Depuis quelques mois les principaux éditeurs de livres aux États-Unis et en Europe font l'objet d'une enquête des autorités de régulation sur les deux continents. Certains seraient aujourd'hui plus disposés à trouver un arrangement.
D'après différentes sources du Wall Street Journal, trois éditeurs auraient choisi la voie de l'accord (Simon & Schuster, HarperCollins et Hachette) et deux autres, en plus d'Apple, feraient encore de la résistance (Pearson et Macmillan). En jeu, le renoncement au modèle d'agence dans la distribution des livres électroniques.
Un système de fixation des prix adopté par ces acteurs à la faveur de l'arrivée de l'iPad et de son iBookstore. Le modèle proposé par Apple est que les éditeurs fixent leurs prix de vente aux détaillants, à l'inverse du système utilisé jusque-là et qui a fait les beaux jours d'Amazon. Les autorités de régulation accusent ces éditeurs de collusion et par conséquent de pratique anticoncurrentielle.
L'année dernière, la Société des Auteurs britannique comparait les avantages et inconvénients des deux systèmes (les éditeurs anglais sont aussi sous la loupe du régulateur local).
Dans le modèle traditionnel, un livre électronique est par exemple prévu pour avoir un prix public de 20£. L'éditeur accorde une remise de 50% à Amazon qui l'obtiendra donc pour 10£ avant de le mettre en vente sur son site. Sur ces 10£ payés à l'éditeur, 25% vont à l'auteur (2,50£). Amazon toutefois vendait ces livres à ses clients non pas proche des 20£ suggérés par l'éditeur, mais un peu moins de 10£, c'est à dire à perte.
Amazon procède avec les livres comme Apple auparavant avec la musique et les iPod : l'objectif est moins de gagner de l'argent sur le contenu que le contenant, ici les liseuses Kindle. Une approche qui a fait craindre aux éditeurs une position dominante d'Amazon sur ce marché en devenir, et une concurrence insoutenable pour les livres papier forcément plus chers. La Société des Auteurs poursuit, en détaillant le modèle d'agence dans lequel le vendeur (Apple ou ses concurrents) prélève cette fois 30% et laisse 70% aux éditeurs :
Admettons que l'éditeur fixe le prix public de l'e-book à 10£ : l'éditeur reçoit 7£ sur lesquels l'auteur perçoit 1,75£. En revanche, si le prix public de l'e-book est fixé plus haut, à mettons 13£, l'éditeur reçoit 9,10£ et l'auteur est payé 2,27£.Ce nouveau mode de calcul avec le modèle d'agence peut défavoriser l'éditeur et l'auteur (le cas de figure à 10£), sauf à ce que les prix de vente aux consommateurs soient revus à la hausse (le cas à 13£). C'est ce qui s'est effectivement produit. Du jour au lendemain, rappelle le Wall Street Journal, les prix sur Amazon sont passés de 9,99 dollars à 12,99$ voire 14,99$. Un réajustement généralisé qui aurait redonné du souffle aux autres libraires en ligne comme Apple ou Barnes & Nobles, arrivés plus tard sur ce marché. Une autre condition de l'adoption de ce modèle d'agence avec Apple était que les éditeurs ne pouvaient proposer leurs livres aux autres plateformes à des prix moins élevés. Certains éditeurs ont proposé aux régulateurs de supprimer cette clause, sans toucher pour autant au modèle d'agence. Un système dont ils assurent qu'ils l'ont adopté chacun de leur côté, sans entente, et simplement parce qu'il répondait mieux à leurs besoins. Les instances européennes et américaines semblent toutefois peu décidées à faire des concessions. Joaquín Almunia, le Commissaire européen à la concurrence a déclaré : «Les entreprises concernées savent très bien avec quelles conditions nous sommes prêts à trouver un accord. Si celles-ci ne peuvent être remplies de manière satisfaisante, nous poursuivrons nos investigations».