Il ne s'appelle pas « iPad 3 », mais simplement « iPad » : avec cette troisième génération, Apple entend redéfinir la catégorie qu'elle a créée avec l'iPad original. « Nous avons apporté des améliorations aux aspects les plus fondamentaux de l'iPad tout en gardant tout ce que les gens ont aimé des premiers iPad », explique la firme de Cupertino. Puisque l'iPad est un grand écran flanqué d'une grosse batterie, ce sont les points qui ont été drastiquement améliorés, tout en conservant les forces (et les faiblesses) d'iOS. Est-ce suffisant pour redéfinir le concept de l'iPad ? La réponse dans notre test.
Design : le jeu des sept erreurs
Force est de constater que les changements cosmétiques sont mineurs, pour ne pas dire inexistants. C'est peut-être parce qu'ils sont inutiles : le format 4:3 de l'écran est idéal pour la consultation de médias, sa bordure est suffisamment épaisse pour y poser les doigts, mais suffisamment fine pour se faire oublier, les boutons sont placés presque naturellement là où il faut. Ainsi, les défauts presque caractéristiques de l'iPad subsistent : la prise casque devrait être placée en bas de l'appareil dans son orientation canonique, à la place du haut-parleur qui n'a rien à faire dans le creux de la main où il se trouve parfois étouffé. Au moins, ce haut-parleur mono est-il désormais plus clair et mieux défini, même s'il reste de piètre qualité.
Aujourd'hui comme hier, la façade de l'iPad est donc un rectangle de 24,12 x 18,57 cm aux coins arrondis, composée d'un écran entouré d'une bordure noire ou blanche, surmontée par une webcam et soulignée par un bouton d'accueil. Comme c'est parfois le cas avec les produits Apple, l'iPad ne s'est pas affiné d'une génération à l'autre : au contraire, il a épaissi de 0,6 mm. Cette augmentation n'est pas régulière, les bords étant plus biseautés que sur l'iPad 2. Cette nouvelle forme est plus facile à tenir en main, l'augmentation de l'épaisseur étant à la fois négligeable (on ne la perçoit pas au premier abord) et indispensable (elle participe à un confort qui n'était pas toujours présent avec l'iPad 2). Mais ici, la forme suggère la fonction.
Apple a en effet doté le nouvel iPad d'une batterie 42 Wh / 11666 mAh d'une capacité et d'un volume 70 % supérieur à la batterie 25 Wh / 6944 mAh de l'iPad 2. Plus que jamais donc, l'iPad est un grand écran à grosse batterie, avec une conséquence importante : le poids augmente de 51 grammes à 652 grammes. La différence est sensible, et l'iPad reste une tablette lourde et difficile à tenir à une main, et même à deux, pour des périodes prolongées. Profil plus agréable, mais poids plus lourd, l'évolution est allée dans les deux sens et la prise en mains de l'iPad n'est toujours pas aussi naturelle qu'elle devrait l'être. Smart Cover repliée, genoux contorsionnés, table à portée, etc., les solutions pour pallier ce problème vont subsister.
Écran d'un côté, dos en aluminium de l'autre, batterie entre les deux, et des couches de colle pour tenir tout ça : le démontage effectué par
iFixit montre que l'iPad est un produit fermé et jetable. Apple vante sa construction « verre et aluminium » recyclable, mais ces deux matériaux sont assemblés de telle sorte que leur valorisation est fortement compliquée. On comprend les impératifs industriels qui dictent les choix d'Apple, mais le double langage que tient la firme de Cupertino sur ce sujet est toujours aussi intolérable. D'autant que l'iPad original était relativement facile à ouvrir, désassembler, et donc recycler. C'est le versant négatif de ce petit bijou qu'est l'iPad de troisième génération : la
conception souffre du
design.
