Les données de géolocalisation des smartphones européens seront-elles bientôt mises à profit dans la lutte contre le coronavirus ? C'est une possibilité qui semble se dessiner. Ce lundi, le commissaire européen Thierry Breton s'est entretenu avec plusieurs opérateurs télécoms à ce propos.
Il a demandé à Orange, Telecom Italia, Deutsche Telekom, Vodafone et d'autres de fournir des données anonymisées de géolocalisation de leurs clients. L'objectif est de récolter un maximum de données afin d'avoir une vision globale de la propagation du Covid-19 pour mieux la limiter. « Nous allons sélectionner un opérateur important par pays », a confirmé le commissaire européen à Politico, en insistant sur le fait que cette opération n'allait pas à l'encontre du RGPD.
En France, Orange réfléchit déjà avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) à « comment les données [des opérateurs télécoms] peuvent être utiles pour gérer la propagation de l’épidémie ». L'une des questions soulevées est celle du stockage de ces données. « Cela demande des ajustements réglementaires et un accord de la CNIL. Il faudrait pouvoir garder des données sur une durée de temps longue, or actuellement nous devons les supprimer au bout d’un an », a reconnu Stéphane Richard, le PDG d’Orange, au Figaro.
« Le gouvernement pourrait parfaitement introduire une exception à la loi […] pour permettre un traitement approfondi des métadonnées en cas de crise sanitaire » explique Thibault Douville, spécialiste en droit, à BFMTV.
Hier, la mise en place du nouveau « Comité analyse recherche et expertise » (CARE) sur le coronavirus a relancé le débat sur la question. CARE doit en effet accompagner « la réflexion des autorités sur la doctrine et la capacité à réaliser des tests ainsi que sur l'opportunité de la mise en place d'une stratégie numérique d'identification des personnes ayant été au contact de personnes infectées », explique l'Elysée.
Interrogé à ce propos, le secrétaire d'Etat chargé du Numérique, Cédric O, indique que « des contacts sont en cours » avec de nombreux pays ayant « entrepris de développer des applications numériques destinées à combattre la propagation de l’épidémie ». Ceci dit, « aucune initiative plus avancée n’a à ce stade été prise par le gouvernement ». Même son de cloche du côté de la ministre de la Recherche, Frédérique Vidal. Celle-ci a démenti tout projet d’utilisation du numérique à des fins de surveillance, « on n’en est pas à ce stade-là », a-t-elle déclaré.
L'exploitation des informations de géolocalisation des smartphones de la population est une méthode d'ores et déjà adoptée dans différents pays. Les autorités taïwanaises analysent les signaux téléphoniques afin de s'assurer que les personnes en quarantaine ne quittent pas leur domicile. La Corée du Sud, la Chine ainsi qu'Israël ont également adopté des stratégies similaires. En Europe, la République tchèque est devenue le premier pays européen à annoncer son intention de déployer un outil de surveillance semblable pour lutter contre la pandémie de coronavirus.
Source : Politico