Palm est un paradoxe : malgré une communauté utilisateur forte et un excellent OS mobile, la société s'est empêtrée dans une campagne publicitaire ratée qui ne lui a rien valu d'autre que d'être achetée par HP.
Le numéro 1 mondial de l'informatique personnelle a fait une affaire : Palm, son catalogue de 850 brevets dont certains très importants, et web OS, un OS très prometteur, ne lui ont coûté que 815 millions d'euros. Quelques mois après une réorganisation sévère des équipes de Palm, devenue une unité opérationnelle au sein de HP sort webOS 2.0, officiellement rebaptisé HP webOS. Est-il au niveau d'iOS 4 ou d'Android 2.2 ?
Pour un aperçu de webOS, voir notre test du Palm Pixi Plus : nous n'aborderons ici que les nouveautés de webOS 2.0
Cartes sur table
La force de webOS est qu'il a été conçu autour du multitâche : chaque tâche est une carte, et on peut faire défiler les différentes cartes du bout du doigt. Le système n'est pas particulièrement éloigné de celui de Mac OS ou de Windows, où les fenêtres flottent au-dessus d'un bureau. Cette implémentation a de nombreux avantages : on voit d'un coup d'œil le contenu de l'application, on passe d'une application à l'autre en un geste (et non avec une double pression et la sélection d'une application), et on ferme une application en éjectant la carte du jeu. webOS 2.0 ajoute une nouvelle fonction à son système : les piles, on aurait dû y penser.
Si l'on effectue une recherche sur Internet et que l'on ouvre deux ou trois cartes pour ce faire, on se retrouve avec trois cartes pour une même tâche. Le système de piles propose de les regrouper, puisqu'elles appartiennent à un même contexte.
webOS tente de le faire automatiquement : si vous ouvrez un lien à partir d'un courriel, la carte « Navigateur » sera empilée avec la carte « Courriel ». On peut aussi le faire manuellement : il suffit de prendre une carte et de la glisser sur une autre pour créer une pile, à la manière du nouveau mode Exposé de Mission Control dans le futur Mac OS X Lion. On peut déplier une pile pour aller chercher une carte qui serait à l'arrière-plan, réorganiser l'ordre, ou simplement fermer une application en éjectant la carte de la pile.
Dans la pratique, le système de piles interfère un peu avec la manipulation des cartes, tout comme le système de dossiers interfère avec le déplacement simple d'applications dans iOS : un délai un peu plus long pour son activation aurait été plus pratique. La création automatique de piles est un mécanisme bien pensé : on ouvre un lien dans un courriel, dans le client Twitter ou Facebook, et on se retrouve avec une pile représentant une session de « travail ».
On peut donc se créer de petits amas de cartes en mélangeant le système automatique et le placement manuel de cartes dans une pile, ici une session de surf (cartes navigateurs et réseaux sociaux), là la planification d'un rendez-vous (une carte agenda, une carte SMS, une carte Maps), ailleurs encore le regroupement du courriel, de l'agenda et des contacts d'une boîte Exchange. On se dit seulement que le système aurait pu être un peu plus poussé, un peu plus intelligent, un peu plus automatisé.
Just Type
webOS a toujours possédé un système de recherche universelle, amélioré dans cette nouvelle version. Il s'appelle désormais « Just Type », traduit en « Tapez maintenant » : il suffit en effet de taper pour débuter une recherche. Elle permet de rapidement lancer une recherche Google, proposant même les résultats Google Suggest (ou Wikipedia, IMDb, YouTube, Amazon, Google Maps, Twitter et l'App Catalog), et recherche évidemment en local dans les contacts, les calendriers, les courriels, les signets, et les applications.
Plus fort : lorsque l'on visite des sites possédant un champ de recherche, Just Type tente de reconnaître la méthode utilisée et l'ajoute comme moteur de recherche. Nous n'avons eu aucun problème à ajouter le moteur de recherche de MacGeneration, mais celui d'iGeneration n'a jamais été détecté. On peut heureusement trier et supprimer des moteurs de recherche à la volée.
