Avec l'édition 2014 de la famille Nexus, Google a rompu avec le passé : terminé les produits de bonne qualité bon marché. La Nexus 9, dont nous avons pu dire tout le mal qu'elle mérite, n'a pas redoré le blason des tablettes Android qui veulent jouer sur le même terrain que l'iPad. Qu'en est-il avec les smartphones ?
Avec le Nexus 6, Google se positionne très clairement sur le marché des tablettophones, un secteur particulièrement disputé par tous les constructeurs, y compris Apple avec l'iPhone 6 Plus. Fidèle à son habitude, le moteur de recherche a fait appel à un partenaire pour développer le matériel, et si la Nexus 9 a dévoilé les failles de HTC pour la conception et la fabrication de tablettes, Google a joué sur du velours en demandant à Motorola de concevoir le Nexus 6.
Nexus 6 : le grand frère du Moto X
Le constructeur sino-américain a mis au point pour son ancien propriétaire un bel appareil. Là où la Nexus 9 décevait avec des choix de matériaux pauvres et des finitions médiocres, Motorola sait faire des smartphones. La Nexus 6 s'abreuve d'ailleurs à la meilleure source, puisque le nouveau smartphone de Google n'est autre qu'une version plus grande du Moto X, que nous avons su apprécier à sa juste mesure (lire : Test du Moto X 2014).
De fait, le Nexus 6 est comme le grand frère du Moto X. Là aussi, on retrouve un pourtour en métal à l'aspect premium, le verre de l'écran qui déborde légèrement sur les tranches comme sur l'iPhone 6 (un effet un peu gâché par la jointure entre le métal et l'écran) ainsi qu'une coque arrière en polycarbonate au revêtement doux, qui sonne moins haut de gamme que sur l'iPhone 6, mais qui au toucher donne une sensation plus chaleureuse.
La seule faute de goût, à notre sens, est la présence au dos d'un massif logotype Nexus. Certes, ce logo apparait sous la coque creusée, et il est en métal, mais fallait-il le faire si envahissant ? Bon point par contre pour le marquage des logos officiels (CE, recyclage) regroupé sur la tranche inférieure au côté du port microUSB, plutôt qu'au dos où ces petits logos ont tendance à enlaidir le design. On retrouve aussi à l'envers du smartphone l'appareil photo entouré de son flash circulaire, ces deux composants étant centrés avec les logos Motorola et Nexus, donnant à la coque arrière une ligne très pure.
Question design, le Nexus 6 se hisse donc aisément au top des smartphones les mieux finis du marché, en compagnie du One M8 de HTC et de l'iPhone 6, même si on nourrit une préférence pour le tout alu du produit d'Apple. Pas une mince victoire donc, mais il faut reconnaitre que tous les smartphones Nexus — quels que soient leurs constructeurs d'ailleurs — ont été sur ce plan assez réussis.
Il va falloir inventer des mains plus grandes
Pour la prise en main, c'est une autre histoire. Bien qu'équipé d'un écran de 5,2 pouces, le Moto X se tenait presque aussi aisément qu'un iPhone 6 de 4,7 pouces, Motorola ayant rogné autant que possible sur les bordures. Avec le Nexus 6, l'affaire est bien différente puisque le smartphone embarque un écran de 6 pouces (5,96, pour être plus précis) qui rend l'usage du terminal à une main impossible. Le constructeur a tout fait pour assurer la meilleure préhension possible du mobile, du contour métallique au dos doucement granuleux, sans oublier le verre de l'écran légèrement débordant sur les tranches.
Cela fonctionne tout aussi bien que sur l'iPhone 6 Plus, qui se montre cependant un peu meilleur avec son écran plus petit (5,5 pouces) et un design moins large que le Nexus 6 (77,8 mm contre 82,98 mm). Les doigts de ma main peuvent serrer plus facilement le tablettophone d'Apple que celui de Motorola. Le partenaire de Google a néanmoins réussi à réduire la hauteur de son smartphone par rapport à l'iPhone : 159,26 mm, contre 158 mm chez Apple. De fait, le Nexus 6, avec sa taille plus importante mais une hauteur plus réduite, offre un design moins élancé, plus « massif » que l'iPhone 6 Plus, une impression encore renforcée par son épaisseur de 10 mm (7,1 mm pour le modèle d'Apple).
