Dans la famille (de plus en plus hétéroclite) des produits domestiques connectés, les prises/interrupteurs comptent parmi ceux dont l'intérêt est le plus simple à comprendre.
Que vous soyez dans la pièce ou à plusieurs centaines de kilomètres, vous pouvez allumer ou éteindre tout ce qui est branché sur ces grosses prises, voir quels appareils sont restés allumés par erreur, définir un planning d'activité quotidienne (par exemple pour la vitrine d'un commerce) ou couper le courant au bout d'un délai prédéfini d'utilisation (si les enfant dépassent la permission de durée pour la TV…). Ces prises sont reliées par Wi-Fi à votre box Internet et pilotables depuis votre smartphone.
Selon la sophistication de ces accessoires on peut aussi suivre en direct la consommation électrique et estimer les dépenses engendrées. Un cran plus loin encore et on peut faire fonctionner ces prises en fonction de critères plus variés que les simples plages horaires. Par commodité, dans le reste de l'article, on parlera de "lampes" ou "appareils" pour désigner les matériels électriques branchés. C'est avec des lampes et un téléviseur que nous avons fait nos tests.
Nous avons comparé deux interrupteurs vendus moins de 100 euros. L'un est le Smart Plus Switch/SP-1011W, fabriqué par l'entreprise taïwanaise Edimax. Nous l'avons acheté 45 € sur Amazon. L'autre est le WeMo Insight Switch de l'américain Belkin, acheté au même endroit pour plus de 70 € (son fabricant conseille un prix public de 60 € mais il n'est pas en stock dans sa boutique).
Le SP-1011W est une entrée de gamme, il existe une version SP-2101W qui calcule en plus la consommation électrique comme l'Insight. Le WeMo Insight est une déclinaison un peu plus complète d'un autre interrupteur qui ne mesure pas la consommation et qui ne peut envoyer de notifications sur le statut d'activité de l'appareil électrique branché. WeMo chez Belkin désigne une petite famille de produits connectés (caméra, ampoule et interrupteurs variés). L'américain vend également un module de détection de présence pour aller avec la prise.
Design
Les deux accessoires sont d'une taille et d'un encombrement assez équivalents. Le Belkin est plus rond, moins mastoc d'apparence et plus compact de peu.
S'ils sont branchés sur un bloc multiprise il ne laisseront de place à leurs côtés, au mieux, que pour des fiches plates. Les fiches rondes seront malaisées ou impossibles à brancher.
Le boîtier Belkin prend néanmoins l'avantage car plus ergonomique. Lorsqu'on branche une lampe sur une telle prise, on renonce à utiliser son interrupteur, on utilise celui intégré à l'accessoire. La partie supérieure du WeMo a une grosse pastille qui fait office d'interrupteur et, transparente, affiche les diodes d'activité (en service, état du Wi-Fi, mise à jour firmware effectuée, etc). En face, le SP-1011W a un bouton d'interrupteur, deux diodes et un bouton de reset. Tous sont placés en façade, de toute petite taille et pas immédiatement identifiables.
Ces prises ne sont pas forcément idéales pour des appareils que l'on allume et éteint manuellement plusieurs fois dans la journée, sauf si une programmation peut parfaitement se substituer à cette gymnastique. Normalement, on ne devrait donc pas avoir à utiliser l'interrupteur de la prise, mais au moins Belkin a pensé à l'utilisateur au vu de la manière dont il a placé le sien. Le design de l'Edimax fait très générique en comparaison.
Installation
La connexion Wi-Fi des deux prises suit le même rituel. Depuis son iPhone on va se connecter au réseau Wi-Fi de ces boitiers, puis on se rend dans leurs applications pour leur désigner le réseau Wi-Fi du foyer.
Contrairement à la Belkin, la prise Edimax peut-être protégée par un mot de passe. Car toute personne qui télécharge l'une ou l'autre de ces deux apps et qui a une permission d'accès à votre réseau Wi-Fi peut ensuite contrôler librement vos prises. Avec ce mot de passe, la prise Edimax apparaîtra bien dans l'app d'un autre utilisateur mais il devra entrer ce sésame pour la gérer.
