Du haut de ses 230 millions d'abonnés, lorsque Netflix annonce qu'il ouvre la chasse au partage de comptes, ça tangue chez les clients. La pratique était tolérée sinon encouragée par la plateforme. Cela pose par ricochet la question du devenir de services qui ont fait de cette possibilité leur fonds de commerce.
Qu'ils s'appellent Spliiit, DiiVii ou bien Sharesub, ils proposent aux titulaires d'un abonnement type famille ou premium — c'est-à-dire autorisant une utilisation conjointe par plusieurs personnes disposant chacune de leur propre compte — d'en partager le coût. Ces plateformes se présentent à ce titre comme des intermédiaires de mise en relation et de paiement entre abonnés, plutôt que de revendeurs d'abonnements stricto sensu. Ce qui les mettrait en porte-à-faux avec les services de streaming sur lesquels ils s'appuient.
Leur existence n'est pas toujours connue alors que les plus anciens opèrent depuis quelques années. Netflix, Disney+, Spotify, Xbox Game Pass, Nintendo, iCloud, NordVPN, Amazon Premium, YouTube Premium… les grands noms du contenu en streaming et de nombreux services en ligne sont là.
Répartition des coûts
Le principe est toujours le même : le détenteur d'une formule d'abonnement avancée va proposer ses places disponibles au travers de l'un de ces sites. On choisit alors comme au marché de rejoindre l'abonnement d'untel ou d'untel.
Si vous avez par exemple un abonnement Famille de Spotify, vous disposez d'une capacité de six profils d’utilisateurs différents. Mettons que vous n'ayez l'usage que de quatre, les deux qui ne servent à rien peuvent être utilisés par d'autres personnes qui vous rembourseront au travers de ces sites.
Dans le cas présent, ces deux "co-abonnés" Spotify paient chacun 1/5 du prix de l'abonnement Famille : soit un peu plus de 3 € au lieu de 9,99 € pour un abonnement solo (même l'abonnement étudiant sera un poil plus cher). Celui qui partage son abonnement est remboursé d'une fraction de son paiement mensuel, et le site qui fait se croiser tout ce monde se rétribue par une petite commission mensuelle sur le paiement du co-abonné et une autre lors de la mise en relation initiale.
Si un service de streaming a des limites dans son utilisation, le nombre de comptes partageables en tiendra compte. Un abonnement Netflix autorise ainsi 5 profils utilisateurs, mais on ne peut partager que 2 ou 4 comptes puisque c'est la limite du nombre d'écrans utilisables simultanément dans les formules Standard et Premium.
Selon les services en ligne, le partage d'un compte est plus ou moins fluide. Certains obligeront à s'échanger des identifiants et mots de passe, d'autres peuvent transmettre l'accès à un compte secondaire par un lien (tel iCloud) qui permettra de créer son propre compte. Et puis il y a d'autres cas, comme iCloud justement, qui impose un délai d'un an avant de rejoindre une autre "famille". D'un service à l'autre, il faut ainsi vérifier le fonctionnement qui lui est propre.
Plusieurs garde-fous ont été également prévus chez les uns et les autres pour éviter les défauts de paiement ou que l'arrêt d'un abonnement soit obligatoirement précédé d'un préavis pour le co-abonné.
Le système n'a pas été du goût de Netflix, Apple et Disney+ qui ont attaqué Spliiit fin 2019 pour contrefaçon de marques et infraction à leurs conditions générales d'utilisation. Le trio a été débouté par le Tribunal de grande instance de Paris en mars 2022. Lequel faisait remarquer que les conditions générales d'Apple ne proscrivaient pas cette pratique ou que les services clients de Netflix et Disney faisaient une lecture favorable des règles de partage aux abonnés qui les interrogeaient à ce sujet. L'affaire n'est pas terminée, elle doit être encore jugée sur le fond.