La révolution VR (réalité virtuelle) est en marche… Du moins, c'est ce que les constructeurs voudraient bien nous faire croire, car pour le moment les utilisateurs des premières solutions grand public font surtout figure de cobayes. Le secteur est cependant en train de bourgeonner rapidement. Nous avons testé trois casques VR compatibles iPhone.
Depuis l'acquisition d'Oculus VR par Facebook en mars 2014 pour 2 milliards de dollars, la technologie VR est devenue tendance — John Carmack, le créateur de Doom, a même abandonné son poste à Id Software pour devenir directeur technique d'Oculus VR. De quoi donner une sérieuse patine de crédibilité à ce procédé d'immersion dans un jeu, une application ou une vidéo.
Dans la foulée de Facebook, Sony (avec le projet Morpheus), Samsung (qui investit lourdement dans son casque Gear VR) et une myriade de projets Kickstarter ont vu le jour en espérant décrocher la timbale. Firefox a tout récemment lancé sa propre initiative en lien avec l'Oculus Rift. Dernier en date : Microsoft ! Avec le casque HoloLens, l'éditeur de Windows veut même combiner réalité virtuelle avec réalité augmentée, le tout saupoudré d'une grosse pincée de Kinect (lire : Microsoft HoloLens : l'hologramme est-il l'avenir de l'informatique ?).
Inutile toutefois de dépenser les 300$ pour un kit de développement Oculus. Depuis le Cardboard en kit et en carton distribué aux développeurs durant Google I/O en juin 2014, on sait que plonger tête la première dans un jeu est très bon marché, pourvu que l'on possède quelque chose avec un écran. Ça tombe bien, l'iPhone est calibré pour cet usage ! Nous avons sélectionné trois des casques les plus populaires actuellement en vente sur Amazon : les lunettes 3D Private Cinema à 20 euros, le casque ColorCross à 20 euros également, et un kit en carton distribué par Andoer à 7 euros.
Un nouveau monde au bout du nez
Avant d'entrer dans le vif du sujet, pas la peine de faire la fine bouche : les premières minutes chaussées d'un casque VR font forte impression (en particulier lorsque c'est la première fois que l'on expérimente cette technologie), même avec le squelettique catalogue d'applications compatibles iOS. Rappelons au passage de quoi l'on parle ici : non seulement l'affichage du contenu est en relief, mais celui-ci suit aussi les mouvements de tête de l'utilisateur, donnant l'impression d'être littéralement plongé dans un monde virtuel. Au-delà des démos, la réalité virtuelle a-t-elle un intérêt, voire un avenir, sur notre plateforme ?
Les trois casques que nous avons testés supportent l'iPhone 6 et 6 Plus, et par conséquent la plupart des autres smartphones d'Apple (ceux du moins sur lesquels on peut installer des applications compatibles VR). De base, le principe est évidemment le même quel que soit le périphérique : il s'agit toujours de deux lentilles qui magnifient l'écran de l'iPhone. Ni plus ni moins : toute l'« intelligence » de la réalité virtuelle est contenue dans le smartphone, ses capteurs de mouvement, et les applications compatibles.
Le kit en carton ressemble à un gadget à monter qu'aurait pu éditer Pif Gadget. On trouve dans l'emballage trois morceaux de carton, une paire de lentilles, des morceaux de velcro et deux aimants. Une fois monté, force est de constater que le résultat n'est pas vilain même s'il y manque une sangle (vendue en option) permettant de maintenir le tout sur la tête. Le carton n'est pas un matériau très haut de gamme, mais il a deux avantage : il est plus léger et plus souple que le plastique dur des deux autres modèles. Le nez, qui soutient le poids du smartphone, souffre moins.
Les deux autres casques sont, on l'aura compris, en plastique. La lunette est protégée par un support en caoutchouc qui a la mauvaise idée de se détacher à tout bout de champ — on a donc tôt fait de le retirer définitivement, même si le confort s'en ressent. Techniquement parlant, le modèle ColorCross est le plus évolué. Non seulement il est possible d'ajuster les deux lentilles, mais encore le système d'attache du smartphone est redoutablement sophistiqué; il se compose de quatre panneaux que l'on adapte en fonction de la taille du mobile. Après avoir trouvé la bonne configuration, force est de constater que le berceau ainsi constitué retient solidement le terminal mobile.
Ça n'est pas le cas de l'autre modèle en plastique, le 3D Private Cinema, dont le système de support se limite à une glissière qui ne s'adapte pas à l'épaisseur d'un iPhone 6 — une butée permet de retenir le smartphone un minimum, mais mieux vaudra éviter les gestes trop brusques de la tête, au risque de voir le téléphone partir en vrille.
Pour être franc, aucun des trois casques testés ici ne nous a apporté satisfaction en ce qui touche au confort d'utilisation ; quant à l'expérience VR à proprement parler, elle laisse encore à désirer. L'iPhone 6 Plus de test a beau avoir un (très) grand écran, on est encore loin de la vision panoramique que peut offrir un Oculus VR (en même temps, le prix n'est pas le même). De fait, même si le smartphone est positionné très près du regard, il subsiste des bandes noires sur les côtés, en haut et en bas.
Si au départ l'immersion dans l'image étonne, rapidement on s'aperçoit des limites du procédé, et pour cause : ces casques ne sont pas spécifiquement conçus pour l'iPhone. Ils peuvent supporter à peu près tout type de smartphones et de tablettophones. Cette universalité est bonne à prendre (pas besoin de changer de casque en cas d'achat d'un nouvel appareil mobile), le revers de la médaille étant que ces produits ne sont pas parfaitement adaptés aux terminaux d'Apple.