Néanmoins, Motorola a su compenser cette lacune en misant une fois de plus sur le design, puisque la coque est bombée à la manière de l'iMac. Et comme sur le tout-en-un, cette astuce réussit à donner le change. En termes de poids, le Nexus 6 avec 184 grammes se montre clairement plus lourd que l'iPhone 6 Plus (172 grammes), mais le poids est bien réparti et contribue à donner à l'appareil son aspect solide. Enfin, et pour en finir avec ce chapitre consacré au design, on appréciera les deux butées qui en façade, cachent les deux haut parleurs. Cela évite à l'écran de frotter sur la surface du bureau ou de la table.
Cela ne change évidemment rien au fait que l'utilisation au quotidien du Nexus 6 nécessite deux mains. C'est que l'engin est gros. Énorme même. Ceux qui moquent les phablettes en évoquant un aspect qui compenserait la taille de certains organes chez leurs propriétaires mâles auront de quoi se gausser un peu plus. Le Nexus 6 est un des plus grands tablettophones du marché : le Galaxy Note 4 affiche 5,7 pouces, le One Max de HTC 5,9 pouces, le G3 de LG 5,5 pouces… Visiblement, Google a voulu marquer son territoire.
Un écran un cran en dessous
L'écran est la grande déception du Nexus 6. Certes, on retrouve une résolution bien au delà de ce qu'est capable de discerner l'œil humain : avec 423 pixels par pouce, le smartphone de Motorola fait mieux que l'iPhone 6 Plus (401 ppp), sans que le résultat dans la vraie vie soit tellement différent. Passé un certain seuil, les pixels ne se voient plus. Ce n'est donc pas tellement la précision de la dalle qui fait défaut ici, mais la qualité du rendu des couleurs.
Pour l'écran AMOLED du Nexus 6, le constructeur a fait appel à Samsung, ce qui était déjà le cas du Moto X. Même fournisseur, même conséquence : la dalle est mal équilibrée, les angles de vision montrent rapidement les limites du choix technologique de Motorola, et les couleurs sont bien mal rendues. Certes, les noirs sont profonds et les couleurs saturées; c'est flatteur pour l'œil dans les jeux ou pour les photos, mais ces teintes sont tout sauf naturelles. Les réglages colorimétriques sont inexistants au contraire des smartphones Samsung, et c'est bien embêtant puisque selon l'angle de vision, le blanc tire vers le gris, le jaune ou le vert… mais pas sur le blanc, malheureusement.
Autre hic, comme sur le Moto X, la réglette de la luminosité est bien courte et on aurait voulu pousser un peu plus le potard dans les endroits très lumineux. Ces défauts étaient déjà présents sur le navire amiral de Motorola, mais ils sont ici amplifiés du fait même de la taille de l'écran : plus c'est grand, plus ça se voit. C'est en comparant avec un iPhone 6 Plus que l'on se rend particulièrement compte de la différence dans la calibration (excellente chez Apple), la luminosité et la balance des blancs.
S'il y a un point en revanche où le Nexus 6 fait mieux que l'iPhone 6 Plus, c'est au niveau de l'audio. Les deux haut parleurs en façade assurent à la phablette un très bon rendu sonore, en particulier à un volume élevé. On pourra sans problème apprécier un clip et sa piste musicale à sa juste mesure. Dommage que l'écran n'ait pas bénéficié du même soin…
Le poids des photos, le flop de la vidéo
Sur le papier, l'appareil photo du Nexus 6 a du répondant, avec un capteur de 13 mégapixels et une ouverture ƒ/2,0, contre 8 mégapixels mais une ouverture de ƒ/2,2 pour l'iPhone 6 Plus, qui capte donc moins de lumière que son concurrent. Les photos réalisées par le Nexus 6 sont-elles de meilleure qualité pour autant ? Dans des conditions de bonne luminosité, les deux appareils se valent :
Dans des conditions de nuit ou dans la pénombre, on peut bien sûr utiliser le flash circulaire du Nexus 6, mais on gagnera certainement à mettre à profit le mode HDR+, qui offre des résultats étonnants. Alors que le flash a tendance à brûler les éléments en avant plan, le HDR+ lisse mieux la lumière disponible, tout en jouant sur la luminosité.
