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Test de la OUYA, la console de salon à 99 $

Stéphane Moussie

jeudi 11 juillet 2013 à 11:41 • 11

Matériel

La promesse de la OUYA était belle : réinventer la console de salon, en en faisant une plateforme ouverte, abordable et financée par ses utilisateurs. Deuxième plus gros succès de Kickstarter avec 8,6 millions de dollars récoltés, la OUYA a amassé neuf fois plus d'argent que son objectif initial. Fort de cette première réussite, la console basée sur Android est devenue une réalité moins d'un an après la fin du projet Kickstarter. Disponible évidemment sur Internet, là où elle est née, elle est aussi disponible dans des magasins d'électroniques aux États-Unis à 99 $. Un tarif qui la fait jouer dans une autre division que les nouvelles consoles de Nintendo, Sony et Microsoft — la Wii U coûte environ 300 €, tandis que la PS4 et la Xbox One seront vendues respectivement 100 et 200 € plus chers. En revanche, on trouve aujourd'hui la Wii avec un jeu à 100 €. Que valent la OUYA et sa ludothèque ? Parvient-elle à se démarquer des consoles traditionnelles ? Au final, a-t-elle sa place dans le salon ? Réponses dans notre test.

Une console compacte

Comme nous l'avons noté dans notre aperçu, la boîte de la OUYA renferme l'essentiel : la console, une manette et ses deux piles AA, l'adaptateur secteur, un câble HDMI et un manuel d'installation. La OUYA est bien plus compacte que les autres consoles de salon, un avantage pour la transporter chez un ami par exemple. Les quatre faces latérales du cube sont faites de plastique gris mat, tandis que la base et le dessus utilisent du plastique noir brillant. Ce dernier retient facilement les traces de doigts et la poussière. Son design s'accorde bien avec la plupart des équipements de salon. À côté d'un téléviseur ou d'un Apple TV, la OUYA ne détonne pas. Globalement, sa fabrication est correcte, même si le niveau de finition n'égale pas l'Apple TV, plus dense et au plastique de meilleure qualité. Sur le dessus de la console est situé le bouton d'allumage, très discret, ainsi que quatre vis apparentes. Elles servent à accéder aux composants. La promesse d'une console facilement démontable est tenue : une fois les vis standards enlevées, on accède directement à la carte mère. En cas de panne du ventilateur par exemple, on peut le remplacer très aisément. iFixit a d'ailleurs attribué à la console la note de réparabilité de 9/10.
Photo iFixit
Les composants internes de la OUYA sont ceux que l'on retrouve dans de nombreux smartphones — à l'exception du port Ethernet et du ventilateur. Son SoC est un Nvidia Tegra 3, qui équipe entre autres la Nexus 7 et la Surface. Elle dispose aussi d'1 Go de RAM, de 8 Go de stockage (5,4 Go utilisables), d'un port USB 2.0, un port micro USB, une sortie HDMI, du Wi-Fi b/g/n et du Bluetooth LE 4.0.

Une manette décevante

Notre première impression sur la manette n'était pas excellente, et les nombreuses heures de jeu qui ont suivi n'ont fait que confirmer ce jugement. Elle est beaucoup moins confortable qu'une Dual Shock ou qu'un contrôleur de Xbox 360. Par rapport à ces manettes, le contrôleur de la OUYA épouse moins la forme de la main et les gâchettes tombent moins bien sous les doigts. De plus, les joysticks sont vraiment moins précis et, sur notre modèle, celui de gauche grince. Les quatre boutons multicolores — baptisés O, U, Y et A — peuvent rester enfoncés à cause du jeu trop important avec la façade de la manette. Cela ne nous est arrivé qu'une poignée de fois, lors des utilisations les plus intenses, mais c'est toujours trop pour une manette livrée par défaut et vendue 50 $ l'unité.
Quand un bouton reste enfoncé...
En outre, la manette fonctionne avec des piles, qu'il faut placer dans la partie avant en retirant les façades grises. Le poids de la manette n'est donc pas uniforme et se concentre vers le bas, ce qui est moins confortable au bout de plusieurs heures de jeu qu'une manette équilibrée. Le fabricant n'a pas communiqué sur l'autonomie, mais on peut espérer avec le Bluetooth 4.0 que les piles tiendront plusieurs dizaines d'heures. On aurait néanmoins préféré une batterie rechargeable, même ce choix a sans aucun doute été guidé par un souci d'économie.
La manette de la Xbox 360 épouse mieux la forme de la main
La partie centrale noire de la manette est tactile. Une idée a priori pas mauvaise, Sony va faire de même avec la DualShock 4, mais peu utile dans la pratique. On navigue plus rapidement dans les menus avec la croix directionnelle et le système est de toute façon peu précis.

