelles que l’on doit subir avec les box des FAI, ce qui est un changement bienvenu.
L’écran d’accueil affiche les recommandations de contenus en lien avec la bibliothèque de films, musique, applications et/ou jeux que l’on s’est déjà constituée sur le Play Store ou via d’autres services de Google (comme le casier numérique Play Musique). Sous cette ligne, on trouve les accès vers les différentes boutiques de Google, ainsi que les icônes des applications téléchargées.
Car c’est là la grande différence entre Android TV et l’Apple TV. On pourra certes aller piocher dans le catalogue du Play Store qui, niveau films ou musique vaut bien celui d’iTunes. Mais surtout, on a accès aux applications Android optimisées pour la plateforme. Cela ne signifie pas que toutes les apps Android pourront fonctionner sur Android TV malheureusement — même s’il est possible de connecter le Nexus Player à un PC pour avoir un accès direct à ses entrailles, permettant ainsi d’y installer n’importe quelle APK.
Dans l'absolu, pouvoir installer n'importe quelle app ou jeu de la boutique Android est une perspective plutôt enthousiasmante. Mais dans les faits, et si on ne souhaite pas en passer par une bidouille contraignante, l'échoppe d'Android TV ressemble plus à une supérette de quartier qu'au supermarché de banlieue. On y trouve une grosse vingtaine d'applications classiques (Dailymotion, Vivo, VLC, Netflix…) et une petite sélection de jeux.
Les utilisateurs de Plex seront aux anges : le logiciel fonctionne parfaitement. Si on en veut plus, il faut en passer par une recherche et croiser les doigts pour qu'Android TV propose bien l'app désirée. Le Play Store d'Android TV n'est rien d'autre qu'une vitrine aux rayons peu nombreux et pas très fournis. Il faut aller dans la réserve pour dénicher un peu plus de logiciels… mais la récolte n'aura cependant rien de particulièrement impressionnant.
En dehors des vidéos YouTube, la sélection de chaînes de télévision et de services de télévision de rattrapage est assez pauvre. On y trouve MyTF1 VOD, Tfou Max, les Zouzous ou FranceTV Info, mais pas de Pluzz ou de CanalPlay. On pourra toujours objecter que c’est toujours mieux que l’Apple TV (où le choix de services de VOD pour la France se réduit à CanalPlay, grosso modo), mais enfin on part de très bas.
En dehors de ce magasin d’applications, le Nexus Player dispose d’une autre caractéristique qui le distingue clairement de l’Apple TV : la reconnaissance vocale. Alors qu’Apple possède avec Siri un atout de taille dans ce domaine, le constructeur de Cupertino a laissé passer sa chance d’être le premier fabricant de box TV à piloter à la voix (même Amazon est passé devant avec son Fire TV, c’est dire).
Cette fonction de reconnaissance vocale s’active en appuyant sur le bouton idoine de la télécommande. On peut demander tout ce qui passe par la tête, un nom d’acteur, de réalisateur, un jeu, une application… Le Nexus Player retournera les contenus du Play Store en lien avec la requête, ainsi que les résultats issus de YouTube. Hélas, on a eu beau essayer, ce moteur de recherche n’est pas universel : demander « Daredevil » en espérant que le Player propose la série de Netflix n’occasionnera que déception — à la place, Google propose de louer Daredevil, la panouille avec Ben Affleck de sinistre mémoire. Merci, mais non merci.
Mais quoi qu’il en soit, cette fonction n’en reste pas moins très efficace (si on cherche du contenu Play Store ou YouTube), et on n’a qu’une hâte : qu’elle fasse son apparition sur l’Apple TV.
Same player shoot again
Le Nexus Player n’est pas une console de jeux, loin s’en faut, mais au moins est-il possible de jouer sur ce boîtier avec des jeux « natifs ». La sélection est là aussi assez maigre, mais elle a le mérite d’exister et on y trouvera quelques classiques comme DespicableMe, Asphalt 8, Beach Buggy Racing, Crossy Road ou Sky Force. Rien de bien transcendant certes, mais ces titres ont été optimisés pour les écrans de télévision ; mieux encore, certains sont jouables directement avec la télécommande fournie.
Bon, l’expérience ne satisfera en aucun cas les accros de la Xbox ou de la PlayStation (il s’agit de jeux d’abord conçus pour des smartphones, rappelons-le), et le périphérique n’est pas particulièrement adapté aux usages vidéo-ludiques. Cela s’arrange néanmoins si l’on possède une manette Bluetooth. Notre Steel Series, bien que développée pour les terminaux iOS, a été reconnue par le Nexus Player et la plupart des jeux que nous avons téléchargés l’ont prise en charge… avec plus ou moins de bonheur : certains titres se sont montrés rétifs même s’ils reconnaissaient l’appareil. Google commercialise séparément sa propre manette, vendue 49 €.
Le Nexus Player fait également office de Chromecast et de fait, on pourra « caster » le contenu des applications compatibles avec l’appareil. Chromecast sait se montrer efficace, même si la fonction ne permet pas d’afficher iOS en recopie vidéo (c’est en revanche le cas avec les terminaux sous Android Lollipop).
Pour conclure
Le Nexus Player n’est pas le mauvais bougre. Le boîtier est clairement l’équivalent de l’Apple TV pour les utilisateurs investis dans l’écosystème Android, même si l’intégration aurait pu être plus poussée encore (les photos de Drive pourraient ainsi apparaître automatiquement pour y être diffusées en diaporama, par exemple). On peut aussi estimer que Google aurait pu proposer un port Ethernet et une sortie audio optique. La reconnaissance vocale et la possibilité d’installer des apps et des jeux équilibrent la balance.
Ceci étant posé, on voit difficilement comment recommander ce Nexus Player à un utilisateur d’iPhone ou d’iPad : proposée à 99 euros, soit 20 euros plus cher que l’Apple TV, cette box n’aura finalement qu’un intérêt très limité. Le Nexus Player donne néanmoins une idée de ce à quoi pourrait ressembler une prochaine génération d’Apple TV, si d’aventure la Pomme voulait y intégrer la reconnaissance vocale et une boutique d’applications — c’est d’ailleurs ce que la rumeur murmure depuis des mois.