Pas besoin de s'appeler Daft Punk, Deadmau5 ou Armin Van Buuren pour faire bouger les foules sur les dance-floors. Tout le monde a la possibilité de s'initier aux joies du DJing sans devoir investir des milliers d'euros dans du matériel. On peut déjà bien s'amuser avec son iPad et une application comme djay 2 [2.6.1 - Français - 8,99 € (achats in-app) - iPad - 60,6 Mo - algoriddim GmbH], mais ceux qui voudraient aller un peu plus loin et se frotter véritablement à l'univers du DJing « physique » pourront se tourner vers les platines de mix prenant en charge, d'une manière ou d'une autre, la bibliothèque musicale d'iTunes.
Le principe est identique pour tous ces produits : pouvoir mixer deux pistes audio, en y rajoutant au besoin des scratchs, des effets et des boucles. Les outils n'ont jamais été aussi nombreux et aussi simples (en apparence) afin de se prendre pour le roi de la nuit. Hercules, dont la réputation et le rapport qualité/prix en matière de tables de mixage semi-pro sont bien établis, s'est lancé depuis quelque temps à l'assaut des utilisateurs d'iPad avec une poignée de contrôleurs adaptés à la tablette. Lancée au printemps, la DJControlWave se connecte à un iPad en Bluetooth, quand les modèles précédents (les DJControl Instinct et AIR) utilisent un câble USB vers Lightning. Si Hercules se fait très discret sur le sujet, il est aussi possible d'utiliser la platine sur son Mac avec l'aide de Traktor, VirtualDJ, du logiciel maison DJUCED 40°, ou de n'importe quelle application MIDI.
Lose yourself to dance
La vocation de cette table de mix n'est pas de sonoriser la prochaine soirée mousse du Macumba Night, mais plutôt celle d'animer gentiment une fête entre amis ou le réveillon du 1er de l'An… mais guère plus, étant donné que la sortie son de la console n'est autre que celle de l'iPad (celle-ci ne démérite pas, du moins à partir de l'Air 2013). Hercules n'a pas cru bon d'intégrer une sortie audio sur son produit, ce qui est vraiment dommage. Le constructeur fournit un câble répartiteur à brancher sur la sortie jack de la tablette, et qui permet de relier un casque et une enceinte (de par sa nature Bluetooth, la console sait aussi diffuser du son sur une enceinte sans fil).
Le rayon des entrées/sorties sur la DJControlWave est réduit à sa portion congrue : on n'y trouvera en effet qu'un port micro USB permettant de recharger la batterie de l'appareil et de mixer depuis un Mac (la table ne peut être utilisée en Bluetooth avec un ordinateur). La batterie est une des caractéristiques phare de ce produit, puisqu'elle lui permet en pleine charge de tenir environ huit heures, de quoi guincher jusqu'au bout de la nuit.
La conception en deux parties du châssis, avec un bas de caisse blanc très plastique et une façade avant à la finition brillante un peu plus qualitative permettent à la console d'éviter, mais tout juste, le qualificatif de jouet. Le plastique reste malgré tout très présent sous les doigts et les yeux de l'utilisateur : le trio de boutons sous les deux jog wheels et les cinq tirettes inspirent une confiance assez limitée. Mieux vaudra éviter de tirer trop fort sur ces faders au risque qu'ils vous restent dans les mains. Heureusement, les deux jog wheels sont beaucoup plus qualitatives avec des finitions alu et caoutchouc qui respirent la solidité. Les potards eux aussi sont fermes et équilibrés.
Give life back to music
La platine se révèle très complète au niveau des boutons, qui sont de plus plutôt bien agencés sur la surface du contrôleur. On trouve pour chaque voie un jog wheel sensible à la pression, une tirette pour le pitch (pour accélérer ou ralentir la vitesse d'un morceau), une autre pour le volume de pré-écoute, trois potentiomètres pour les réglages de l'égaliseur, un encodeur rotatif pour la création de boucles en temps réel, ainsi qu'une triplette de boutons : lecture/pause, Sync (pour synchroniser le BPM des deux morceaux) et Cue pour revenir à un point d'entrée dans le titre. Et évidemment, entre les deux jog wheels, se trouve un crossfader central qui permet de basculer de l'une à l'autre des voies.
De part et d'autre de l'iPad prennent place deux ensembles de trois boutons permettant de lancer de courts samples (des bruitages de type corne de brume pour faire monter la mayonnaise sur la piste de danse), de créer trois points de lecture supplémentaire dans le morceau ou des effets, le tout sans avoir besoin d'en passer par une sélection à même l'iPad. Un gros potard de volume général complète le tout. On est évidemment encore loin de platines plus raffinées, mais l'iPad et l'app compagnon DJUCED DJW [1.2.2 - Français - Gratuit (achats in-app) - iPad - Guillemot Corporation] complètent le périphérique au niveau des fonctions.
Globalement, et au prix d'un peu d'entraînement, il est difficile de se plaindre de l'expérience offerte par la partie physique de la platine. Les différents boutons, tirettes et potards tombent bien sous le doigt, exception faite peut-être des deux pavés d'effets et de bruitages placé aux côtés de l'iPad : ils obligent à un aller-retour permanent et on risque de ne pas s'en servir autant qu'on le voudrait.