Une console dans les nuages

L'installation de la OUYA est simple et nécessite une quinzaine de minutes. Mais attention, elle requiert deux éléments que les consoles de salon classiques ne demandent pas au premier démarrage, voire même pas du tout : une connexion Internet et une carte bancaire (ou une carte prépayée). Sans ces deux ingrédients, impossible d'arriver sur l'écran d'accueil du système. Ces exigences s'expliquent par le fait qu'il n'y a pas de support physique pris en charge par la OUYA, les jeux sont uniquement dématérialisés, et donc à télécharger. Une situation à prendre en compte si vous n'avez pas de bonne connexion Internet. Dans ce cas-là, il faudra se montrer patient ou lancer les téléchargements de gros jeux à l'avance. À noter que la connexion Internet est obligatoire pour certains jeux, même si l'on veut jouer au mode solo.
La section Discover qui liste les jeux
Au premier abord, rien n'indique que le système de la OUYA est basé sur Android. Mais en allant fouiller dans les options, on tombe sur l'interface classique du système de Google. Des boîtes de dialogues signalant des problèmes qui apparaissent de temps à autre ont aussi le look d'Android. Mis à part ces réminiscences, l'interface est dans les tons orange-violet, à l'instar d'Ubuntu. Le système est entièrement en anglais. Ceux qui ne maîtrisent pas la langue de Shakespeare pourront tout de même s'en sortir dans les menus, assez simples, mais ce sera une autre paire de manches dans certains jeux, là aussi exclusivement en anglais. Le contenu est organisé en quatre sections : - Play : pour lancer les jeux et les applications installés ; - Discover : c'est le catalogue de jeux disponibles ; - Make : pour développer ses propres jeux. On y trouve aussi le médiocre navigateur web ; - Manage : les réglages de la console.

Un modèle de distribution en question

Le modèle de distribution des jeux de la OUYA est assez intéressant, mais pas exempt de défaut. Sur Xbox, Microsoft réserve les versions d'essais aux jeux Xbox Live Arcade et certains autres jeux ont droit à une démo, mais pas tous. Sur la OUYA, tous les jeux sans exception peuvent être essayés gratuitement. Le développeur fixe la limite de la version d'essai comme il l'entend. Généralement, on peut jouer à un ou deux niveaux puis on nous propose de passer à la caisse pour débloquer le reste. On trouve aussi des limites de temps : on a par exemple 15 minutes pour essayer le jeu, et au-delà, il faut payer. Ce système permet donc d'éviter les « mauvais achats », mais malheureusement, rien n'indique sur la fiche du jeu combien il coûte, ni même s'il est gratuit — une minorité de jeux sont en effet gratuits. C'est une fois qu'on a téléchargé et lancé le jeu que l'on découvre s'il est payant et combien il coûte. Autre désagrément, mais cette fois du côté des développeurs : le taux de transformation de téléchargements en achats. Bomball, un jeu de sport abstrait disponible pour le moment seulement sur OUYA, a été téléchargé 8 000 fois une semaine après le lancement officiel de la console, mais n'a été acheté que 46 fois. La version d'essai permettait de faire 10 parties en multijoueur et autant de parties que l'on veut en solo avec les niveaux de difficulté facile et normal. Le développeur de Bomball a depuis réservé le niveau de difficulté normal à ceux qui ont payé le jeu et a baissé son prix (2,99 $ a lieu de 4,99). Pour le développeur, il y un équilibre (pas facile) à trouver entre donner assez de son jeu au joueur pour qu'il y prenne goût et ne pas en donner en trop pour qu'il se ne contente pas de la démo. Il faudra observer dans les prochaines semaines si Bomball est un cas isolé ou si, au contraire, c'est généralisé.

