On n’a pas fini d’entendre parler de l’échec des négociations entre Orange et Bouygues Telecom. Vendredi soir, les conseils d’administration des deux opérateurs actaient l’impossibilité pour les groupes de se rapprocher pour former une entité commune. L’État et ses exigences de dernière minute concernant l’entrée de Bouygues au capital d’Orange ont été montrés du doigt, mais le patron du quatrième opérateur français en a aussi contre Xavier Niel, le PDG de Free.
« Un des protagonistes avait envie d’avoir tout pour rien », explique un Martin Bouygues qui a remisé la langue de bois au vestiaire dans une interview au Figaro. Sans le dire, il vise Xavier Niel, que Stéphane Richard avait déjà accusé de vouloir « le beurre, l’argent beurre et la crémière qui va avec ». « Manifestement, l'un des protagonistes nourrissait l'ambition d'avoir le maximum en payant le minimum, tout en gardant la possibilité de se retirer », ajoute-t-il. Chez Free, on se cache derrière les exigences de l’État, arrivé « très tardivement dans ce dossier, avec des inquiétudes légitimes ».
Bouygues Telecom n’était pas demandeur, même si on a pu dire que c’était le patron de l’opérateur qui avait pris l’initiative, ce qui est « un peu simpliste ». Bouygues Telecom compte bien poursuivre sa route en tant qu’entreprise autonome : elle est « viable », et c’est la première à avoir fait des « efforts de rationalisation considérables ».
Des négos qui tombent à l’eau
Dès le début des négociations avec Orange il y a trois mois, Martin Bouygues avait posé ses conditions : « Ma première préoccupation, essentielle, était le maintien des emplois et du statut des salariés de Bouygues Telecom ». La seconde, c’était que le groupe Bouygues demeure « un acteur dans ce secteur et donc qu’il trouve sa place d’actionnaires chez Orange ». Le patron de Bouygues voulait aussi que le montant de la transaction soit la plus proche de la proposition faite par Patrick Drahi (SFR) l’an dernier (10 milliards d’euros, environ). Enfin, Bouygues ne devait pas assumer seul le risque d’exécution.
Bouygues devait devenir un actionnaire, « certes minoritaire », mais significatif au sein d’Orange. Mais les demandes de l’APE (Agence des participations de l’État) ont été considérées « très étranges », réduisant le rôle de Bouygues à celui d’un actionnaire avec « très peu de droits » tout en « payant le prix d’une participation majoritaire ». Il estime toutefois que cela n’a pas été à l’origine de l’échec des négociations.
Ce qui a surtout inquiété Martin Bouygues, c’est la longue période d’instruction par l’Autorité de la concurrence et l’Arcep. Durant ces 12 à 18 mois, « si leurs exigences avaient été refusées par l’un des trois acheteurs, rendant nos accords caducs, l’entreprise Bouygues Telecom aurait été dans un état catastrophique ».
Il est maintenant fort probable que le marché demeure à quatre opérateurs pendant un moment. La consolidation « a du sens », explique Martin Bouygues, mais elle n’aura « pas lieu ». Le secteur va donc continuer à marcher sur ses quatre pattes, et « cela va être très compétitif ». « Ne nous leurrons pas : cette structure de marché implique une moindre capacité des opérateurs à investir dans le mobile et le fixe ». Il prévient : « Les consommateurs vont y perdre, parce que le marché français va prendre du retard ».
Dans ce contexte, et malgré les quatre opérateurs, Martin Bouygues indique qu’il ne s’attend pas à ce que la guerre des prix se poursuive durablement. « La logique voudrait même, à un moment, que les prix finissent par remonter ».