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La sélection cannoise relance la polémique sur la chronologie des médias

Nicolas Furno

mardi 18 avril 2017 à 10:43 • 25

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Comme tous les ans, le Délégué général du Festival de Cannes a présenté la sélection de films qui participeront à la compétition. Cette année, la sélection annoncée par Thierry Frémaux a relancé une vieille polémique française, puisque deux films sur les dix-huit sélectionnés appartiennent à Netflix. The Meyerowitz Stories réalisé par Noah Baumbach et Okja de Bong Joon-ho sont prévus pour sortir sur le service de streaming dans le courant de l’année.

Après Snowpiercer, le Transperceneige, Bong Joon-ho a de nouveau travaillé avec Tilda Swinton sur Okja. Cliquer pour agrandir

C’est la première fois qu’un film original Netflix a été sélectionné à Cannes, ce qui est une reconnaissance du travail mené par l’entreprise américaine en faveur des contenus originaux. Pour les abonnés du monde entier, ce sera l’assurance de voir une œuvre sélectionnée au festival très rapidement après sa diffusion sur la Croisette, et sans avoir à payer davantage que leur forfait mensuel.

Dans le monde entier… sauf peut-être en France, à nouveau. La chronologie des médias qui régit le rythme des sorties dans l’Hexagone empêche Netflix de proposer ses propres films pendant 36 mois si l’entreprise souhaite les diffuser dans les cinémas. Pour tous ses autres films originaux, le service a fait le choix de se passer de sorties en salles pour les proposer uniquement à ses abonnés. Mais cette mise en avant procurée par la sélection officielle du Festival de Cannes fait grincer des dents dans le milieu.

Dès le départ, Thierry Frémaux a annoncé que des négociations étaient en cours pour permettre à ces deux longs-métrages de sortir en salles, contrairement à ce qui était prévu. La Fédération Nationale des Cinémas Français (FNCF) a publié dans la foulée un communiqué de presse pour peser dans la demande. Pour faire simple, cette organisation qui regroupe les salles de cinéma françaises et leur donne une voix unique voudrait que tous les films diffusés pendant le Festival de Cannes bénéficient d’une sortie au cinéma. Et donc, qu’ils entrent dans le cadre de la chronologie des médias.

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Ce n’est pas la première fois que la question s’est posée. L’an dernier, Netflix avait acheté les droits de diffusion de Divines, un long-métrage français récompensé de la Caméra d’Or lors de l’édition 2016 du Festival de Cannes. Le film est sorti en salles à la fin de l’été 2016 et il est disponible depuis le mois de novembre sur Netflix partout sauf en France, où il devra attendre 2019.

La situation est un petit peu différente pour les longs-métrages de Bong Joon-ho et Noah Baumbach toutefois, puisque Netflix est cette fois le seul acteur, à la fois producteur et distributeur exclusif. Rien n’oblige l’Américain a écouter la FNCF ou le Directeur Général du Festival et les deux films peuvent très bien être proposés dès cette année en streaming en France. À condition toutefois de refuser une sortie en salles, c’est la règle.

Sauf que d’après Variety, Netflix chercherait bien à trouver un accord pour diffuser les deux films dans les salles françaises. Est-ce que le géant de la SVOD cherche une solution intermédiaire, avec une sortie dans quelques salles pour satisfaire les cinéphiles sans entrer dans le cadre de la chronologie des médias ? Ce serait techniquement possible, mais peut-être aussi que le service ne veut pas se mettre à dos l’industrie du cinéma français, préfère respecter la législation et faire patienter 36 mois de plus ses clients français.

Pourra-t-on rapidement voir les films Netflix en France ?

À l’heure des bilans, les utilisateurs français du service seront les premiers perdants si Netflix cède. Mais aussi peut-être les films, comme le rappelle justement ZDNet. Le site a analysé les chiffres de tous les films sélectionnés par le Festival de Cannes en 2016 et seul Juste la fin du monde de Xavier Dolan a dépassé le million d’entrées. La majorité n’a pas séduit 500 000 spectateurs et six longs-métrages ont rassemblé moins de 100 000 personnes dans les salles.

