Après les cartes géographiques, Apple pourrait-elle couper les ponts avec Google sur son moteur de recherche ? C'est le scénario étudié par l'analyste de Bernstein, Toni Sacconaghi, qui suit de près l'actualité de la Pomme.
L'hypothèse avancée est qu'Apple ne fasse plus de Google le moteur de recherche par défaut de Safari. À la place, elle installerait son propre moteur de recherche et, pour ne pas partir de zéro, elle achèterait le service DuckDuckGo.
DuckDuckGo, né en 2008 et basé en Pennsylvanie, fait déjà partie des trois moteurs — avec Yahoo et Bing — que Safari propose dans ses réglages en alternative à celui de Google. Sa principale particularité est de refuser de collecter des données sur ses utilisateurs lorsqu'ils effectuent des recherches et de ne pas les pister. Une extension pour Safari ajoute une fonction de bloqueur de pubs.
Un positionnement pro-vie privée que le moteur affiche en ce moment un peu partout en France par de grands affichages publicitaires.
Cette politique de DuckDuckGo pourrait s'aligner avec celle plus générale d'Apple vis-à-vis de la gestion des données personnelles, fait valoir Toni Sacconaghi. En outre, le service n'est pas une grosse proie financièrement parlant. En 2011, DuckDuckGo a levé 3 millions de dollars de ses investisseurs et 10 millions de plus en 2018.
Cette société, qui compte moins de 100 employés, tire ses autres revenus de la publicité. Des annonces qui apparaissent en regard des résultats de recherche, comme chez Google, mais qui ne collent pas aux semelles de l'internaute au fil de ses déambulations ultérieures sur le web.
Dans sa note aux investisseurs, dont Barrons publie des extraits, Toni Sacconaghi liste ces avantages mais aussi des inconvénients à cette hypothétique opération.
Le contrat qui lie Apple à Google est estimé à quelques 7 ou 8 milliards de dollars annuels (aucune des deux sociétés n'a jamais communiqué de chiffre). Ce montant équivaut à 30 % des 25 milliards de dollars que Google générerait grâce à la publicité tirée des recherches effectuées via des produits d'Apple.
Google paierait cette somme en partie pour empêcher un autre acteur — Microsoft et son moteur Bing — d'occuper cette place de choix dans Safari. Rappelons au passage qu'à l'automne 2019, Google a remplacé Bing pour les réponses fournies à certaines requêtes de Siri. Apple avait présenté ce changement par une volonté d'homogénéiser les résultats fournis depuis Siri et Safari.
Google pourrait néanmoins décider de se passer de ce placement par défaut pour économiser cet énorme chèque qu'il signe tous les ans à Cupertino. Son calcul étant qu'une proportion majoritaire des utilisateurs — de l'ordre de 70 % d'entre eux — continueraient de toute façon à aller sur Google.com pour ses recherches, même si cela implique un peu plus de gymnastique. En résumé, ce que Google perdrait éventuellement en visites il le compenserait en ne payant plus sa « taxe Apple ».
N'ayant plus Google, Apple pourrait monnayer cette place dans Safari mais le choix des prétendants se résume à Microsoft. D'où la suggestion d'une acquisition de DuckDuckGo afin qu'Apple suive sa propre voie, sans plus dépendre d'un autre acteur.
Toni Sacconaghi estime qu'Apple pourrait emporter DuckDuckGo pour moins d'un milliard de dollars, une paille pour la Pomme. Une telle acquisition ne permettrait probablement jamais de retrouver les revenus obtenus de Google, admet l'analyste : « Néanmoins, Apple serait probablement mieux loti que dans le pire des scénarios où il n'y aurait pas de plan B, si Google ou Microsoft (ou les deux) se retirent du processus de négociation ».
Dans la colonne des points négatifs liés à une telle annonce d'acquisition, Sacconaghi inscrit aussi l'intérêt que des autorités de régulation pourraient porter aux termes exacts du contrat qui lient Google à Apple. Ensuite, si l'opération venait à être bloquée par des régulateurs, Apple se retrouverait en position de faiblesse face à Google et Microsoft. Enfin, DuckDuckGo ajoutant au pot de ses résultats globaux ceux provenant de Bing, là encore, il faudrait pour Apple trouver un moyen de supprimer cette dépendance.
Quoi que réserve l'avenir — depuis la naissance douloureuse de Plans, Apple sait mieux que personne qu'un décrochage abrupte des services de Google ne doit pas se faire à la légère — DuckDuckGo et Apple continuent de se suivre. Fin mai, le moteur de recherche a annoncé qu'il intégrait plus profondément les cartes de Plans à sa présentation de résultats après des recherches sur des lieux.