Le nouvel iPod shuffle est le troisième représentant de cette gamme lancée en janvier 2005. Sa capacité a été multipliée par quatre (4 Go contre 512 Mo et 1 Go sur les premiers) et les prix divisés par deux (79 € au lieu de 109 € et 159 €). En quatre ans, sa taille a aussi fondu comme neige au soleil.
En revanche, une chose n'a pas changé : l'absence d'écran. Apple en avait un argument pour le premier modèle. Plutôt que d'utiliser un "écran minuscule et des commandes compliquées, une vraie torture pour l'utilisateur" (dixit Steve Jobs) on s'en remettait aux "délices du hasard" comme le vantait la pub, laissant le baladeur enchaîner les morceaux de façon aléatoire (shuffle en anglais).
Mais ce qui valait sur des baladeurs de relativement petites capacités le vaut-il encore aujourd'hui ? Au vu de tous les iPod shuffle colorés que l'on croise dans la rue épinglés aux vêtements, il apparaît que la formule a marché, et même mieux que bien. Mais avec ce modèle Apple pourrait avoir atteint sinon franchi les limites de son concept. Où l'on observe que le moins n'est pas toujours l'ami du mieux…
iPod shuffle 3G
Un design par la gomme
Le shuffle 3G est un pur produit de la maison Apple. À chaque fois que celle-ci reconsidère le design de l'un de ses produits, la gomme semble précéder le crayon. Déjà plutôt compact, le shuffle a encore été raboté. Son poids est passé de 15,6 grammes à 10 grammes, mais à ce niveau la différence n'est plus perceptible.
Par contre, c'est une chose d'avoir lu partout que cet iPod était minuscule, c'en est une autre lorsqu'on le tient en main, ou plutôt entre ses doigts. On plaint les utilisateurs aux grandes paluches… Même la prise minijack des écouteurs paraît anormalement grande à ses côtés ! On a vite fait d'avoir peur d'égarer ce shuffle ou de l'oublier au fond d'une poche.
Les trois générations d'iPod shuffle
La finition est léchée et le peu de métal restant est de bonne facture. Le baladeur se décline en un gris très prononcé un autre très clair, des couleurs sobres, chics, mais tristes. Les anciens modèles colorés restent néanmoins au catalogue pour qui les préfèrent, mais seulement en 1 Go et à 49 € (envolé le 2 Go).
La pince est toujours là, au revers, pour les utilisateurs qui aiment à l'épingler leur iPod sur leur blouson ou leur veste. Seule commande rescapée sur le baladeur, le petit bouton de mise en marche et de sélection du mode de lecture : séquentiel ou aléatoire. Tout le reste a été déporté et greffé sur le câble des écouteurs, sous la forme d'une étroite télécommande. Avec quelques bénéfices évidents, mais pas toujours comme on le verra.
Le bouton de choix des modes de lecture et d'extinction
Télécommande sur câble
Les bons points d'abord. Puisque les commandes de lecture et de volume sont à portée de main, on peut garder le shuffle à l'abri dans sa poche. La télécommande (mince, très mince) est dans l'esprit de celles des iPhone et des iPod touch. Deux boutons servent au réglage du volume et au centre un troisième met la lecture en pause. Cependant, ils sont capables de faire (beaucoup) plus de choses grâce à de savantes combinaisons. Amateurs de jeux de mémoire et d'adresse, bienvenue…
La télécommande sur écouteurs
Exemples : double pression rapide au centre pour passer au morceau suivant, triple pression pour retourner au morceau précédent. Jusque-là, rien que de très connu avec les iPhone/touch. C'est ensuite que ça se corse et que les propos de Steve Jobs en 2005 sur les "commandes compliquées" des concurrents prennent tout leur sel.
Maintenez la pression sur le bouton central et le baladeur énoncera à haute voix le nom du morceau en lecture, enchainez avec des pressions rapides sur le bouton de volume "+" et le baladeur débitera le nom des morceaux suivants. Si l'on maintient la pression plus longtemps encore sur le bouton central une petite tonalité retentit, le signal que va commencer l'énoncé du nom des listes de lecture enregistrées. Lorsque celle désirée arrive, il faut appuyer sur le bouton "+" de volume pour la sélectionner.
Encore un peu de souffle ? Appuyez rapidement deux fois au centre et laissez appuyer vous avancerez alors dans le morceau (ou trois fois pour un retour rapide). Même les boutons de volume ont leur combinaison : en pressant et en laissant appuyer, le niveau de volume va monter (ou descendre) beaucoup plus rapidement. Par charité on s'abstiendra de commenter les états possibles du témoin lumineux…
Soyons honnête, la grande majorité de ces fonctions, les plus usitées en tout cas, finiront par rentrer assez facilement dans la cervelle de l'utilisateur. Mais la petite taille de la télécommande est propice à de mauvaises manipulations et on s'en agace vite lorsqu'il faut par exemple réécouter le nom de toutes les listes de lecture. Et puis on parle ici d'un baladeur de 4 Go, cela représente un stock de plusieurs centaines de morceaux. Ce même système de navigation aurait été plus adapté aux capacités précédentes, plus rapides à parcourir.