Fragments of time
Le contrôleur est connecté à l'iPad via une connexion Bluetooth 3.0. La norme n'a pas une très bonne réputation quand il s'agit de transmission et de rendu sonore, même si avec aptX, il est possible d'améliorer les choses (mais cette technologie n'est pas encore prise en charge sur les produits iOS). Avec la DJControlWave, on n'a pas à souffrir de ce problème (sauf si on utilise des enceintes Bluetooth), l'audio passant par la sortie jack de l'iPad. En revanche, on peut ressentir de temps à autre un certain temps de latence pour prendre en charge une action : c'est souvent imperceptible et ça n'arrive heureusement pas souvent.
Une fois accepté le fait qu'absolument tout doit passer par l'iPad (à part si on possède des enceintes Bluetooth), le contrôleur s'en tire plutôt bien… à condition de se contenter de la seule application compatible, DJUCED DJW. Car la platine ne prend aucun autre logiciel en charge, et surtout pas djay 2, une des références du secteur qui est pourtant supporté par bon nombre de contrôleurs du marché. L'app d'Hercules est moins complète (et moins jolie) que celle d'algoriddim : il est ainsi impossible d'utiliser les morceaux Spotify ou de synchroniser les métadonnées iCloud.
Malgré ses limites, DJUCED DJW ne démérite pas : le DJ amateur saura s'y retrouver, même si tout n'est pas parfait. La sélection des morceaux aurait ainsi pu être plus intuitive, ou moins brouillon. L'interface obéit aux préceptes graphiques d'iOS 7 et 8, avec un fond noir et des icônes simples qui appellent assez peu de commentaires. On est loin du skeuomorphisme de djay 2 (où l'on trouve encore des platines virtuelles qui ressemblent à leurs équivalents de la vraie vie), mais cette sobriété est finalement de bon ton lors d'une séance de mix endiablé.
L'app et le contrôleur se complètent : certaines fonctions, comme la modification des filtres en temps réel ou les boutons pour lancer la pré-écoute au casque ne sont ainsi disponibles que sur l'iPad, alors que le volume global ou la gestion du Cue ne sont possibles que depuis la table de mix. Il en va également de même pour les encodeurs rotatifs, ces potentiomètres qui permettent de créer des boucles à la volée : ce type de fonction est parfaitement adaptée à des boutons physiques; après avoir créé un point d'entrée en appuyant sur le potard, on peut allonger ou raccourcir la boucle simplement en tournant le bouton.
On pourra regretter d'être assez limité en matière de gestion des samples; il faudra s'arranger avec les six boutons (trois pour chaque morceau) qui permettent de lancer des bruits pré-enregistrés (ou à enregistrer depuis le micro de la tablette). Le logiciel n'embarque pas de séquenceur avec lequel on organiserait les échantillons sur une grille virtuelle. L'application permet par contre d'enregistrer ses performances et de lancer un Auto-Mix, qui lit une sélection de morceaux tirés d'une liste de lecture ou de la bibliothèque iTunes, offrant ainsi un moment de répit au DJ.
Doin'it right
Les 300 euros, c'est là que le bât blesse pour la DJControlWave, dont le prix public est deux fois plus élevé que l'entrée de gamme DJControl Instinct. Celle-ci est certainement plus rustre au niveau de ses finitions, mais tout de même, cela fait une belle différence de 150 euros que l'on peine à justifier.
La présence de la batterie explique en partie le coût du contrôleur, et l'argument selon lequel on peut emporter partout avec soi le contrôleur est séduisante. On pourra rétorquer qu'un DJ, même amateur, se trouve le plus souvent à côté d'une paire d'enceintes qui tirent généralement leur jus d'une prise de courant placée à proximité : il ne coûte pas plus cher d'y connecter aussi une table de mixage. Néanmoins, la liberté de mouvement offerte par la batterie est appréciable. Pour chipoter, on regrettera qu'Hercules n'ait pas glissé d'étui de transport…
Il reste possible de se contenter des haut-parleurs de la tablette, mais si ceux de l'iPad Air 2 sont les plus puissants jamais produits par Apple (ils vibrent, c'est dire), ils ne sauraient sonoriser au delà d'une petite pièce. Ce n'est pas forcément le plus gênant, ce contrôleur se destinant aux soirées en comité relativement restreint.
La DJControlWave n'est pas un mauvais contrôleur en soi. Son design n'est pas désagréable et les prestations qu'il apporte peuvent intéresser le plus grand nombre, ceux qui veulent mettre le pied (ou les mains) dans la porte du monde merveilleux du DJing. La finition aurait pu être de meilleure qualité (en particulier au niveau de la coque inférieure), mais le plus embêtant est qu'il est impossible de mixer avec d'autres applications que celle développée par le fabricant. Tout cela est un peu cher payé pour un produit à 299 euros.
Si l'on cherche un contrôleur polyvalent et adapté aux amateurs éclairés, on pourra s'intéresser à l'Universal DJ du même constructeur, qui pour 199 euros, en offre bien plus (tout en conservant la connexion Bluetooth à l'iPad).