Mais Just Type ne s'arrête pas là : il contient aussi une section « Actions rapides », qui permet de créer une tâche, un courriel ou un SMS à partir du texte qui a été tapé.
Palm a prévu d'autres actions rapides, et les développeurs peuvent eux même brancher leurs applications sur le système à partir d'une API. Après quelques heures d'utilisation, ce système devient central : il permet de créer du contenu sans avoir à ouvrir une application (et donc à parfois naviguer pour la trouver), et est particulièrement pratique.
Apple n'ayant aucune honte à répondre à Palm en intégrant Spotlight, on en vient à espérer qu'iOS intègre un jour un tel système, qui serait une nouvelle porte d'entrée pour le multitâche.
Aller au plus court
Les fonctions textuelles de webOS en général ont d'ailleurs été reprises dans le but d'augmenter la productivité et faciliter l'utilisation : il n'est pas toujours agréable de taper un long texte sur un smartphone. Palm a donc intégré un système qui rappelle TextExpander ou le système de raccourcis de BlackBerry OS.
Il permet de programmer des extraits de texte qui une fois tapés, vont convoquer un texte plus long : dit plus simplement, taper « zzz » permettra d'insérer sa signature avec les formules de politesse habituelles, taper « mg » permet d'insérer « MacGeneration », etc. Ce système qui n'est certes pas nouveau va de pair avec une correction orthographique surpassant largement celle d'iOS, et qui permet en plus de gérer les mots appris mot par mot, de manière à corriger un mauvais comportement. Il s'agit là encore d'une fonction qui peut sembler mineure, mais qui est fort agréable au quotidien.
Plus rapide que l'éclair
Basé sur WebKit, le navigateur de webOS est plutôt performant : à réseau égal, il charge les pages un peu moins rapidement que Safari sur iOS 4.2 (la différence est de l'ordre de 10 %), mais la navigation est globalement plus fluide, le rendu du texte lors d'un zoom étant plus rapide que sur l'iPhone.
Surtout, webOS supporte Flash 10.1, interdit de cité dans les produits Apple. On peut l'utiliser de deux manières : la première consiste à toujours charger tous les contenus Flash. La navigation a alors tendance à être beaucoup plus lente, tant du point de vue des temps de chargement que dans celui du défilement, avec des artefacts graphiques assez désagréables. L'impact sur la batterie est difficile à mesurer, mais il semble réel : sur une journée de productivité, l'activation de Flash fait perdre une bonne demi-heure d'autonomie (nous l'avons testé sur 4 jours de manière assez empirique pour s'approche d'une utilisation « normale »), ce qui peut sembler peu pour l'utilisateur moyen, mais pourra être critique pour celui chez qui le téléphone est un outil professionnel.
L'autre manière d'utiliser Flash consiste à ne charger les éléments qu'à la demande. Sur une page Web, les éléments Flash seront symbolisés par une zone noire dotée d'un bouton de lecture. Il suffira de cliquer dessus pour voir la pub, la vidéo ou l'animation. Le chargement d'une page Web reste alors un peu plus lent que sans Flash (de 10 à 100 % plus lent selon le nombre d'éléments), mais l'impact sur la batterie est cette fois impossible à mesurer : on peut donc considérer qu'il est négligeable. Cette solution ressemble assez à l'utilisation de la technologie d'Adobe lorsqu'on installe Click to Flash sur son Mac : Flash est là et bien là, mais convoqué à la demande. Cette solution a l'avantage de la polyvalence et d'une certaine souplesse.
Une mise à jour majeure ?
Par bien des aspects, cette mise à jour de webOS ne mérite pas son « 2.0 » : les changements restent mineurs et effleurent à peine la surface. Palm ne s'y trompe d'ailleurs pas : officiellement, l'OS s'appelle HP webOS. Ils participent néanmoins à encore raffiner l'utilisation de webOS, qui était déjà fort agréable.
