Si l’annonce de Free Mobile de ce mardi n’a peut-être pas eu les allures de la « révolution » que beaucoup espéraient, elle n'en a pas moins déclenché un mouvement irréversible (lire : Roaming : la révolution ratée de Free Mobile). Preuve en est la réponse de SFR qui, quelques heures plus tard, enchérissait avec une offre encore plus intéressante ! On peut espérer que Bouygues Telecom, Sosh voire Orange tentent à leur tour de s'aligner dans les prochains jours.
Pour celui qui voyage peu, savoir que les forfaits Free ou RED by SFR offrent du roaming plus ou moins illimité un peu partout en Europe et dans le monde n’est pas spécialement intéressant. Mais pour les autres qui jonglent avec les cartes SIM et les forfaits, ces offres représentent les meilleurs rapports qualité/prix du marché, avec une préférence, une fois n'est pas coutume, pour l'opérateur au carré rouge.
Chez Free, pour 19,99 € par mois (ou 15,99 € si on est abonné Freebox), on conserve évidemment les prestations du forfait habituel, avec en plus : les appels, SMS/MMS illimités, ainsi que 5 Go de données par mois (en 3G) dans 35 pays valide toute l'année : Europe (sauf Suisse), les DOM, Etats-Unis, Afrique du Sud, Australie, Canada, Israël et Nouvelle-Zélande. Cette enveloppe s’ajoute aux 50 Go de 4G en France métropolitaine (ou 20 Go de 3G).
Le forfait Free proposait déjà du roaming à l’étranger, mais on était limité à 3 Go durant 35 jours par pays et sur l’ensemble de l’année, toujours en 3G. Autant dire qu’on fait un bond en avant à ce niveau. Tout le monde aurait préféré que ces 5 Go mensuels puissent être consommés en 4G, et l'annonce de SFR va peut-être pousser le trublion à se mettre au niveau de son concurrent.
Chez RED by SFR, on va encore plus loin avec la formule RED 15 Go 100% Roaming qui, pour 15 € par mois, offre les appels, SMS/MMS illimités et 15 Go de données par mois (en 4G) en Europe (dont la Suisse), États-Unis et Canada. Et là aussi, avec une validité annuelle. Cette formule remplacera le forfait Série RED Europe, qui proposait 5 Go de données uniquement pour l'Europe, à partir du 21 mars et jusqu'au 6 juin.
Sur le papier, l'avantage est du côté de SFR : il manque certes une poignée de pays à la formule RED, mais elle a au moins la décence d'intégrer la Suisse… et pouvoir consommer jusqu'à 15 Go de données en 4G ! L'offre de Free Mobile reste intéressante avec ses 50 Go pour la France métropolitaine, mais même avec une enveloppe somme toute confortable de 5 Go, la 3G va forcément un peu limiter les usages.
Que valent les offres sans engagement de la concurrence ?
Sosh propose dans son plus gros forfait - actuellement en promotion à 9,99 € par mois (24,99 € normalement) - 5 Go de données à consommer en Europe et dans les DOM. Selon les pays et les accords passés entre Orange et les opérateurs locaux, on peut bénéficier de la 4G à l'étranger. Mais cette enveloppe court sur toute l'année alors qu'elle est mensuelle chez Free.
Chez Bouygues Telecom, le forfait B&You à 24,99 € par mois comprend 5 Go de données 3G/4G à consommer en Europe et dans les DOM/TOM… mais durant 15 jours par an seulement. Du côté de SFR (sans RED), le premier forfait sans engagement à ouvrir droit à un usage à l'étranger coûte 37,99 € (27,99 € si on est abonné à la box). Pour ce prix, on peut utiliser les 20 Go de données durant 35 jours par an en Europe et dans les DOM.
Il va sans dire que les forfaits Free et RED by SFR restent particulièrement bien orientés face à la concurrence, en particulier pour ceux qui voyagent ailleurs qu'en Europe (avec un avantage pour Free qui ajoute l'Australie, la Nouvelle-Zélande et l'Afrique du Sud). Mais pour les voyageurs en Amérique du Nord (États-Unis, Canada), ou ceux qui sont intéressés par l'Europe et les DOM, il n'y a pas photo : la formule RED 15 Go 100% Roaming est clairement plus intéressante avec ses 10 Go en plus, sa 4G… et les 5 € de moins sur la facture.
Le casse-tête européen
Free et SFR peuvent mettre en avant un roaming illimité et leurs Go de données en Europe : les consommateurs des pays de l'Union européenne pourront bientôt utiliser leur forfait téléphonique national partout ailleurs dans les pays de l'UE. Le 15 juin en effet, les frais d'itinérance disparaissent en Europe, et ce quel que soit son opérateur. Mais attention, il existe des garde-fous comme le rappelle NextInpact.
