L’an dernier, le Festival de Cannes avait créé la polémique en glissant dans sa sélection deux longs-métrages qui appartenaient à Netflix et qui ne sont pas sortis dans les salles françaises, chronologie des médias oblige (lire : La sélection cannoise relance la polémique sur la chronologie des médias). Avant même l’ouverture de l’édition 2017, l’institution avait modifié sa politique pour les années suivantes : seuls les films sortis en salles ou qui ont prévu de sortir dans les cinémas pourront être sélectionnés et soumis au jury.
Alors que le Festival de Cannes se prépare pour 2018 qui se déroulera du 8 au 19 mai, son président s’est exprimé en fin de semaine dernière, pour annoncer quelques changements de règles. Thierry Frémaux a évoqué le calendrier légèrement amendé (le festival aura lieu du mardi au samedi en huit, et non du lundi au dimanche comme avant), quelques changements dans les diffusions à la presse et en public, mais aussi l’interdiction des selfies en haut des marches. Les stars et tous les autres invités ne pourront plus se prendre en photo, parce que, justifie son président :
En haut du tapis rouge, la trivialité et le ralentissement provoqués par le désordre intempestif créés par la pratique des selfies nuit à la qualité de la montée des marches. Et donc au Festival tout entier.
On leur souhaite bien du courage pour éviter les égoportraits lors de la montée des marches. Ce sera nettement plus simple pour l’autre politique, celle qui consiste à interdire Netflix et les autres services de streaming similaires, comme Prime Video d’Amazon. Thierry Frémaux a indiqué qu’il espérait convaincre ces géants américains de sortir leurs films dans les cinémas français, et donc se plier à la chronologie des médias :
L’an dernier, lorsque nous avons sélectionné ces deux films, je pensais convaincre Netflix de les sortir en salle. J’étais présomptueux : ils ont refusé. Désormais, tout film en compétition devra sortir dans les salles françaises.
Faut-il le rappeler ? Netflix a refusé de sortir Okja et The Meyerowitz Stories, ses deux films en compétition, au cinéma parce que la loi française l’aurait ensuite empêché de les proposer à ses abonnés pendant 36 mois. Le service de streaming a cherché un compromis avec une sortie limitée à quelques jours, juste avant de diffuser les deux longs-métrages en streaming, mais aucune exception n’a été accordée. Et les deux films sont donc sortis exclusivement sur Netflix, et dans aucun cinéma français, nonobstant les diffusions cannoises naturellement.
La situation est désormais plus claire, et tant pis pour les réalisateurs de renom qui travaillent avec ces nouveaux-venus et qui seront privés de Festival de Cannes. Peut-être d’ailleurs que les organisateurs du festival espèrent que cette interdiction poussera ces réalisateurs à refuser les financements proposés par Netflix et les autres, au profit des acteurs traditionnels du marché ? Dans tous les cas, Thierry Frémaux a beau « [défendre] l’image d’un festival qui prend des risques, interroge le réel et doit être chaque année au cœur des débats », et juger « préférable que tout cela se passe à Cannes qu’ailleurs », il ferme la porte à des services de streaming et un mode de consommation qui sont toujours plus populaires…