Chez Belkin, comme dit précédemment, dès lors que vous pouvez vous connecter au réseau Wi-Fi de la maison, il suffit d'ouvrir l'app sur un téléphone quelconque pour voir toutes les prises s'afficher et leurs règles de fonctionnement. Pas besoin de s'identifier à un compte quelconque, c'est très pratique si plusieurs personnes doivent pouvoir piloter ces prises. À défaut d'un mot de passe, on peut empêcher tel ou tel appareil iOS de contrôler les WeMo depuis l'extérieur, c'est à dire en 3G/4G. Il faudra être dans le rayon du Wi-Fi pour retrouver sa liberté d'action.
Edimax indique qu'il n'y a pas de limite au nombre de prises pouvant être pilotées ni de nombre d'apps pour s'y connecter. Chez Belkin on parle de 16 équipements WeMo gérés depuis six téléphones/tablettes. Notez qu'on ne peut, depuis l'une de ces apps, contrôler des équipements situés dans deux lieux différents qui ont chacun leur réseau Wi-Fi. Ou alors il faudrait dédier un téléphone/tablette à cet autre endroit…
Après ces préliminaires d'installation, il peut être nécessaire de mettre à jour le firmware de ces prises. L'Edimax était en retard d'une mise à jour et la Belkin de deux. Mauvais point pour l'Edimax dont l'utilitaire d'installation ne fonctionne que sur Windows. Au mieux, on a sur son Mac une machine virtuelle pour dépanner, au pire il faudra aller chez un ami. Cela veut dire aussi, refaire de zéro l'association de sa prise avec cet autre réseau Wi-Fi pour que le PC puisse transférer le firmware et le refaire à nouveau une fois chez soi.
C'est bien mieux chez Belkin où l'app mobile signale une mise à jour disponible et laisse la prise la télécharger et l'installer. Cela a pris moins que les 10 minutes annoncées dans l'app.
Un mot aussi sur les applications mobiles : WeMo et EdiPlug. Aucune n'est optimisée pour l'iPad (elles s'y affichent en mode zoom) ou les iPhone 6, et pas de widget iOS 8 non plus. Sur l'iPhone, Belkin a néanmoins fait un meilleur travail avec une interface plus soignée. Celle d'Edimax, plus sèche, présente des problèmes d'alignements par-ci par-là (des bouts de texte d'explication sont parfois tronqués dans celle de Belkin). Les deux apps mélangent aussi allègrement français et anglais (et même un libellé d'espagnol chez Edimax). On trouve son chemin dans l'app malgré ces lacunes de traduction mais, de Belkin au moins, on s'attendait à beaucoup mieux sur la finition.
Ces apps sont assez régulièrement mises à jour, tout espoir n'est pas perdu de voir des progrès réalisés. Surtout que tout passe par les apps, il n'y a pas d'interface de gestion sur le web. Avantage, il n'est pas obligatoire de se créer un compte en ligne chez leurs fabricants pour utiliser ces produits. Inconvénient, si vous n'avez pas votre téléphone et êtes loin de chez vous, il est impossible d'en configurer un autre temporairement.
Programmation
Pour contrôler une lampe il suffit de la brancher sur la prise connectée, c'est cette dernière qui se charge de l'allumer ou l'éteindre (voire mesurer sa consommation) en fonction de vos ordres ou d'un planning établi. Si vous avez plusieurs prises et autant d'appareils, vous leur attribuerez un nom dans l'app pour les distinguer (16 caractères chez Edimax, 30 chez Belkin mais aucune app ne gère les noms accentués…). Une bonne idée chez Belkin, on peut photographier l'appareil branché et ainsi mieux le repérer dans une liste bien fournie.
Pour allumer ou éteindre la lampe on utilise simplement son interrupteur dans l'app. Un léger clic sonore côté prise et celle-ci coupe l'alimentation. Pendant qu'une lampe est alimentée, l'app de Belkin livre des renseignements sur la durée de fonctionnement, sa consommation, une estimation du coût journalier et mensuel (on peut modifier le prix du kilowatt heure utilisé en prenant celui de son opérateur énergétique pour affiner le résultat). Passé les 12 premières heures, les valeurs moyennes seront calculées sur la base des 14 derniers jours.