Pour tout ce qui concerne les communications téléphoniques et les messages SMS/MMS, pas de souci en général : on pourra en user partout en Europe comme chez soi, dans la limite d'une utilisation « raisonnable ». Pour la gestion des données, c'est nettement plus compliqué. Le volume de données consommables en itinérance est variable selon le forfait.
Pour les forfaits illimités comme pour les cartes prépayées, des formules mathématiques ont été imaginées pour calculer l'enveloppe de données à consommer en itinérance, sans avoir à payer de frais supplémentaires. Pour un forfait illimité ou avec une grosse enveloppe de données, il faut diviser le prix hors taxe du forfait par le tarif hors taxe de gros (c'est à dire les prix que se facturent les opérateurs entre eux pour acheminer les données), puis multiplier le résultat par deux. Pour les cartes prépayées, il faut diviser le crédit HT restant par le tarif HT de gros.
Pour compliquer encore un peu plus les choses, le tarif de gros va baisser progressivement dans les mois à venir : à partir du 15 juin jusqu'au 31 décembre, il sera de 7,7 € HT du Go ; il ne coûtera plus que 2,5 € au 1er janvier 2022.
Pour prendre un exemple, un forfait illimité à 19,99 € TTC (donc 16,66 € HT) donne droit à (16,66/7,7) x 2 = 4,32 Go de données à consommer en itinérance dans toute l'Union européenne. Plus le forfait est cher, plus l'enveloppe de données sans itinérance est importante. Dans le forfait Free qui nous intéresse, l'opérateur offre 5 Go en itinérance : c'est donc plus que l'enveloppe européenne (4,32 Go) qui sera en vigueur à partir du 15 juin. À partir du 1er janvier 2022, le volume de données à consommer en Europe sera de 13,3 Go au minimum.
Avec un forfait à 15 € TTC, soit 12,5 € HT, SFR en offre illico plus que le niveau de base de l'Union européenne : à partir du 15 juin, il aurait en effet dû proposer 3,24 Go en itinérance sans frais supplémentaires. Or, il en offre derechef 15 Go.
Néanmoins, pas question d'habiter à l'année longue dans un pays tout en profitant du forfait à prix cassé d'un autre pays. Il convient d'avoir des « liens stables » avec le pays où l'offre a été souscrite. C'est d'ailleurs ainsi que Free Mobile se couvre avec son forfait, SFR en fera certainement de même dès que la fiche d'information des offres mobiles aura été mise à jour.
Éviter les effets d’aubaine
Depuis 2012 et le lancement des offres Free Mobile, la concurrence entre les opérateurs a habitué les consommateurs français à des prix bas pour des prestations toujours plus importantes. Un marché à quatre opérateurs aussi actif reste une situation peu commune en Europe et ailleurs dans le monde ; nous avons peut-être tendance à l'oublier, mais les prix pratiqués en France font l'envie de bien des consommateurs.
Il n'est qu'à voir ce que proposent les opérateurs canadiens pour se rendre compte du fossé concurrentiel des deux côtés de l'Atlantique. Il est impossible de trouver un équivalent du forfait Free à 28 $CA (20 €), et encore moins du forfait RED à 21 $CA (15 €). Pour des prestations plus ou moins équivalentes (mais en 4G la plupart du temps), la facture monte à 75 $ chez Rogers (6 Go), 62 $ chez Bell (7 Go), 64,95 $ chez Vidéotron (6 Go). Des prix qui ne comprennent ni les frais annexes (et ils peuvent être nombreux), ni les taxes ce qui peut alourdir la facture du forfait d'un tiers environ. Et évidemment, il ne faut compter sur aucun roaming…
Les petits malins qui se rendent fréquemment (ou qui habitent plusieurs mois) aux États-Unis, au Canada ou dans un des pays hors UE couvert par le forfait Free pourraient être incités à souscrire à l'offre de l'opérateur en utilisant l'adresse française d'un proche. Mais Free a mis en place des limites pour éviter les effets d'aubaine. Dans les petites lignes de la fiche d'information standardisée, on peut en effet lire :
Constituent des cas d'utilisation abusive ou anormale des services :
- Une consommation ou une présence en itinérance internationale majoritaire par rapport à une consommation ou une présence nationale pendant une période d'observation de 4 mois ;
- inactivité prolongée d'une SIM donnée, associée à une utilisation en itinérance internationale très fréquente, voire exclusive.
Dans ces cas, Free Mobile se réserve la possibilité de facturer les communications au tarif en vigueur : 0,057 € par Mo depuis l'Europe et les DOM, 0,15 € le Mo depuis les États-Unis, 0,50 € le Mo depuis le Canada et l'Australie, … Un consommateur averti en vaut deux. Reste à voir maintenant si l'opérateur va appliquer la surveillance avec rigueur ou souplesse !