Après le non retentissant du conseil d’administration de Bouygues à l’offre d’achat mise sur la table par Patrick Drahi, Martin Bouygues a, chose rare, pris la parole ce matin au micro de RTL. Le patron de l’opérateur mobile considère qu’« une entreprise n’est pas une marchandise comme une autre », et encore plus Bouygues Telecom où les employés ont consenti « beaucoup de sacrifices » pour maintenir la place de l’entreprise sur le marché des télécoms.
Le résultat, c’est que depuis six mois la société observe une croissance forte du nombre de clients dans le mobile, ainsi que dans le fixe où Bouygues s’est relancé. « Je le reconnais, [ces offres] déstabilisent nos concurrents qui ont de très fortes marges dans le fixe, des marges assez étonnantes », attaque-t-il sans jamais nommer Free. « Je comprends que ça les énerve et qu’ils cherchent à nous faire disparaitre ».
L’offre de Patrick Drahi a été qualifiée — anonymement — de « pas sérieuse » par le conseil d’administration. « Tout n’est pas une histoire d’argent », répète Martin Bouygues, qui revient sur la régulation du marché des télécoms, « très surveillé », que ce soit en France ou en Europe. Le passage de quatre à trois opérateurs en France aurait poussé les autorités de régulation à exiger des « remèdes » afin d’éviter une trop grande concentration ; « je ne vois pas comment Patrick Drahi pourrait monter un financement sérieux et en même temps pouvoir assumer tous les remèdes ».
Free avait annoncé lundi être entré en négociation avec Numericable-SFR pour récupérer une partie des actifs de Bouygues Telecom. À ce propos, « je suis un peu étonné de voir messieurs Niel et Drahi bras dessus bras dessous dans cette affaire qui est quand même assez étonnante ». Le patron de Bouygues Telecom est revenu brièvement sur l’arrivée de Free sur le marché, qui a bousculé les habitudes un peu trop douillettes des trois opérateurs historiques. « Je ne conteste pas la quatrième licence, je conteste les conditions dans lesquelles elle a eu lieu ».
Quatre opérateurs sur le marché, cela lui paraît « correct si la régulation est équitable ». En creux, on comprend aussi qu’il n’est pas particulièrement emballé par le mouvement pan-européen de consolidation . « Je ne vois pas en quoi la taille permet de baisser les prix », explique-t-il, prenant en exemple le modèle américain : trois opérateurs, des centaines de millions de clients, et des prix « deux à trois fois plus élevés que chez Bouygues ».
Quant aux pressions politiques (Martin Bouygues a rencontré François Hollande hier matin), il assure qu’il n’y en a pas eu. « Ils m’ont laissé assumer le choix que je devais faire, qui n’est d’ailleurs pas le mien mais celui du conseil d’administration ». Il rappelle d’ailleurs que le conseil a décidé à l’unanimité de ne pas vendre l’entreprise à Numericable-SFR. Ces manœuvres ont-elles pour objectif de faire grimper les enchères ? Au vu des déclarations du PDG ainsi que les bruits de couloir qui ont fuité du conseil d’administration de Bouygues, cela parait peu probable, mais un ou deux milliards d’euros en plus peuvent toujours faire pencher la balance.