Il y a comme un problème dans le petit monde du streaming, et même plusieurs. Comme par exemple ces fraudes qui permettent de « gonfler » le nombre d'écoutes de tel ou tel morceau. Ou encore la pratique consistant à téléverser des clips de 31 secondes qui sont tout juste assez longs pour être qualifiés d'écoute. Il y a aussi la prolifération de morceaux d'une qualité douteuse, comme ces plages d'ambiance pour aider à dormir qui noient littéralement les catalogues.
« En ce moment, nous avons un défi de quantité par rapport à la qualité », confie Universal Music auprès du Financial Times. « Il devient de plus en plus difficile pour les nouveaux artistes d'éclore, pour que les nouveautés puissent être découvertes ». Pour beaucoup de musiciens « légitimes », le système actuel et ses failles les prive des moyens de leur subsistance.
C'est pourquoi la major, qui contrôle près du tiers du marché mondial de la musique, a lancé des discussions avec plusieurs plateformes de streaming, dont Spotify et Tidal. On ignore si Apple Music fait partie de ces échanges. La question centrale : comment changer le modèle du streaming ? L'idée est de mettre en place un système qui supporte tous les artistes, aussi bien les amateurs éclairés que les indés, ainsi que ceux qui émargent dans les grandes maisons de disques.
D'une manière plus concrète, il s'agit de repenser la répartition du fruit des abonnements pour l'ensemble des artistes, explique Tidal. Cela passe par la chasse aux bots — 10 % de tous les streams aux États-Unis proviendraient de ces fameux bots —, et aussi du bannissement des « chansons » de 31 secondes.
7 à 10 % de fraude dans les chiffres du streaming, Apple serait un mauvais élève
Universal cherche également à mettre à contribution les artistes eux-mêmes : les musiciens qui parviendraient à attirer de nouveaux utilisateurs et à maintenir un bon taux de rétention sur les plateformes pourraient ainsi être rémunérés pour cette tâche, via un système de « bonus ». Il faudra pour cela être capable de mesurer l'engagement des fans sur les réseaux sociaux. La major et Tidal explorent les possibilités.
Un nouveau modèle économique pour le streaming
Autre suggestion évoquée : un nouveau palier pour les abonnements, plus cher, qui permettrait aux « super fans » de bénéficier de privilèges comme un accès plus direct à leurs artistes.
Les plateformes et les ayants droit n'échapperont pas à une réflexion sur la manière dont le système fonctionne. La répartition des sommes tirées des abonnements est réalisé en fonction des parts de marché globales des artistes, pas en fonction des artistes écoutés. Cela favorise les artistes qui multiplient les chansons courtes afin de maximiser le nombre de lectures.
Les changements voulus par Universal et d'autres acteurs du secteur pourraient bousculer le prix de l'abonnement standard fixé autour de 10 €/$ par mois. Les services de streaming pourraient finir par moduler davantage l'accès à leurs contenus. On n'est encore qu'aux prémisses de ces discussions, les choses peuvent donc encore beaucoup changer.
Pendant ce temps, Spotify a franchi un impressionnant seuil symbolique, celui des 200 millions d'abonnés payants. En l'absence obstinée de chiffres provenant du plus proche concurrent Apple Music, le service anglo-suédois de streaming est donc la première plateforme dans ce domaine d'activité à dépasser ce cap, avec un total de 205 millions d'abonnés payants au 31 décembre, soit 14 % de plus par rapport au même trimestre 2021.
Spotify compte un total de 489 millions d'utilisateurs actifs mensuels, en hausse de 20 %. Par contre les effectifs vont dégonfler de 6 %…
Source : Vignette : Guillaume TECHER, Unsplash