Pour le reste, on retrouve dans l'application Appareil photo les mêmes possibilités que sur les autres terminaux Lollipop, en particulier l'effet Focus qui se concentre sur l'objet au premier plan en floutant le fond; il faut prendre le temps de réaliser le cliché, qui donnera ses meilleurs résultats avec un objet ou une nature morte. Globalement, le logiciel à l'interface étonnamment spartiate — mais néanmoins complète — manque un peu de réactivité au niveau de la mise au point et il prend son temps pour enregistrer une photo.
Concernant l'enregistrement vidéo, le Nexus 6 est capable de monter jusqu'à la qualité 4K, mais l'intérêt est encore mince alors que les téléviseurs capables de prendre en charge cette définition sont bien peu répandus. Si l'on peut comprendre que l'enregistrement 4K (2 160 x 3 840) se limite à du 30 images/seconde, c'est moins le cas pour ce qui concerne la captation en 720p ou 1080p, qui se contente également de 30 images/seconde…
En matière vidéo, on n'a donc pas grand chose à se mettre sous les yeux sur le Nexus 6, alors que chez Apple c'est Byzance : certes, la 4K pointe encore aux abonnés absents, mais on pourra enregistrer en 60 images/seconde, au ralenti (120 i/s ou 240 i/s)… Sans oublier la présence du stabilisateur optique de l'image pour la captation vidéo, qui fait des miracles sur l'iPhone 6 Plus.
Des performances mi figue mi raisin
Avec son processeur Snapdragon 805 quatre cœurs cadencé à 2,7 Ghz, Motorola et Google ont fait le choix de la puissance : il s'agit en effet du système sur puce le plus performant de Qualcomm, avant que le fondeur n'officialise le Snapdragon 810 au CES. Épaulé par un GPU Adreno 420 et 3 Go de RAM, il est difficile de trouver quoi que ce soit à redire au Nexus 6 — du moins, sur le papier. Android 5.0, ses animations et effets ne souffrent, et c'est heureux, d'aucuns ralentissements. La navigation au sein de Lollipop est même un plaisir pour les doigts, car tout est très réactif, mais le contraire aurait été très décevant.
Les performances brutes telles que mesurées par Geekbench 3 montrent des résultats en deçà pour les tâches mono-core; en revanche, en usage multi-cœurs le Nexus 6 tient son rang, y compris face au Tegra K1 du Nexus 9. Comme toujours, c'est dans la réalité du quotidien que l'on se rendra compte des vraies performances du smartphone. Dans les jeux les plus gourmands, force est de constater que nous avons pu noter des ralentissements parfois pénibles. Les animations sont heurtées lorsque les éléments à l'écran commencent à se multiplier. Le problème ici est surtout logiciel, les applications n'étant pas parfaitement optimisées pour tirer le meilleur parti du Snapdragon 805… Ce qui est évidemment bien malheureux pour l'utilisateur qui attend de son smartphone chèrement acquis qu'il soit le plus performant possible. Au bout de plusieurs dizaines de minutes d'utilisation intensive, il faut noter aussi que le dos du Nexus 6 a tendance à chauffer, mais cela n'empêche pas son bon usage.
Au niveau du réseau, bien que le Snapdragon 805 puisse assurer la prise en charge de la 4G+ (LTE-A), le Nexus 6 se contente d'un maximum de 150 Mbit/s (la 4G+ peut pousser jusqu'à 300 Mbit/s). C'est aussi la limite pour l'iPhone 6 Plus, mais actuellement en France, les villes couvertes par la 4G+ sont peu nombreuses. Chez Bouygues Telecom, l'opérateur le plus avancé dans ce domaine, la couverture en 4G+ ne concerne pour le moment qu'une poignée de territoires (voir la carte). Toutefois, les choses devraient commencer à bouger sérieusement sur ce front, Free ayant obtenu de l'ARCEP l'autorisation de déployer en 1800 MHz sur pratiquement tout le territoire : l'opérateur sera tenu de couvrir 25 % de la population en 1 800 MHz dès le 11 octobre 2015, puis 60 % en 2019 et 75 % en 2023 (lire : Free Mobile : de la 4G+ et une meilleure couverture en 2015 grâce aux 1 800 MHz).