Retina Display : une feuille de papier illuminée
Il est néanmoins bien difficile de bouder son plaisir : au premier démarrage, le seul mot qui vient est «
waou ! ». L'effet de l'écran Retina est aujourd'hui moins impressionnant qu'il ne l'était
il y a deux ans lorsqu'on le découvrit sur l'iPhone, mais il n'en demeure pas moins toujours aussi étonnant, surtout sur un écran 9,7" : l'écran de l'iPad est comme une feuille de papier électronique rétroéclairée. Cette sensation est procurée par la définition de 264 pixels par pouce : à bout de bras, les 3,1 millions de pixels de cet écran sont invisibles. Mais ce n'est toujours pas une feuille aussi confortable que celle de "papier" eInk des liseuses : l'écran Retina est rétroéclairé par 72 diodes LED.
L'écran du nouvel iPad offre de belles couleurs, 44 % plus saturées que celle de l'iPad 2 sans pour autant être aussi caricaturales que celles de la plupart des écrans OLED. Elles sont sans aucun doute flatteuses et adaptées au profil grand public de l'iPad, même si l'on regrettera que les noirs ne soient pas très profonds. Les angles de vision, 178° dans toutes les directions, sont tout simplement excellents. Dans des conditions optimales donc, cet écran est tout simplement le meilleur écran qu'il nous ait été donné de regarder. Le problème est d'obtenir ces conditions optimales.
Pour le moment en effet, l'écran Retina de l'iPad sert moins à admirer les rares applications optimisées qu'à se plaindre des défauts des apps actuelles, et la plupart des sites Web. Côté applications, le problème se résoudra assez facilement, comme du temps de l'iPhone 4, par une mise à jour effectuée par le développeur. Apple a aussi le bon goût de désormais afficher la version Retina des éventuelles applications iPhone que vous utiliserez sur votre iPad. On déplorera néanmoins que l'App Store ne soit toujours pas plus intelligent et soit incapable de fournir aux différents appareils iOS une version optimisée de l'application qu'ils demandent : un iPhone 3GS sous iOS 5.1 téléchargeant une application universelle va télécharger des ressources iPhone Retina qui ne lui sont pas très utiles, mais également les plus inutiles et plus lourdes encore ressources pour l'iPad Retina…
Si le problème des applications va se résorber, celui du web risque d'être une autre paire de manches : vous remarquerez assez vite, en naviguant, que les ressources graphiques des sites que vous visitez sont peu définies, voire floues. C'est la qualité de l'écran Retina qui fait d'autant plus ressortir leur compression. Les vidéos YouTube, même en HD 720p, souffrent du même problème : sur l'iPad de troisième génération, elles apparaissent moins définies. De nombreux sites ayant leur propre application, le problème peut être ignoré, d'autant qu'il est plus difficilement remarquable à bout de bras que de près. Mais il est néanmoins réel, et ne sera pas résolu en deux temps trois mouvements. C'est dommage, car cet écran Retina est tout simplement splendide et mérite des contenus à sa hauteur.
Un sac à dos de batteries
Splendide, mais glouton : avec 3,1 millions de pixels et 72 diodes de rétroéclairage, l'écran Retina est le principal poids sur la batterie, sans même parler de la puce 4G aux États-Unis. C'est la principale explication derrière le choix d'Apple d'épaissir l'iPad pour y caser une batterie 42 Wh / 11666 mAh mesurant 125 x 65 x 4 mm soit 32,5 cm
3. En comparaison, la batterie de l'iPad 2 fait figure de maigrelette avec sa capacité de 25 Wh / 6944 mAh pour 108 x 63 x 2,7 mm soit 18,37cm
3. Et force est de constater que ces quelques dixièmes de millimètres sont utiles : non content d'améliorer la prise en mains, ils augmentent sensiblement l'autonomie du nouvel iPad.
La batterie de l'iPad de troisième génération. Image (cc) iFixit.