Le casse tête des écouteurs
Autre sujet à critiques, l'idée de river la télécommande au fil des écouteurs. Les écouteurs d'Apple ne méritent peut-être pas la haine que leur vouent certains utilisateurs au vu de leurs prestations sonores ou de leur bonne tenue dans les oreilles. Chacun a ses niveaux d'exigences et ses particularités (physiques). Ceci étant, la volonté d'en changer pour des modèles plus performants ou plus adaptés ne devrait pas être un tracas pour le propriétaire d'un iPod.
Et c'est précisément le contraire qui se produit avec ce nouveau modèle. Il faudra pour les écouteurs et les casques de tierces parties se plier aux consignes d'Apple pour garantir la compatibilité de leur télécommande. Cela passe par l'utilisation d'une puce et du paiement d'une licence afin de pouvoir revendiquer le label "Made for iPod". À priori, cette puce pourrait être clonée, on pourrait alors voir arriver des casques vendus comme compatibles, mais sans ce label. En résumé, le choix d'écouteurs de remplacement ne sera pas aussi simple que par le passé.
On pourra objecter que le shuffle est plutôt un baladeur de joggeurs ou d'habitués des salles de sport et que les écouteurs fournis suffisent amplement. Cette défense peut se tenir, mais encore une fois, le choix de nouveaux écouteurs sur ce qui n'est rien d'autre qu'un baladeur MP3 d'entrée de gamme devrait être une simple formalité (voir l'article Nouveau shuffle : des écouteurs propriétaires).
Quant à la qualité audio de cet iPod, il ne nous est pas apparu de différences notables avec le 2G. Le couple formé avec les écouteurs fournis satisfera probablement 80% des utilisateurs. Les vingt pourcents restants sont ceux qui exigent pour tout équipement audio une qualité de restitution supérieure à la moyenne ou ceux pour qui l'isolation de ces écouteurs est largement insuffisante. Et il est vrai qu'on a tôt fait d'en changer lorsqu'on écoute son iPod (quel que soit le modèle d'ailleurs) dans des transports en commun comme le très bruyant métro parisien.
Le shuffle donne de la voix
Autre nouveauté, la fonction vocale VoiceOver. Lorsqu'on coche cette option dans iTunes, un kit de 14 voix de synthèse est téléchargé et automatiquement installé. iTunes enverra ensuite vers l'iPod ces ressources. Ces voix sont de différentes nationalités (du Turc au Chinois en passant par l'Espagnol, le Grecque ou le Français). Elles énonceront le nom des morceaux, celui de leurs interprètes, celui des listes de lecture et le niveau de charge de la batterie. Selon les langues on aura une voix féminine (Italie, France…) ou masculine (USA, Allemagne…). Ces voix viennent se surimposer au morceau, qui continue sa lecture, mais en baissant temporairement son volume.
La diction de la voix française pourrait être plus nette (exemples chez Apple) mais elle reste, disons, correcte. C'est toutefois un peu dommage car on peut trouver mieux. Comme a pu le constater avec l'iPod nano sorti en 2008. Chez lui VoiceOver s'appelle "Menus parlés" et il vise les utilisateurs malvoyants, car le baladeur sait en plus citer le nom des menus de l'interface (voir l'article iTunes 8 et le nano deviennent plus accessibles). Avec cet iPod seule une voix anglaise est fournie. Pour entendre du français, il faut utiliser des solutions tierces, payantes, comme celle d'Assistiveware. Et qualitativement, le résultat est un cran au dessus de la voix française d'Apple (voir la vidéo ci-dessous). Mais impossible avec le shuffle de rééditer la manoeuvre de substitution. Et puis au prix de la voix de remplacement, environ 99 €, on se contentera volontiers de celle d'iTunes.
Un voix française alternative sur l'iPod nano 4G (2008)
Que se passe-t'-il ensuite avec VoiceOver si la chanson est mettons Anglaise ou Italienne ? Le baladeur va utiliser automatiquement la langue correspondante. Un titre des Beatles sera prononcé avec la voix anglaise, celui d'un Eros Ramazzoti le sera en italien. Mais quid d'un "You Make Me Feel Loved" interprété par l'Italien Zucchero ? Le baladeur va l'annoncer en italien en saccagant proprement le nom de la chanson. Autre cas, le titre "24h01" de Renan Luce prononcé avec une voix tout sauf française.