Une autonomie en forme
Les Moto X ont inauguré une fonction reprise par Google pour le Nexus 6. Il s'agit de l'écran de verrouillage actif listant les notifications dans un mode d'affichage monochrome et économique. Il suffit de tapoter deux fois sur une notification pour lancer l'application correspondante. Ce même mode d'affichage s'active dès que l'appareil est en mouvement, ce qui peut être parfois pénible quand on ne souhaite que le déplacer; heureusement, l'affichage monochrome reste très discret et il consomme peu d'énergie grâce à la technologie AMOLED. Étrangement, au bout de quelques jours, cet écran actif a cessé de fonctionner correctement, sans que rien n'ait changé…
Restons un instant sur la batterie : Google fait savoir qu'une recharge de 15 minutes d'un Nexus 6 complètement déchargé offre à l'appareil une autonomie de 6 heures, grâce non seulement au chargeur secteur fourni (1,2 ampère à 12 volts) mais aussi à la technologie QuickCharge 2.0 signée Qualcomm. Dans les faits, c'est bel et bien le cas et l'on peut pratiquement tenir une journée de travail, surtout si on active l'économiseur d'énergie d'Android 5.0, qui neutralise certaines fonctions gourmandes (notamment le fonctionnement des apps en tâche de fond).
La batterie du Nexus 6 est d'une capacité de 3 220 mAh, soit 305 mAh de plus que l'iPhone 6 Plus. La différence est-elle sensible ? Nous avons passé les deux phablettes au nouveau test d'autonomie de Geekbench, qui ne mesure pas réellement l'usage normal des smartphones; en revanche, ce test offre un point de comparaison entre différents produits. Ainsi, l'iPhone 6 (1 810 mAh) a tenu 3h26, quant au Nexus 6, il a atteint 4h41 contre 5h12 pour l'iPhone 6 Plus. Un score plutôt honnête donc, même si on aurait pu espérer plus au vu de la taille de la batterie du tablettophone.
Dans les faits, dans le cadre d'un usage normal, un Nexus 6 se montre aussi endurant qu'un iPhone 6 Plus, c'est à dire un bon jour et demi sans devoir repasser à la recharge.
Pour conclure
Le Nexus 6 est un tablettophone de bonne tenue (avec deux mains, si possible). Le design soigné en fait même une des toutes premières références dans ce domaine grâce à l'excellent travail réalisé par Motorola, qui déçoit rarement sur ce plan. Le terminal bénéficie aussi d'Android 5.0 Lollipop, un très bon système d'exploitation dont l'interface n'a rien à envier à celle d'iOS, en particulier au niveau de la cohérence.
On se montrera moins enthousiaste par l'écran de qualité moyenne, ou par des performances ébouriffantes… uniquement sur le papier. En creux, cela conforte la stratégie d'Apple qui, au travers de la maîtrise du logiciel et du matériel, notamment la conception en interne du processeur, gère tous les aspects de ses produits mobiles et in fine, essaie d'assurer à l'utilisateur l'expérience la plus optimisée possible.
Google a complètement renversé la vapeur au niveau tarifaire. La gamme Nexus était connue pour offrir des terminaux de qualité bon marché (le Nexus 5 est commercialisé à partir de 349 € la version 16 Go), mais les prix des Nexus 6 et 9 positionnent clairement ces appareils dans le haut de gamme tarifaire… même si la phablette de Motorola est beaucoup moins onéreuse que l'iPhone 6 Plus : 649 €, contre 809 € l'iPhone 6 Plus de 16 Go. On ne saurait d'ailleurs trop recommander, si vous êtes intéressés par le Nexus 6, de choisir la déclinaison 64 Go qui rajoute 50 € seulement au prix de base. Les concurrents les plus sérieux du Nexus 6 seraient plutôt à aller chercher du côté de Samsung ou de LG, avec les Galaxy Note 4 (699 € prix public) ou G3 (599 €).