Un écosystème en gestation
Mais cette technologie ne serait évidemment rien sans un écosystème de logiciels et de contenus. C'est malheureusement là que le bât blesse : il n'y a pas grand chose à se mettre sous la dent, enfin là en l'occurrence, les yeux. En l'absence de support officiel (il n'existe pas, à notre connaissance, d'API Apple permettant de développer des apps VR), il faut s'en tenir à une poignée d'initiatives isolées offrant un peu de contenu.
C'est le cas, par exemple, de Durovis qui livre clé en main un environnement de développement prenant en charge non seulement l'affichage nécessaire (deux fenêtres côte à côte légèrement décalées donnant l'illusion du relief), mais également les capteurs de mouvement du smartphone. On ne saurait trop conseiller de télécharger la démo Dive City Rollercoaster, qui place l'utilisateur dans le wagon de tête d'un grand huit au milieu des gratte-ciel : effet assuré, en particulier lorsque l'on tourne la tête — le paysage « suit » le mouvement des yeux, on peut voir en dessous, au dessus, à côté, derrière… Bref, l'expérience VR à son meilleur. Dommage que la démo se contente de textures à peine dignes de la PlayStation de première génération.
Lui aussi conçu avec Durovis, The Height est plus ambitieux, puisqu'il s'agit d'un jeu… enfin, c'est ce qui se rapproche le plus d'un jeu : on se retrouve en effet au milieu d'un labyrinthe, à récolter des cubes blanc puis à trouver la sortie. Étant donné l'impossibilité d'interagir de manière tactile avec l'iPhone, les déplacements sont malaisés : il faut regarder « à terre » pour activer la marche, puis bouger la tête dans la direction désirée. Il est nécessaire de réagir au quart de tour pour éviter de tomber ou de faire de mauvaises rencontres : pas évident quand on ne voit pas l'environnement réel autour de soi.
FastHit VR est plus simple à prendre en main : il s'agit ici de tirer dans des cibles qui se trouvent autour de soi. Le joueur est planté au centre de la carte, tandis que son fusil tire sans cesse. Pour passer au niveau suivant, il suffit de repérer les cibles et de viser juste. Pour s'adonner à ce jeu, le mieux est de s'asseoir sur un siège qui peut tourner sur lui-même, au risque sinon de s'étourdir !
Finissons-en là cet inventaire non exhaustif (mais pas loin) avec Occupation VR, qui est sans aucun doute ce à quoi pourrait ressembler un vrai jeu VR. Dans cette aventure à la GTA, le joueur chaussé de son casque doit retrouver trace de sa petite amie (virtuelle) dans un monde rempli de zombies et de créatures peu commodes du même genre. Ce titre est un des rares représentant VR à se monter compatible avec une manette MFi, ce qui change tout en termes de confort de jeu ! Occupation VR est loin d'être un bon jeu (on s'y embête très vite, les interactions avec les personnages virtuels sont inexistants, l'action est molle, les graphismes sont dignes de 1999), mais il donne une idée enthousiasmante du potentiel de la technologie VR couplée à la prise en charge d'un contrôleur.
Le contenu vidéo est lui aussi assez pauvre. YouTube ne manque pas de fichiers 3D avec deux écrans (la marque Haribo semble très friande de l'effet), mais la grande majorité de ce contenu est « fixe » : pas la peine de bouger la tête, l'image ne bougera pas. Cela permet toutefois de s'offrir quelques frissons à bon compte.
Google, promoteur de la technologie VR avec le Cardboard, propose une poignée de vues Street View (comme celui de la tour Burj Khalifa) compatibles avec les casques à réalité virtuelle. Hélas, ces vues ne sont pour le moment visibles qu'avec l'app Android (il faut tapoter deux fois sur la petite icône en bas à droite). Le moteur de recherche n'a pas précisé si l'app iOS y aura droit un jour.
Outre le contenu difficile à trouver, la technologie VR pose un autre problème autrement plus douloureux : la cinétose, que l'on connait mieux sous le nom de mal de mer ou de mal des transports. Les symptômes traditionnels sont des étourdissements ou des nausées qui se manifestent lorsque la perception visuelle et le système vestibulaire (l'oreille interne) s'accordent mal. On pourra y être plus ou moins sensible (ou pas du tout pour les plus chanceux), mais en ce qui concerne votre serviteur, les effets de la cinétose sont apparus au bout de quelques minutes. Et on reste dans le cirage pendant un bon moment…
Pour conclure
Passé l'effet nouveauté, ces expériences vidéo-ludiques se révèlent rapidement décevantes. Les technologies sur lesquelles ces apps reposent sont bien loin d'exploiter tout le potentiel de la réalité virtuelle, mais peut-on réellement en vouloir aux développeurs qui se lancent sur ce marché ? Alors qu'Android est plus richement doté grâce à la plasticité de la plateforme de Google, sur iOS les possibilités sont encore très limitées. Peut-être que cela évoluera un jour si d'aventure Apple décide de s'ouvrir à cette technologie.
Cela étant dit, au vu du prix demandé pour ces casques, on ne se ruinera pas à acheter l'un ou l'autre des produits comparés ici. Si vous souhaitez glisser un doigt dans le monde de la réalité virtuelle avec un iPhone, nous pouvons conseiller le ColorCross qui s'adapte plutôt mieux que les deux autres à toutes sortes de smartphones.
Pour le reste, ces produits se contentent de faire figure d'aimables jouets pour grands enfants. Ceux qui ont servi à ce test prennent d'ores et déjà la poussière…