Face aux impressionnantes forces de frappe de Disney+, de Netflix et même de Prime Video, Apple TV+ fait figure de nain avec sa quinzaine de programmes dont tous ne seront pas forcément disponibles au complet le 1er novembre. Durant sa dernière escapade européenne, Tim Cook en a convenu : Apple TV+ ne veut pas remplacer la concurrence, mais humblement faire partie des autres services de streaming d'un amateur de télévision.
Du moins, ce sera le cas pour le lancement. Apple prépare déjà la suite en offrant un an de TV+ aux acheteurs de produits nouveaux et reconditionnés. Au bout de l'offre gratuite, on verra où en sera le catalogue du service de streaming, qui en aura davantage à offrir et pourra peut-être en remontrer aux petits camarades. En attendant, il va falloir que les premiers programmes soient bons pour faire bonne impression.
Et pour ça, Apple a mis les petits plats dans les très très grands. Avec ses poches profondes, le constructeur peut à peu près tout se permettre, les plus grandes stars, les réalisateurs de premier plan, les meilleurs scénaristes et showrunners. Le Hollywood Reporter fait le point sur l'impressionnant investissement de la Pomme à Hollywood, à commencer par la première série de prestige signée par le constructeur, The Morning Show.
Chaque épisode de cette série est facturé 15 millions de dollars, et pour le moment deux saisons de dix épisodes chaque sont programmées. Bim, 300 millions de dollars… soit deux gros blockbusters à la Marvel. Cet été, on apprenait que See, la série avec Jason Momoa, revient elle aussi aux alentours de 15 millions par épisode, soit un total de 150 millions pour la première saison. Pour donner un ordre d'idée, un épisode de la saison 6 de Game of Thrones coûtait à peu près 10 millions.
On verra si l'argent nécessaire pour The Morning Show se verra à l'écran, ou si les stars embauchées pour l'occasion — Jennifer Aniston, Reese Witherspoon, Steve Carell — se sont payées sur la bête. D'après le Hollywood Reporter, les deux têtes d'affiche féminines ont négocié un cachet de 2 millions par épisode… Par ailleurs 🚨 ATTENTION SPOILER 🚨 la production cherche un nouvel homme fort pour la deuxième saison, Steve Carell n'ayant signé que pour la première.
En plus de l'argent versé à grands flots dans la production des séries, Apple ne manque pas de générosité sur les plateaux. Les showrunners, scénaristes, les membres de l'équipe de tournage, les acteurs se voient offrir les derniers produits du constructeur. L'article évoque ainsi des représentants d'Apple passant sur le plateau de Dickinson, demandant aux présents quel iPhone ou iPad ils préféraient !
Au-delà de l'anecdote, la publication revient aussi sur l'incursion des dirigeants et cadres d'Apple dans le contenu même des programmes. Eddy Cue avait démenti la rumeur selon laquelle la direction du groupe, et même Tim Cook, faisaient passer des « notes » pour influencer tel ou tel contenu, l'adoucir et le rendre plus « family friendly ». Le contenu explicite doit être au service de l'histoire et en bout de course, le programme doit se fondre dans l'identité de la « marque » Apple (et si possible ne pas froisser la Chine).
Cela n'empêche pas les clashs de production. Le reboot/remake de la série fantastique Amazing Stories, supervisé par Steven Spielberg, aurait dû faire partie du lancement initial d'Apple TV+. Mais les deux premiers showrunners, Bryan Fuller et Hart Hanson, voulaient tourner des histoires plus cruelles et violentes à la Black Mirror (dont une impliquant une folle de chats tuée par ses minous). Apple et Universal Television, impliqué dans la production, ont réfréné les ardeurs des scénaristes, qui se sont fait montrer la porte de sortie.
Apple en particulier cherchait une série plus « inspirante ». Elle a placé à sa tête des scénaristes plus sages, en l'occurrence Edward Kitsis et Adam Horowitz (la série Once Upon a Time). À la décharge du constructeur, de tels départs sont monnaie courante dans le milieu de la production audiovisuelle. Mais Amazing Stories ne pouvait plus matériellement faire partie du lot de programmes pour le lancement d'Apple TV+.
Pour la Pomme, ces difficultés de positionnement ne sont pas nouvelles. Pendant la période un peu fofolle durant laquelle l'entreprise s'était piquée de produire seule du contenu vidéo — aboutissant au bien falot Planet of the Apps et au moyennement bien balancé Carpool Karaoke —, une saison entière de Vital Signs a été tournée. Cette série, qui mettait en scène Dr Dre dans une sorte d'allégorie de sa vie d'avant Beats, était particulièrement graphique. Une scène d'orgie a été jugée trop explicite pour la direction d'Apple et pour Tim Cook… Résultat, la série n'a jamais été diffusée.
Il ressort de cet article qu'à Hollywood, Apple ressemble à un poisson hors de l'eau. Les mœurs et les pratiques y sont bien différentes de celles qui sont dans les habitudes du constructeur, à commencer par le culte du secret et le contrôle — ce qui a d'ailleurs poussé le réalisateur et producteur J.J. Abrams à repousser l'offre à 500 millions de dollars faite par Apple TV+, afin de conserver un peu de liberté.
Dans les coulisses, le lancement du service auprès des critiques télé et ciné et des « influenceurs » serait assez chaotique, la stratégie habituelle d'Apple précédant la mise en rayon d'un produit se dupliquant mal pour des séries TV. La rumeur veut d'ailleurs que J.J. Abrams ait moyennement apprécié le special event du printemps (ce qui n'empêchera pas le réalisateur de Star Wars : l'Ascension de Skywalker de fournir du contenu à Apple TV+).
Malgré tout, les premiers critiques qui ont pu voir les contenus d'Apple TV+ semblent plutôt optimistes sur la qualité des programmes. Et en bout de course, c'est ce qui compte…