Des jeux pas à la hauteur

Avec plus d'une centaine de jeux, la OUYA peut se targuer d'avoir un line up très largement supérieur aux consoles traditionnelles. Malheureusement, cette supériorité est seulement quantitative, et pas qualitative. Les jeux sont classés par listes : exclusifs à la OUYA, sélection par thème, par genre... Un moteur de recherche est présent si on cherche un jeu en particulier. On navigue un peu au hasard dans les listes à la recherche d'un titre connu. On finit par trouver quelques noms évocateurs : Cannabalt HD, Final Fantasy III, ShadowGun, Pix'n Love Rush. À part Square Enix qui a porté Final Fantasy III — il l'avait déjà fait sur Nintendo DS —, les jeux sont exclusivement issus de développeurs indépendants. Les gros studios (Activision, EA, Ubisoft...) n'ont pas manifesté leur intérêt pour cette console à l'heure actuelle. On trouve donc des jeux indépendants, la grande majorité étant des portages. Le TPS ShadowGun, déjà disponible sur iOS, est un des titres les plus réussis graphiquement. Le jeu est fluide et plutôt joli à regarder sur grand écran. Malheureusement, l'imprécision des sticks gâche l'expérience de jeu. Et ceux qui ont déjà joué à Gears of War n'y verront qu'un ersatz. À noter que même quand elle fait tourner ce genre de jeux gourmands, la OUYA reste discrète. Le ventilateur se met parfois à tourner et son bruit est perceptible si on tend l'oreille, mais il se fait totalement oublier quand on joue.
ShadowGun
Nous avons testé tous les jeux que la OUYA met en avant dans sa liste « VIP Room : only on OUYA », autrement dit ses exclusivités. Les exclusivités pour les consoles sont le nerf de la guerre. Ce sont elles qui différencient le plus fortement une console d'une autre. Sur ce point, la console Android déçoit. Sur la dizaine d'exclusivités testée, seulement la moitié est digne d'intérêt. Des jeux desservent même la OUYA tant ils sont médiocres. The Amazing Frog, censé être un jeu à bac sable, est hideux, de mauvais goût (la grenouille pète quand on la relève) et sa maniabilité est lamentable. No Brakes Valet, où l'on doit garer des voitures sur un parking, est tout aussi irritant et incontrôlable. Monocle Man, de la plateforme, pâtit de graphismes d'un autre âge et d'une caméra manuelle qui rend impossible de progresser normalement dans les niveaux. Gratuits, ces trois jeux, qui ont tout de versions alpha, ne servent à rien d'autre que de faire gonfler le line up. Heureusement, d'autres créations viennent rattraper le tableau. Polarity, très largement inspiré par Portal, devrait satisfaire les amateurs de plateforme réflexion. Red, où l'on affronte des vagues d'ennemis dans des arènes, est sympathique — ceux qui ont bouclé la bêta de Voxatron peuvent se jeter dessus. ChronoBlade est un jeu d'action pêchu, qui souffre malheureusement de baisses de framerate importantes et qui est aussi jouable sur Facebook. A bit of a fist of awesome, un Street of Rage avec un bûcheron en pixel art, est fun mais ce n'est qu'un aperçu du jeu qui sortira bientôt sur PC, Mac, iOS et Android. Des jeux présentés comme des exclusivités ne le sont en fait pas vraiment. Le moteur Unity est assez utilisé par les développeurs, et étant multiplateforme, il permet de porter sans trop de difficulté un jeu sur d'autres systèmes. Dès lors, à l'instar du studio derrière A bit of a fist of awesome, un développeur a peu de raison de réserver son jeu à la seule OUYA quand il peut toucher potentiellement des millions de joueurs sur Android et iOS. Ce qui signifie que l'inverse est aussi possible : un jeu développé avec Unity sur iOS pourra être porté sur OUYA — c'est déjà le cas pour une partie du catalogue. Mais est-ce une opération rentable pour le développeur et pour le joueur ? Concernant le développeur, il est trop tôt pour se prononcer. Il faudra voir les ventes de la console au cours des prochains mois. Pour le joueur, l'intérêt est limité, d'une part parce qu'il y a peut-être déjà joué sur iPhone et iPad, et d'autre part parce que la manette — surtout celle de la OUYA — ne sera pas forcément le périphérique le plus approprié. Pour l'heure, la console à 99 $ ne dispose pas du jeu incontournable qui rendrait son achat indispensable à n'importe quel gamer. Il lui manque encore son Zelda ou son Halo.

Une console, mais pas que

Si la OUYA est avant tout une console de jeu, elle peut aussi en faire plus. On trouve par exemple une application Plex qui permet de la transformer en un media center. Avec un compte myPlex, on accède à ses contenus à distance très facilement. L'application est très stable, complète et la OUYA n'a jamais bronché pour lire des vidéos en 1080p. De nombreuses nouveautés sont prévues pour les mois à venir : XMBC, VEVO, streaming audio et vidéo, communautés, recommandations... Les plus impatients pourront bidouiller eux-mêmes des fonctions — le compte développeur est gratuit. Il est par exemple possible de jouer à certains jeux avec la manette de la Xbox, mais la prise en charge est encore très incomplète. Sur ces fonctionnalités annexes, on sent que le potentiel est là, mais qu'on en est encore au stade des balbutiements. Si la OUYA parvient à fédérer une large communauté de développeurs, comme a su le faire le Raspberry Pi, on peut s'attendre à une évolution intéressante de la console comme media center.

OUYA, une console en devenir ?

Si vous cherchez une console de jeu aujourd'hui, n'achetez pas la OUYA. Les jeux disponibles à l'heure actuelle ne valent pas un investissement de 100 €. Ceux-ci sont soit disponibles sur d'autres plateformes, soit vraiment dispensables. Autour de 100 €, on trouve maintenant une Wii et un jeu. Le catalogue de jeux de la Wii est incomparable à celui de la OUYA. Si vous êtes plutôt attiré par les jeux indépendants, Steam est votre meilleur ami. Là encore, son catalogue de jeux est exceptionnel, même sur Mac. Branchez votre ordinateur à votre téléviseur, emparez-vous d'une manette, et lancez le mode Big Picture de Steam pour être comme sur une console de salon. Si c'est le côté bidouillable de la OUYA qui vous intéresse, un Raspberry Pi coûte deux fois moins cher et les émulateurs sont légions. La OUYA propose incontestablement des choses nouvelles — compacité, ouverture, mode de distribution —, mais elle pêche là où on l'attend le plus. Sa manette n'est pas la hauteur de ses ambitions et les jeux sont au mieux sympathiques, au pire insignifiants. Il ne faut toutefois pas l'enterrer trop tôt. Si elle arrive à rassembler une large communauté de développeurs grâce à son ouverture, on peut espérer une belle évolution dans les prochains mois. Mais pour l'heure, c'est encore insuffisant. À l'exception de la troisième image, photos MacGeneration CC BY-NC

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