Il faut dire que la sélection est souvent composée de « petits » films, ou en tout cas un cinéma d’auteur qui ne bénéficie que d’une sortie limitée. Quelques salles, souvent surtout parisiennes, et très peu de spectateurs pour venir les voir. Netflix leur offrirait une audience nettement plus large (bientôt 100 millions d'abonnés dans le monde) et surtout une durée de vie plus longue. Le calendrier des sorties au cinéma est souvent très rapide et seuls les blockbusters tiennent plus de deux ou trois semaines à l’affiche. À l’inverse, le catalogue d’œuvres qui parviennent au service de streaming reste sur le service en permanence, sans aucune contrainte.

En contrepartie, les sorties de films originaux sur Netflix sont plus discrètes, pour ne pas dire encore invisibles. On parle beaucoup des séries de l’Américain, moins des longs-métrages, pourtant déjà bien nombreux. IndieWire cite en guise d’exemple le cas de Tramps, une œuvre d’Adam Leon qui sortira vendredi prochain dans le monde entier, exclusivement sur Netflix.

Le site indique que ce film indépendant aurait mérité l’attention d’une sortie nationale et critique aussi Netflix pour son manque d’attention pour ses créations originales. Il faut bien reconnaître que l’interface a tendance à les noyer un petit peu et à mettre sur le même plan les plus grands films et les séries plus légères. Le problème ne va qu’en s’aggravant, alors que le service multiplie les acquisitions et les projets originaux et on peut avoir le sentiment de rater la majorité de ce qui se passe.

C’est un problème dans l’ancien modèle où la sortie cinéma était le pic d’attention pour un long-métrage, mais les films originaux Netflix resteront nettement plus longtemps sur le service que dans les salles, s’ils étaient sortis au cinéma. Certes, ils sont un peu perdus au milieu de tout le reste, mais ce n’est qu’un problème d’interface qui peut être réglé. Et puis le service parie avant tout sur les recommandations personnalisées qui sont, certes, encore largement perfectibles, mais une bonne solution en théorie. Et rien n’interdit la presse et les critiques de s’y intéresser, même s’ils ont privilégié les sorties en bonne et due forme jusque-là.

Ces longs-métrages ne seront plus appréciés sur le grand écran d’un cinéma, avec un projecteur (en théorie) calibré à la perfection pour une qualité d’image (théoriquement) parfaite. C’est un fait, mais ce n’est pas un argument suffisant pour une bonne partie des spectateurs, sans compter que la réalité est parfois éloignée de la théorie. L’usage évolue et on regarde de plus en plus de vidéos sur nos smartphones ou au moins sur un téléviseur.

Netflix permet, aussi, de regarder les vieux épisodes de Star Trek sur un smartphone.

L’expérience du cinéma restera toujours différente, ne serait-ce que pour sa capacité à enfermer les spectateurs dans une bulle (plus ou moins) coupée du monde. Ceux qui apprécient cette expérience devraient toujours pouvoir en profiter et Netflix en a certainement conscience. Outre-Atlantique, le service a d’ailleurs signé un accord pour diffuser certains de ses longs-métrages dans les salles iPic, un réseau qui a fait le pari du haut de gamme. Netflix a aussi réitéré dans ses derniers résultats trimestriels qu'il était ouvert à l'idée d'une sortie simultanée dans les salles.

Netflix pourrait proposer une sortie en même temps sur son service et dans les salles de cinéma. Ou au minimum, une sortie cinéma suivie d’une mise à disposition en streaming. Malheureusement, même si c’était son souhait, c’est totalement impossible en France, chronologie des médias oblige. Et même si certains souhaitent la modifier, ce serait uniquement pour réduire le délai entre la salle et le streaming de 36 mois à 25 mois.

Avant la sélection cannoise et la polémique, Netflix avait prévu de sortir Okja sur son site le 28 juin 2017, y compris en France. The Meyerowitz Stories n’a pas encore de date de sortie fixe, mais il était prévu au départ pour 2017. Rappelons aussi que le service a acheté les droits sur le prochain film de Martin Scorsese, The Irishman. Sa sortie est prévue pour le moment pour 2019.

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