Just Type, le copier-coller et les raccourcis textuels font gagner un temps fou, tandis que le nouveau système de piles est plutôt pratique, même s'il est encore incomplet. Cette mise à jour semble destinée aux développeurs, qui peuvent venir se greffer à tous les éléments, y compris au nouvel économiseur d'écran qui permet d'afficher des informations sur l'écran du téléphone lors de l'utilisation du TouchStone, le chargeur à induction.
Les différentes APIs permettent d'enrichir le multitâche et de s'éloigner encore plus largement de la notion d'application, centrale dans iOS, au profit de la notion de tâche. Un paradigme qui nous séduit toujours autant.
Mais alors pourquoi webOS est-il si peu connu ? Le grand public est extrêmement sensible à la guerre des chiffres entre les différentes boutiques d'applications, et à ce petit jeu, Apple et Google écrasent la compétition.
L'App Catalog compte un peu moins de 5.500 applications — 50 fois moins que l'App Store. On y trouve certes les grands essentiels (les applications des opérateurs, quelques applications d'informations, les principaux réseaux sociaux, la météo et quelques utilitaires, quelques jeux), mais il manque des titres d'envergure, des jeux AAA, des applications compagnons d'applications de bureau. Les développeurs n'ont pas suivi, et ont créé un des principaux talons d'Achille de webOS — rien d'étonnant donc à ce que Palm tente de les choyer à coup de dollars et d'API, le soutien industriel de HP pouvant rassurer la communauté.
L'autre talon d'Achille de webOS, c'est, paradoxalement, les téléphones sur lesquels il tourne. Le Palm Pixi, malgré quelques défauts, nous avait laissé sur une bonne impression, alors que le premier Palm Pre ne nous avait pas laissé un souvenir impérissable. Ils auront l'un comme l'autre la possibilité de passer à webOS 2.0 d'ici la fin de l'année (lire : Le Pixi et le Pre auront le droit à webOS 2.0).
Le Palm Pre 2 nous apparaît clairement comme une plateforme de développement pour webOS 2.0, un produit qui n'a été proposé que sur le marché fort pour Palm qu'est la France comme un pis-aller en attendant 2011 et de nouveaux modèles. Il n'est qu'une déclinaison du Palm Pre Plus, lui-même dérivé du Palm Pre : bref, c'est un téléphone conçu en 2008 à peine remis au goût du jour.
Certes, il fait son boulot et il le fait bien : le clavier est confortable quoiqu'un peu trop enfoncé, l'écran recouvert de Gorilla Glass est réellement résistant (on a essayé la chute sur du goudron texturé et les rayures avec les clefs, rien), et le processeur à 1 GHz accompagné de 512 Mo de RAM permet à webOS de s'exprimer à son plein potentiel (c'est-à-dire extrêmement vite et avec une réactivité à toute épreuve).
Mais il a suffi d'ouvrir le téléphone pour y insérer une carte SIM pour littéralement labourer les composants internes (des parties plastiques se décollant, laissant des câbles — des câbles ! - à nu). Le mécanisme du clavier coulissant paraît peu fiable : il est certes franc et ferme, mais a tendance à claquer. Quant à l'écran, il est certes sensible (quoiqu'un peu mou dans les coins), mais sa résolution de 320x480 est d'un autre âge.
Bref, le matériel dessert le logiciel — il manque un Samsung Galaxy S ou un iPhone 4 à Palm. Jon Rubinstein a promis de nouveaux smartphones et une tablette pour l'année prochaine, la rumeur parlant de 5 à 6 modèles (lire : 5 à 6 nouveaux appareils chez Palm en 2011 ?). 2011 sera l'année ou jamais pour HP et Palm, au risque de tuer de facto un OS qui a pourtant des qualités indéniables.
MacGeneration a 25 ans !
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