Dans notre test de lecture en boucle de vidéos avec le son et la luminosité réglés à 50 %, le Wi-Fi actif avec la relève des mails toutes les 15 minutes, l'iPad de troisième génération a tenu 13h15, un record. En usage courant, il a fallu forcer (lecture et rédaction de longs textes, lecture d'un film HD et de plusieurs vidéos YouTube, plusieurs séances de jeu) pour mettre en danger la batterie en moins d'un week-end.
Apple livrant avec le nouvel iPad le même adaptateur secteur 10W qu'avec les précédents modèles, la durée de recharge augmente mécaniquement. Alors qu'il fallait environ 4h00 pour recharger un iPad sur le secteur, il faut désormais 7h30. Et encore, ce chiffre ne peut être atteint que si vous n'utilisez pas l'iPad pendant ce temps — on a vu, au cours d'un jeu, la batterie continuer à se vider alors que l'iPad était branché. Imaginez maintenant recharger l'iPad avec un ordinateur, voire, encore pire, avec un ordinateur incapable de fournir 10W constamment… vous n'y passerez pas seulement la nuit, mais aussi la journée qui suivra. C'est justement le cas que l'on a rencontré en rechargeant l'iPad - complètement vide - avec le bloc secteur d'un iPhone 4S : il lui a fallu pas moins de 13h. Tout le long, la tablette est restée inutilisée, mais en veille avec la relève automatique de courriers réglée sur 15 minutes.
La chose peut paraître anecdotique, mais se révèlera problématique au quotidien : votre iPad est presque déchargé et vous n'avez qu'une heure devant vous ? Du temps de l'iPad 2, l'adaptateur secteur permettait de partir avec environ 25 à 30 % de capacité, de quoi tenir quelques heures. Aujourd'hui, il permettra de partir avec 10 % tout au plus, un peu plus d'une heure. Les baroudeurs apprendront à paradoxalement détester la batterie du nouvel iPad, qui les forcera à s'encombrer de câbles, blocs secteur et allume-cigare, prises internationales et on en passe.
A5X : un A5 avec une grosse puce graphique
Beaucoup attendaient un A6 dans l'iPad « 3 », Apple l'a finalement doté d'un A5X —
une puce de transition certes, mais qui ne démérite pas pour autant. Produit par Samsung et gravé en 45 nm, l'Apple A5X est un SoC 30 % plus grand que l'A5, et pour cause : s'il embarque le même processeur double-cœur 1 GHz, il possède deux fois plus de cœurs graphiques et deux fois plus de mémoire RAM que son prédécesseur. Le nouvel iPad utilise ainsi la même puce graphique que la PS Vita, l'Imagination PowerVR SGX543MP4 à quatre cœurs, et 1 Go de RAM.
Qui dit même processeur dit même performances brutes. Le test JavaScript
SunSpider, le test HTML5
PeeceKeeper et l'outil de bench
Geekbench, trois tests capables d'évaluer convenablement le processeur, permettent de parvenir à la conclusion somme toute très logique d'un surplace dans ce domaine.
SunSpider : les barres les plus courtes indiquent les meilleures performances. PeeceKeeper et GeekBench : les barres les plus longues indiquent les meilleures performances.
En matière de performances graphiques, les choses sont tout autres. Le test Pro Off Screen de
GLBenchmark 2.1 permet de calculer la fluidité du rendu d'une scène 1280x720 pixels, et donc de directement comparer les éléments graphiques de différents appareils. Le verdict est sans appel : le nouvel iPad affiche presque deux fois plus d'images par seconde que l'iPad 2, et est quinze fois plus performant que l'iPad original !
Le test Egypt Off Screen, assez comparable, permet quant à lui de comparer iPad et appareil Tegra 3, comme le suggère d'ailleurs Apple. L'Asus Eee Pad Transformer Prime, doté de ce SoC Nvidia et de ses douze cœurs graphiques, y affiche 60 à 65 images par seconde. L'iPad « 3 », doté de quatre cœurs graphiques, affiche… 140 images par seconde. Les dires d'Apple sont confirmés : l'A5X est très au-dessus du Tegra 3 — il faut dire que l'A5 lui-même était 25 % plus performant.
