À Paris, Bouygues Telecom prône un usage « responsable et solidaire » du smartphone avec son forfait Source. De l’autre côté du périphérique, à Issy-les-Moulineaux, Orange suit son « plan stratégique » pour atteindre la neutralité carbone en 2040. Mais partout en France, les deux opérateurs plantent des milliers d’antennes 5G, et les associations écologistes craignent un « effet rebond ».
« Bien sûr qu’il y aura un effet rebond », avoue franchement Anthony Colombani, directeur des affaires publiques et responsable de la direction du développement durable de Bouygues Telecom. Le rendement énergétique de la première génération des réseaux 5G est environ trois fois meilleur que celui de la dernière génération des réseaux 4G :
La consommation électrique des réseaux ne va pas être divisée par dix ou cinquante avec la 5G, contrairement à ce que l’on a parfois pu lire sur les présentations publicitaires des équipementiers. Le rendement est meilleur, mais les usages augmentent de 30 à 40 % par an. Nous parvenons à freiner la croissance de la consommation énergétique des réseaux, parfois à la plafonner, mais pas encore à la réduire, malgré tous nos efforts. Nous avons diminué la consommation au gigaoctet transmis de 30 % ces dernières années, c’est un énorme effort d’optimisation à tous les niveaux, mais cette réduction n’efface pas la croissance des usages.
L’information est le nerf de la guerre : on ne peut pas réduire ce que l’on ne sait pas mesurer. « Nos antennes sont branchées sur des compteurs intelligents et nous pouvons piloter leur consommation en temps réel », explique le responsable de Bouygues Telecom, « nous éteignons certains équipements quand ils ne sont pas sollicités ». « Nous pouvons passer les antennes en sommeil profond », qui réduit la consommation de 80 %, confirme Jérôme Goulard, directeur RSE et éthique d’Orange Business Services.
L’économie est au cœur des normes de télécommunication cellulaire, qu’il s’agisse d’augmenter l’efficacité spectrale ou de réduire la consommation énergétique. Les opérateurs devaient éteindre des antennes, ils peuvent maintenant couper des fréquences, et pourront bientôt laisser le réseau opérer dynamiquement, explique Anthony Colombani :
La nuit, dans une zone pavillonnaire, les besoins sont moindres sur les fréquences capacitaires, sauf pour quelques insomniaques adeptes du binge watching sur Netflix. Nous pouvons donc éteindre ces fréquences, et les communications restent possibles sur les autres. Ce n’est pas si simple à faire techniquement, parce qu’il faut pouvoir les rallumer sans affecter la qualité de service. Le déploiement des réseaux 5G se fait en deux temps : d’abord la 5G not stand alone (5G NSA), qui repose sur le cœur de réseau 4G, puis la 5G stand alone (5G SA), qui sera indépendante. Lorsque nous passerons au réseau stand alone, nous pourrons gérer les antennes de manière complètement dynamique, c’est-à-dire qu’elles consommeront uniquement lorsqu’elles sont sollicitées.
La 5G SA facilitera la mise en place du network slicing, un découpage virtuel du réseau en tranches offrant des caractéristiques différentes. Les opérateurs pourront ainsi « adapter la qualité de service aux besoins des appareils », explique Jérôme Goulard, « et mieux répartir la capacité du réseau ». Un smartphone profitera du meilleur débit, une voiture bénéficiera de la meilleure latence, un petit gadget connecté se contentera de performances réduites, et les opérateurs pourront arbitrer au plus près des usages.