La 5G risque de relancer les grandes manœuvres chez les opérateurs. Et un point semble déjà les opposer : celui de la date des enchères pour l’attribution des fréquences 5G. Initialement prévues pour le mois d’avril, elles devraient avoir lieu fin juillet ou au pire en septembre. Mais dans une tribune au Figaro, Martin Bouygues a fait savoir qu'il verrait d’un bon œil le report des enchères à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine.
Le PDG du groupe Bouygues estime que « la situation du pays, qui se relève avec difficulté d’un terrible cauchemar sanitaire humain et économique, commande de repousser de quelques mois supplémentaires l’attribution des fréquences 5G ». Il n'y a pas le feu au lac selon lui et avance trois arguments pour expliquer un tel report. Tout d’abord, il y a une explication technologique. Selon lui, la 5G est une technologie prometteuse, mais elle est loin d’être mature. Il estime que les terminaux compatibles vont arriver sur le marché très progressivement. D’autre part, les usages vraiment innovants pour le grand public ne se matérialiseront pas avant 2023 ou 2024.
Son deuxième argument est peut-être le plus surprenant. Se défendant d’être décroissant (sic), Martin Bouygues écrit que « la 5G suscite aujourd’hui bien plus de méfiance et de scepticisme que d'engouement et d’enthousiasme ». Il évoque notamment les actes de dégradations qui se sont multipliés un peu partout en France et en Europe ces derniers mois. Pour lui, il est indispensable de prendre du temps, de faire de la pédagogie, et de tordre le cou à certaines thèses complotistes comme celle qui voulait que la 5G joue un rôle dans la diffusion du coronavirus. Il faut également selon lui débattre et répondre précisément à certaines questions d’actualité comme les conséquences néfastes que pourraient avoir les réseaux 5G sur la consommation d’énergie.
Enfin, il y a la situation économique, qui a considérablement évolué depuis le début de l’année. La 5G sera un argument commercial puissant pour les opérateurs, mais en pleine crise, les consommateurs auront-ils la tête à ça ? Et d’évoquer à demi-mot le prix de base des fréquences qui avaient été fixées « en pleine euphorie économique ». Et c’est peut-être là le vrai nerf de la guerre pour Martin Bouygues.
Si la branche télécom de Bouygues se porte bien, l’activité BTP du groupe souffre beaucoup plus du confinement. Que Bouygues cherche à gagner un peu de temps n’a rien de bien surprenant. Chez la concurrence, le son de cloche est bien différent. Le meilleur ennemi de Bouygues Telecom a fait savoir lors de la publication de ses résultats trimestriels il y a une dizaine de jours qu'il espérait que l’attribution des fréquences se déroule au plus tôt. Entre Bouygues Telecom et Free Mobile, Orange joue la carte de l’apaisement, plaidant pour une organisation des enchères en septembre ou en octobre.
En attendant, l’autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) a fait part de son étonnement auprès de l’AFP. Son président, Sébastien Soriano, s'étonne de ne pas avoir reçu la moindre demande de Bouygues Telecom à ce sujet. Il est d’autant plus surpris que le calendrier des enchères doit être fixé d’ici deux à trois semaines. « Par définition, tant que ce n'est pas fixé, c'est ouvert. Mais aujourd'hui les options principales, c'est juillet ou septembre », a-t-il déclaré. Reste que Sébastien Soriano partage un point d’accord avec Bouygues Telecom. Pour lui, il est impératif d'avoir un débat sur la 5G avec les Français de manière à ce qu’ils puissent s’approprier cette technologie.