La Commission européenne dit non au rapprochement entre O2 (groupe Telefonica) et Three (groupe Hutchison), une transaction d’une hauteur de 10 milliards de livres (12,6 milliards d’euros). Ce projet de rachat aurait réduit le nombre d’acteurs sur le marché anglais de la téléphonie : de quatre, on serait passé à trois avec la nouvelle entité O2/Three, Everything Everywhere (EE) et Vodafone. La Commission craignait « un choix plus limité et des prix plus élevés pour les consommateurs britanniques ». De plus « l’opération aurait entravé l’innovation dans le secteur » : l’infrastructure du réseau mobile au Royaume-Uni aurait été entravée, d’après l’enquête approfondie du régulateur européen.
« Nous craignions fortement que les consommateurs aient moins de choix pour trouver une offre mobile répondant à leurs besoins et doivent payer plus cher que si l’opération n’avait pas lieu », a déclaré Margrethe Vestager, commissaire chargée de la concurrence, « les mesures correctives proposées par Hutchison n’étaient pas suffisantes pour éviter une telle situation ».
Le marché britannique de la téléphonie est jugé à l’heure actuelle comme « concurrentiel », avec des prix de détail parmi les moins élevés de l’Union, et un déploiement de la couverture 4G parmi les plus avancés. Les quatre opérateurs se sont entendus pour mutualiser leurs réseaux : Vodafone et O2 ont uni leurs réseaux (Beacon), tout comme EE et Three (MBNL). Ils partagent ainsi les coûts de déploiement, en poursuivant leur politique de concurrence pour les consommateurs.
O2 est le premier opérateur outre-Manche, alors que Three est le dernier entrant et, à l’instar de Free en France, fait un peu figure de trublion. Ensemble, les deux opérateurs représentent 40% du marché anglais. « Ils auraient eu un intérêt bien moindre à concurrencer Vodafone et EE », explique la Commission. Le nouveau groupe aurait aussi eu accès à une « vue d’ensemble » des deux réseaux bâtis avec les deux concurrents, puisque les deux opérateurs sont partenaires des réseaux des deux autres acteurs. Enfin, les opérateurs mobiles virtuels (MVNO) auraient une « position de négociation moins confortable pour obtenir des conditions d’accès de gros favorables ».
À bien des égards, le marché britannique de la téléphonie mobile ressemble au nôtre, avec quatre opérateurs et une concurrence existante. À la lumière de la décision de la Commission, on comprend mieux pourquoi Orange et Bouygues souhaitaient que leur projet de fusion soit validé par l’Autorité de la concurrence à Paris, et non par Bruxelles : autant s’éviter un véto européen. Cela laisse aussi ouverte la porte à un repreneur tiers qui ne fasse pas partie du paysage : et pourquoi pas Free qui lorgne sur O2 ?