Il était une fois l’industrie des télécoms… Cela ressemblait à un conte de fées pour Orange, SFR et Bouygues Telecom qui généraient des revenus et des marges confortables… Mais un beau jour de 2012, le conte de fées a viré au cauchemar avec l’arrivée fracassante de Free Mobile, plongeant l’industrie dans une guerre commerciale sans précédent.
Pour le consommateur, cette lutte est tout bénéfice. Les prix se sont effondrés. Depuis l’arrivée de Free Mobile, 19,99 € est le nouveau tarif de référence pour un forfait pour smartphone. Autre changement de taille, en l’espace d'une poignée d'années, les forfaits sans engagement sont devenus majoritaires.
La France est devenue le pays le plus compétitif en Europe dans le mobile
Côté pile, des consommateurs qui ont grandement profité de l’arrivée du quatrième entrant. Côté face, des entreprises qui ont laissé des plumes dans la bagarre. Qui sont les gagnants ? Qui sont les perdants ? Photographie de l’industrie des télécommunications en 2015 !
Avant de s’attarder sur le cas de chaque opérateur, il convient de faire un point général sur cette industrie. Si les prix ont fondu, les chiffres d’affaires des opérateurs sont également orientés à la baisse.
Au quatrième trimestre 2010, les différents acteurs dans le fixe et le mobile ont réalisé un chiffre d’affaires cumulé de 44,767 milliards d'euros. Un an plus tard, à la veille du lancement de Free Mobile, ce chiffre était quasi-stable (- 2 %). Fin 2014, ce même chiffre a reculé de quasiment 5 milliards d’euros.
Orange, qui pourtant n’est pas forcément l’opérateur qui a le plus souffert de Free Mobile, enregistre une baisse continue de son chiffre d’affaires sur cette période.
Dans le milieu des télécoms, un indicateur est particulièrement suivi par les observateurs, l’ARPU (Average Revenue Per Unit). Il représente le chiffre d'affaires mensuel moyen réalisé par une entreprise avec un client. Fort logiquement, il s’est effondré sur le marché. Avant l'arrivée de Free Mobile, un client mobile chez SFR avait une facture en moyenne de 32,6 €. Fin 2014, l’ARPU de SFR était de 22,1 €.
À titre de comparaison, et c’est important pour comprendre les tenants et les aboutissants dans cette industrie, l’ARPU dans le fixe a baissé très légèrement, alors qu’il s’est effondré dans le mobile.
Pour prendre l’exemple de Free, son ARPU dans le fixe est passé de 37,3 € début 2010 à 35,10 €. Le tableau ci-dessous réalisé par l’ARCEP compare précisément l’évolution de l’ARPU dans le mobile et le fixe.
Certains veulent croire à la fin de la guerre des prix dans l’industrie des télécoms. C’est en tout cas le diagnostic de nombreux observateurs et analystes (lire : Téléphonie : la fin de la baisse des prix programmée pour 2015). Tous les opérateurs, ou presque, la réclament. « C’est une folie », a ainsi affirmé Stéphane Richard, le PDG d’Orange, s’inquiétant des répercussions de cette baisse sur l’investissement. Patrick Drahi ne disait pas autre chose lors de sa récente audition devant la Commission économique de l’Assemblée nationale.
L’autre bataille du moment : le déploiement de la 4G
D'un côté une guerre des prix qui a fait de la France le pays le plus compétitif en Europe, de l'autre une offensive sur le déploiement de la 4G. Certains espéraient justement que cette nouvelle technologie permette de faire remonter les tarifs. Tout ne s’est pas déroulé comme prévu.
Comme nous l’avons évoqué à plusieurs reprises dans nos colonnes, il y a le peloton de tête composé d’Orange et de Bouygues Telecom et le groupe des poursuivants avec SFR et Free Mobile.
L’ARCEP a récemment publié son observatoire sur la couverture et la qualité des services mobiles. Ce graphique donne une idée précise du déploiement de la 4G en décembre 2014.
Il convient d’apporter quelques précisions. La statistique qui importe, c’est la couverture de la population. Celle relative au territoire a moins de sens. On peut noter également deux choses. D’une part, Free Mobile a passé la vitesse supérieure depuis quelques mois. L’opérateur a dépassé récemment SFR en terme de supports actifs pour la 4G (lire : 4G : Free Mobile passe devant SFR). D’autre part, la couverture 4G des deux opérateurs de tête progresse plus lentement ces derniers mois. Aux dernières nouvelles, Orange en est à 75 % tandis que Bouygues n’a gagné qu’un petit point.
Après, cela s’explique aisément. Ce sont bien évidemment les derniers pour cent qui sont les plus difficiles à aller chercher, les opérateurs couvrant en priorité les zones les plus denses.
On aura l’occasion d’aborder cette thématique plus tard, mais la mise aux enchères de la bande des 700 MHz cette année sera riche d’enseignements et montrera les forces et faiblesses de chacun des acteurs.
Tout au long de la semaine, nous allons passer les opérateurs au crible. Rendez-vous demain avec le cas Bouygues Telecom !