Pour aller plus loin encore, on peut exporter vers une adresse mail ces données dans un format CSV qu'ouvrira n'importe quel tableur. Mieux, une option sait automatiser cet export selon un rythme quotidien, hebdomadaire ou mensuel. L'historique remonte sur les 40 derniers jours.
Autre option sur la Belkin, le réglage de seuil pour la consommation de chaque appareil, avec une fourchette allant de 2 à 99 watts. En deçà du niveau retenu, l'équipement est considéré comme fonctionnant en mode veille et les compteurs de consommation ne bougent plus. Au-dessus, il déclaré comme étant en fonctionnement normal et sa consommation est mesurée. Dans l'app, le bouton d'activité est vert dans les deux cas, mais une petite pastille à côté passe du vert à l'orange selon l'état de fonctionnement ou de veille. Avantage du procédé, on peut faire la différence entre une télévision qui est sous tension mais en veille et la même qui est regardée par ses enfants.
Pour établir un planning de fonctionnement, l'app Belkin fait mieux aussi que sa concurrente. Il est bien plus simple de régler une récurrence quotidienne. On coche les jours où l'action — par exemple, allumer une lampe à 8h30 et en éteindre une autre au même moment — doit être effectuée.
Dans celle d'Edimax il faut faire cette programmation récurrente pour autant de jours que nécessaire, impossible de la copier coller pour aller plus vite. Impossible aussi d'affecter plusieurs lampes à un même planning. Chacune a le sien et tant pis s'ils sont pourtant identiques. Et un bug, lorsqu'on tape sur le nom d'une prise c'est la planification du jour précédent qui s'affiche.
Là où la prise Belkin pourrait s'inspirer de l'Edimax c'est en ajoutant une vue hebdomadaire où, pour chaque jour, les programmations sont représentées graphiquement. À la manière des événements dans un calendrier. Ce serait d'autant plus pratique lorsqu'on a plusieurs appareils WeMo et de multiples règles.
Belkin propose également des réglages horaires en fonction de l'heure de lever et de coucher du soleil, calculés à partir de votre situation géographique. On décidera que la lampe doit s'allumer à l'heure où la nuit tombe ou un peu avant ou bien après, des délais sont proposés d'office mais on peut choisir le sien dans une plage de 4h avant/après.
Autre réglage propre au Belkin, celui qui simule votre présence en allumant de manière automatique les lampes de votre choix dans une plage horaire que vous définissez. Nous avions réglé cette fonction pour deux lampes avec une activité entre 20h30 et 23h55. L'une des deux lampes est restée allumée pendant cette tranche horaire tandis que l'autre s'éteignait et se rallumait à peu près toutes les demi-heures. À l'issue de la programmation, les deux lampes se sont éteintes. Rien n'empêche, pour casser le côté mécanique et impersonnel de ces jeux de lumière, de multiplier les règles et d'utiliser à chaque fois des lampes différentes.
Notifications et recettes IFTTT
Toutes ces activités peuvent être signalées à l'utilisateur par des notifications. La prise Edimax ignore les notifications d'iOS et préfère le courrier électronique. Un profil Gmail est proposé et fonctionne bien. On reçoit un bref courriel (en anglais) signalant l'activité de la lampe. Rien n'empêche d'utiliser une autre messagerie que celle de Google en entrant manuellement ses réglages de compte mais nous nous y sommes cassés les dents et l'option Gmail retenue au départ refusait de s'effacer derrière les nouveaux réglages. De guerre lasse nous sommes restés sur Gmail.
La WeMo joue la carte d'une meilleure intégration en utilisant les notifications d'iOS (un widget iOS 8 serait un bonus apprécié). D'ailleurs, ajouter une option de signalement par mail comme le concurrent serait une bonne idée. On peut être notifié que la lampe s'est allumée, qu'elle s'est éteinte ou qu'elle est en marche depuis une durée que l'on définira.