Lorsque cette confusion se manifeste on peut, dans iTunes, forcer le réglage de VoiceOver (calé par défaut sur "Automatique") et imposer soi-même une langue (via la fenêtre Obtenir des informations du menu Fichiers). Contre-partie, dans notre premier exemple, c'est le nom de Zucchero qui sera prononcé avec un accent anglais… Ce nouveau système vocal est néanmoins malin et pratique, on l'attend avec impatience sur les iPhone et iPod touch.
Les réglages VoiceOver sur un morceau
Autonomie et performances
S'agissant du temps de copie des morceaux, nous n'avons pu comparer notre shuffle 4 Go qu'à un modèle de 1 Go de la précédente génération colorée. Le nouveau a largement battu l'ancien, prenant 5 min et 28 s pour copier 834 Mo (127 titres) contre 9 min 16 s avec l'iPod shuffle 2G. À simple titre de comparaison avec un support flash de même capacité, nous avons copié les mêmes données sur la toute nouvelle itsakey 4 Go de LaCie. Le temps de copie a pris 8 min 40s, au moins le shuffle n'embarque pas de la flash bas de gamme.
Test d'autonomie ensuite : en lecture continue, sans sollicitation de la télécommande, notre shuffle 3G a tenu 12h et 28 minutes. C'est nettement mieux que les 10h indiqués par Apple. Cependant, les précédents shuffle étaient eux annoncés à 12h et dans les faits il tenaient environ 14h. On a donc perdu autour de 2h, la faute à une réduction de la taille du produit et par ricochet celle de sa batterie.
Autres nouveautés
Avec ce shuffle on trouve dans iTunes deux options absentes dans l'ancienne génération. D'abord celle d'une gestion manuelle de son remplissage. On pourra faire glisser à la main les morceaux de son choix. L'autre possibilité est de sélectionner les listes constituées dans iTunes et le laisser les synchroniser tout seul.
Les réglages dans iTunes
Ensuite on trouve un onglet Podcasts qui liste ceux auxquels on s'est abonnés. Mais ils seront copiés tout de go sur l'iPod dans une liste de lecture "Podcasts". Si l'on veut des listes spécifiques pour chacun de ces programmes, il faudra les séparer en créant des listes intelligentes dans iTunes.
La gestion des podcasts
Et comme auparavant, le mode disque dur est possible afin de se servir de son shuffle à la fois comme d'un baladeur et d'une clef USB. Charge à l'utilisateur de choisir dans iTunes quel espace il souhaite affecter à sa musique et celui pour le stockage de données.
Le branchement sur le Mac (ou le PC) se fait au moyen d'un câble USB qui vient se loger sur la sortie des écouteurs de l'iPod. Un câble plutôt court : 4,5 cm. Apple en vend un autre, sur l'Apple Store , en version longue de 1 m (19 € tout de même).
Le câble USB court inclus
Pour les utilisateurs d'un clavier Apple aluminium, sachez que le shuffle peut s'y brancher, à la fois pour la synchronisation et pour la recharge de sa batterie. Toutefois, un message d'alerte signale que cette seconde opération sera plus longue que sur un port USB délivrant une alimentation plus soutenue.
Recharge (lente) et synchronisation via l'USB du clavier
En conclusion
On peine à imaginer le successeur de ce baladeur (quoique, le retour à des déclinaisons colorées et un pilotage à la voix…) tant celui-ci semble toucher aux limites du concept du shuffle imaginé il y a quatre ans. Un baladeur sans écran de 4 Go représente un challenge pour qui entend exploiter à fond ses possibilités (listes de lecture et podcasts, navigation dans les morceaux…). Après tout, avec cette capacité de stockage on a un coffre largement plus profond que celui des premiers iPod mini et nano. Et eux avaient un écran !
Si l'on devait définir le profil type et idéal de l'utilisateur de ce shuffle, ce serait un individu qui se rend d'un point A à un point B sur un fond musical auquel il n'accorde qu'une relative attention, jouant un peu de sa télécommande et sans envie particulière de remettre la main au porte-monnaie pour de nouveaux écouteurs. Pour tous les autres, le nano sera nettement plus confortable. Ensuite, à 79 € ce n'est pas franchement le moins cher de sa catégorie (d'autres de même capacité ont un écran et la FM) mais c'est un produit Apple, donc rien d'étonnant, on a aussi l'excellent iTunes comme co-pilote et cette aimable fonction VoiceOver.
Toutefois, et c'est la principale surprise, on est quand même très loin de la philosophie de simplicité d'Apple. Côté simplicité du design, là oui, on est en plein dans le mille. Mais sur l'aspect fonctionnel, que n'aurait dit Steve Jobs à l'époque si l'un de ses concurrents avait eu les mêmes idées…
À rester arc boutée sur son principe d'un baladeur sans écran, Apple n'est pas loin d'en avoir fait une usine à gaz miniature. On saluerait presque l'exploit.