Le marché de la musique a progressé en France en 2023, s'approchant doucement du milliard d'euros de chiffre d'affaires. Le streaming domine dans ces revenus, mais l'Hexagone traine la jambe sur ce mode de diffusion, comparé à d'autres pays.
Avec 968 millions de chiffre d'affaires, le marché français de la musique enregistrée progresse annuellement de 5,1 %, note le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) dans son bilan 2023. Une orientation positive depuis 2015 qui n'en est pas moins très éloignée du record de 2002 avec 1,5 milliard de CA. Une époque où le streaming était encore invisible sur les radars, il n'apparaîtra dans les chiffres que trois ans plus tard et timidement. En 2023 le numérique a pesé pour 57 % du CA des revenus physiques et numériques.
Le numérique a tiré le marché avec une croissance de ses revenus de 8,8 %, là où les ventes physiques ont baissé de 1,2 %. Mais elles sont restées relativement stables (elles se sont réparties entre 10,5 millions de CD et 5,5 millions de vinyles écoulés). Si le numérique fait office de locomotive, celle-ci ne déploie pas la même capacité de traction que dans d'autres pays.
Lorsqu'on pose la loupe sur les ventes, les 610 millions de CA du streaming proviennent à 77 % des abonnements, à 12 % de la diffusion financée par la publicité et 11 % du streaming vidéo. Cependant, dans d'autres pays, les abonnements aux plateformes de streaming ont une tout autre allure.
Comparant avec nos voisins, le SNEP explique qu'en 5 ans, le chiffre d'affaires de l'abonnement payant en France n'a pas franchement décollé. En 2018, il était inférieur de plus de la moitié à celui du Royaume-Uni et cela n'a pas changé depuis. Face à l'Allemagne, l'orientation est même à la baisse :
L’abonnement en France représentait 70% du chiffre d’affaires de notre voisin outre Rhin, et aujourd’hui, l’écart s’est creusé: le revenu du streaming payant n’atteint que 60% de celui des Allemands.
Le SNEP a recensé en France 12 millions de comptes payants à des services de streaming pour 17 millions d'individus (grâce aux formules famille ou duo). Rapporté au nombre d'internautes, cela fait un taux de pénétration de seulement 16 % chez nous, à comparer aux 26,5 % du Royaume-Uni et 30,1 % des États-Unis. L'Allemagne fait un peu mieux que nous avec 17,5 %. Constat : depuis trois ans, la France n'enregistre qu'un million de nouveaux abonnés payants par an, insuffisant se désole le SNEP.
Dans les classes d'âges des utilisateurs de ces formules payantes, les 16-34 ans sont surreprésentés avec 52 % du total, mais c'est 1 point de moins en un an. Les plus de 55 ans — qui forment 40 % de la population — sont à 13 % et c'est un recul de 3 points alors qu'ils sont plus nombreux qu'il y a un an. Recommandation du SNEP, il faut parvenir à fidéliser les plus jeunes et tenter de capter l'intérêt des plus âgés.
Problème, une bonne part de la jeune population se détourne des plateformes de streaming au profit de TikTok : « 1 jeune français sur 2 l’utilise quotidiennement ». Ce qui a une autre conséquence fâcheuse. La musique abonde sur TikTok, à hauteur de 85 % des vidéos vues, cependant ce ne sont pas forcément des morceaux joués dans leur version d'origine. Les altérations et modifications sont légion (presque 40 % et c'est en sérieuse augmentation), c'est autant de droits perçus en moins pour les artistes auteurs de ces titres remixés.
Alors que TikTok était initialement perçu comme un lieu de découverte de nouveaux artistes, il tend à concurrencer sérieusement l'écoute sur les plateformes classiques plus rémunératrices pour les professionnels.
Enfin, la récente décision de Spotify d'augmenter ses tarifs dans les semaines à venir — dans des proportions encore inconnues — pourrait entraver cette croissance déjà mollassonne des abonnements payants. Interrogé par Le Monde, Alexandre Lasch, directeur général du SNEP, soutient néanmoins la position du service suédois et fustige la "taxe streaming" qui en est à l'origine.
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