Le matériel Belkin est compatible en outre avec IFTTT, un service web gratuit où l'on trouve des scripts — "recettes" dans le jargon d'IFTTT — tout prêts à utiliser qui associent des matériels avec services en ligne (IFTTT pour If This Then That : S'il se passe ceci alors fais cela). Plusieurs recettes existent pour les WeMo Insight. Nous en avons utilisé une par exemple qui fait s'éteindre notre lampe dès lors qu'on s'éloigne du bureau. Une notification vous prévient ensuite du bon déroulement de l'opération. L'app IFTTT se base pour cela sur votre position géographique.
Même si cela intéressa en premier lieu les utilisateurs avancés, cette compatibilité IFTTT est une ouverture très intéressante au vu du nombre de recettes disponibles. Cependant, toutes ces recettes ne fonctionnent pas nécessairement. Il arrivait aussi que notre lampe ne soit pas détectée dans l'app IFTTT (pour lui associer une recette) il fallait alors le faire sur le site web du service. Certaines options comme celle basée sur la géolocalisation mériteraient d'être intégrées directement dans l'app de Belkin. Cela éviterait de jongler entre deux apps et de s'inscrire sur un autre service.
Nous avons utilisé ces prises quelques jours (avec une version bêta d'iOS 8.2 sur un iPhone 6). Pêle-mêle nous avons parfois essuyé des plantages, mais rares. Il est arrivé occasionnellement que la Belkin ne détecte plus une ou les deux lampes. Cela n'a duré à chaque fois que quelques secondes et peut s'expliquer par une latence dans la connexion au nuage de Belkin qui fait l'interface, de manière transparente, entre vos prises et vous.
Autres griefs, de temps à autre, l'envoi d'un nouveau réglage vers la prise Belkin a pris quelques longues secondes. Mais rien d'insupportable. On a eu aussi un message d'erreur qui vient parfois empêcher l'enregistrement d'une nouvelle règle. Peut-être à raison d'ailleurs, mais l'alerte n'est d'aucune aide pour tenter de comprendre l'origine de l'erreur. Tous ces désagréments n'étaient pas gênants cependant au point de rendre l'utilisation du produit pénalisante.
De quel ordre est le surcroît de consommation généré par le branchement de ces prises ? Léger. Nous l'avons mesuré entre 1,8 et 1,9 watts sur les deux prises (Belkin parle de moins d'1,5 watts).
Conclusion
À l'issue de nos tests, l'Insight Switch de Belkin se révèle plus intéressante que sa concurrente chez Edimax (même si l'on préférait sa version avec un suivi de la consommation). Tant sur le plan matériel que logiciel, le produit est plus abouti et plus agréable à utiliser. Il est plus riche aussi en possibilités. Si la différence de prix était beaucoup plus importante, on pourrait éventuellement se rabattre sur l'Edimax et s'en servir à minima, mais il n'y a qu'une petite trentaine d'euros d'écart.
Cela ne veut pas dire que l'Insight Switch mérite toutes les louanges. Le logiciel doit encore corriger quelques bugs et simplifier son ergonomie. Quant à la qualité de traduction de l'interface et l'absence d'une optimisation iPad, c'est indigne d'une marque comme Belkin. Aucun de ces défauts n'est bloquant, ils sont d'ordre logiciel donc réglables par des mises à jours. Ces réserves énoncées, la Wemo Insight Switch est un produit que l'on peut conseiller. Pas aussi chaudement qu'on l'aurait espéré, mais il s'avère tout de même intéressant.
Belkin WeMo Insight Switch (environ 70 €)
Note : 7/10
Plus :
- Ergonomie de la prise
- Programmation assez simple
- Notifications iOS
- Mesure de la consommation
- Compatible avec IFTTT
- Export des données
- Mises à jour firmware simples à faire
Moins :
- Traduction bâclée
- Des bugs occasionnels
- Pas d'optimisation iPad et iPhone 6
- Pas de notifications par mail
- Pas de contrôle par le web
Edimax Smart Plus Switch P-1101W (environ 45 €)
Note : 4/10
Plus :
- Prix
- Vue hebdomadaire dans le planning
- Notifications par mail
Moins :
- Traduction bâclée
- Programmation fastidieuse
- De petits bugs
- Pas de contrôle par le web
- Pas d'optimisation iPad, iPhone 6 ni de notifications iOS
- Windows requis pour les mises à jour firmware