L’Arcep a « méconnu l’étendue de ses pouvoirs » et « commis une erreur de droit » en refusant de s’impliquer dans le contrat d’itinérance liant Orange à Free, estime le Conseil d’État. La plus haute des juridictions de l’ordre administratif condamne donc l’État à verser la somme symbolique de 3 000 € à Bouygues Telecom, qui s’estimait lésé par cette inaction.
Le troisième opérateur contestait la validité du contrat d’itinérance, signé en 2011, permettant à Free Mobile de s’appuyer sur le réseau 3G d’Orange dans les zones où il ne possède pas ses propres antennes. SFR et surtout Bouygues Telecom craignaient que le quatrième opérateur puisse se reposer sur cet accord pour casser les prix sans investir dans les infrastructures nécessaires — un argument sans doute valide à l’époque, mais depuis démenti par les lourds investissements de Free Mobile dans la constitution d’un réseau 4G.
Saisie par le ministre du Redressement productif, l’Autorité de la concurrence avait recommandé en mars 2013 que cette itinérance ne soit pas prolongée au-delà de 2018. Mais cet avis, qui souhaitait que son contrat expire même dès 2016 si possible, n’était que consultatif. À l’Arcep donc de trancher, ce que son président de l’époque, Jean-Ludovic Silicani, avait refusé. Il estimait alors n’avoir aucun droit de le faire, le gendarme des télécoms ne pouvant intervenir dans le cadre d’un contrat de droit privé.
Le Conseil d’État reconnaît volontiers que « l’accord d’itinérance entre Free et Orange était bien un contrat de droit privé, protégé par les principes de la liberté du commerce et de l’industrie, et donc que l’Arcep ne pouvait le modifier ou y mettre fin ». Mais il estime que l’Arcep a commis une faute en se déclarant incompétente, elle qui aurait pu utiliser ses armes de régulation pour intervenir. Bouygues Telecom se dit « très satisfait par cet avis »… bien que tous ses autres recours aient par ailleurs été rejetés.
Si l’Arcep doit désormais se prononcer sur le contrat d’itinérance, elle peut le faire à sa convenance, alors que Bouygues Telecom exigeait une réponse dans les trois mois. Sauf surprise, le gendarme des télécoms devrait statuer en faveur d’une « extinction par plaques », autrement dit l’arrêt de l’itinérance là où Free Mobile possède des antennes, elle qui couvre aujourd’hui 75 % de la population en 3G. Mais facétieuse, l’Autorité prévient que si elle est « déjà en train de regarder le contrat entre Orange et Free », elle n’oublie pas « celui entre Numericable et Bouygues Telecom sur les infrastructures. »
Source : Via BFM Business, Reuters