Ces mesures ne veulent cependant rien dire si on ne comprend pas comment elles se traduisent dans la réalité. L'absence d'améliorations du processeur veut dire que des applications comme GarageBand ou iMovie ne sont pas beaucoup plus rapides, notamment lors de l'exportation des projets. L'amélioration drastique des performances graphiques a néanmoins un impact direct sur les tâches quotidiennes, et pas seulement dans les jeux : le zoom, les défilements, les rendus des pages, sont plus rapides, plus fluides, plus précis. Tout semble plus réactif : le choix d'Apple semble être le bon pour la plupart des usages. Le doublement de la dotation en mémoire vive participe de ce confort d'utilisation accru : le système est moins prompt à quitter les applications en arrière-plan, qui reprennent donc plus vite fonction, et semblent moins étranglées.
Sur le papier, l'A5X n'impressionnera donc pas certains geeks adeptes des benchs en tout genre, mais qu'importe : en pratique, il fluidifie grandement l'ensemble des opérations, et c'est ce qui compte le plus. On a connu des « puces de transition » moins impressionnantes.
L'A5X n'est pas équipé d'un dissipateur thermique pour rien (le capot sérigraphié en haut) : il chauffe. Image (cc) iFixit.
Ces performances ont néanmoins un coût : l'A5X a tendance à chauffer lorsqu'il est fortement sollicité. Lors d'un usage normal, le SoC du nouvel iPad s'est fait discret, y compris lors de la lecture de vidéos 720p et 1080p. Lors d'une utilisation plus intensive cependant, il se manifeste rapidement : après quelques minutes de jeu, on remarque que le dos est tiède à l'emplacement de la puce. Tiède, et jamais chaud — même en le poussant dans ses derniers retranchements, l'A5X ne gêne jamais véritablement.
Pour finir cette revue des composants, on notera que les connexions réseau de l'iPad de troisième génération sont fournies par une puce Broadcom BCM4330 qui lui apporte la compatibilité Bluetooth 4.0, en plus du Wi-Fi 802.11 a/b/g/n.
Un capteur d'iPhone 4 avec les améliorations de l'iPhone 4S
L'écran, la batterie et la puce graphique ne sont pas les seuls éléments qui ont été revus dans le nouvel iPad : le capteur photo aussi. Certains considèrent cette fonction comme accessoire sur une tablette : c'est oublier que le meilleur appareil photo est celui que l'on a sur soi, et que parfois, c'est celui de l'iPad. La prise de clichés peut aussi servir pour l'insertion dans des notes ou à des fins de référence. Toute amélioration est donc bienvenue, d'autant que celui de l'iPad 2 n'est pas particulièrement resté dans les mémoires.
Apple désigne désormais le capteur arrière de ses appareils sous le nom d'iSight, l'ancien nom des webcams des Mac. Celui du nouvel iPad est pourtant loin de faire de la figuration : il s'agit du même capteur Omnivision OV5650 CMOS rétroéclairé de 5 MP que celui que l'on pouvait trouver dans l'iPhone 4. Il dispose néanmoins de la même optique cinq éléments f/2.4 que l'iPhone 4S, et des mêmes avancées en matière de traitement. Le résultat est à la hauteur : l'iPhone 4S est incomparablement supérieur, mais l'iPad « 3 » fait jeu égal avec l'iPhone 4, en clouant sur place l'iPad 2.
iPad 2 : 960x720. Une bouillie de pixels que l'on ne regrettera pas (cliquez pour agrandir)
iPhone 4 : 2592x1936. Sur cette scène assez contrastée, l'iPhone a quelques problèmes d'exposition et crame complètement les hautes lumières (cliquez pour agrandir).