Lenbrook reprend les actifs de MQA Ltd. C’est la fin d’une histoire rocambolesque, la petite entreprise britannique promettant de révolutionner la compression de fichiers musicaux « sans pertes » avec des technologies qui auraient violé le théorème de Nyquist-Shannon. À moins qu’il ne s’agisse d’un nouveau début, puisque le propriétaire canadien de NAD et de Bluesound se dit « déterminé à continuer de développer le marché et promouvoir les possibilités offertes par ces technologies. »
Créée par scission d’une branche de Meridian Audio, MQA promettait d’établir une nouvelle chaine de (re)production en s’attachant particulièrement à la traçabilité des enregistrements. Pour assurer une « qualité master authentifiée », l’entreprise voulait établir un système de certification des enregistrements, contrôlé numériquement depuis le studio jusqu’aux enceintes.
Un témoin bleu devait attester la validité de la signature d’un fichier MQA Studio et garantir la parfaite reproduction de la musique. Mais en 2014, l’industrie se demandait encore comment diffuser en streaming des fichiers de « qualité studio ». MQA Ltd assurait apporter la solution avec son codec MQA, censé être capable de « plier » un fichier 24 bits/192 kHz dans un « origami musical » prenant moins de place qu’un fichier 16/44 avec une approche « perceptiblement sans perte ».
Voilà qui aurait été révolutionnaire… si cela avait été vrai. Les fondements de la technologie n’étaient pas insensés : les données des fréquences supérieures à 20 kHz étaient enfouies dans le bruit des fréquences inférieures, sous le seuil de l’audition, jusqu’à produire un fichier 16/44. Il était évident que ce processus était destructif, sans quoi le format MQA aurait violé le théorème de Nyquist-Shannon, mais sans documentation ni encodeur publics, il était bien difficile de mesurer l’ampleur des pertes.
Après plusieurs années de recherches indépendantes, il est devenu clair que ce processus de « pliage » réduisait fortement la gamme dynamique des morceaux, introduisait des scories parfois audibles et augmentait le niveau de distorsion harmonique. Or dans le même temps, MQA Ltd a complètement abandonné sa démarche qualitative et réencodé massivement les catalogues des principales maisons de disque sans jamais revenir au master.
Il ne restait plus rien de la « qualité master authentifiée » que le témoin bleu, qui s’allume uniquement si l’éditeur du logiciel ou le fabricant du matériel paye une licence. Aucun service de streaming n’a adopté le codec MQA, à l’exception notable de Tidal, qui s’est empressé de quitter le navire au profit du codec FLAC dès que MQA Ltd a mis la clé sous la porte. De fait, ce n’est probablement pas le codec MQA qui intéresse Lenbrook au premier chef.
Outre le fabricant d’amplificateurs NAD Electronics, le conglomérat canadien possède Bluesound et PSB Speakers. Le premier commercialise un système de diffusion multiroom qui rivalise directement avec le catalogue de Sonos et le deuxième ambitionne de proposer le premier casque à la fois wireless et lossless en utilisant une connexion UWB. La clé ? Le codec SLC6, qui met en œuvre des techniques similaires (mais pas identiques) au codec MQA pour adapter la diffusion de 200 kb/s à 20 Mb/s selon les conditions, « sans effet notable sur la qualité de reproduction ».
Gordon Simmonds, le CEO de Lenbrook, assure voir cette acquisition « comme une occasion d’assurer que les technologies créées par les scientifiques et les ingénieurs de MQA continueront de servir les intérêts de l’industrie plutôt que ceux d’une seule marque ou entreprise. » Il ne fait toutefois aucun doute que la maitrise entière de MQA renforcera l’écosystème construit autour du bluOS de Bluesound et que la propriété du codec SLC6 accélérera la conception du casque de PSB. Reste à savoir si Lenbrook abandonnera la rhétorique pseudoscientifique de MQA ou continuera à cibler les idiophiles les plus crédules.
UWB : le futur des AirPods et le début de la fin du Bluetooth