Si Apple Music et Beats 1 mettent volontiers l’accent sur les musiques urbaines et le hip-hop, ce n’est pas innocent : ces genres sont les plus populaires, qu’on les apprécie ou pas. Mais cet engouement pourrait reposer en partie sur des résultats d’écoute bidonnés. Le Syndicat national de l’édition phonographique (SNEP) a détecté des « anomalies » concernant une poignée d’artistes hip-hop, qui « cumulent des scores d'écoutes démesurés sur les plateformes de streaming audio », d’après un document interne révélé par Les Echos.
C’est notamment le cas durant les sorties d’albums, où les scores d’écoute sur les services de streaming audio sont bien plus élevés que sur d’autres plateformes comme YouTube ou le téléchargement payant. Curieux, même si les Français sont de plus en plus adeptes des Spotify, Deezer ou Apple Music : l’an dernier, le SNEP a comptabilisé 28 milliards de streams (+55%). Chaque jour, ce sont 540 millions de morceaux qui sont écoutés par ce biais (lire : Le streaming supplante le téléchargement de musique aux États-Unis).
Les artistes, leurs proches ou leurs labels pourraient utiliser des services vendant des « écoutes » : 1 500 € les 500 000 écoutes sur Spotify, propose ainsi une de ces sociétés peu scrupuleuses qui fait de la publicité sur les réseaux sociaux. Le Syndicat explique que 70 logiciels d’écoute en boucle suffisent pour installer un morceau dans le Top 10 hebdomadaire (1,4 million d’écoutes sont nécessaires). La cadence de ce type de logiciel est de 20 000 écoutes d’une même chanson par semaine, en sachant que la lecture du titre doit être de 31 secondes minimum pour être prise en compte.
Un tel classement permet aux ayants droit d’augmenter leurs revenus de manière artificielle. Les services de streaming établissent les parts de marché des artistes suivant le nombre de streams, ce qui leur permet ensuite d’établir la rémunération à verser à ces mêmes artistes. Sans oublier qu’une fois dans le Top 10, les radios embrayent et intègrent le morceau dans leurs playlists, provoquant un effet boule de neige qui démultiplie les revenus pour les détenteurs des droits ; les négociations avec les maisons de disques se basant aussi sur le nombre de streams, on comprend à quel point les manipulations des volumes des écoutes sur les sites de streaming peuvent avoir un impact.
Si ces pratiques étaient avérées, ce qui n’a pas été formellement prouvé, l’industrie devra envisager des remboursements. Du côté de la maison de disques Believe, on assure que les procédures de contrôle sont efficaces et que « ni nous, ni les Deezer, Spotify ou Apple Music n'avons constaté de problèmes récemment ». Le SNEP se contente de constater une consommation « spectaculaire » de ces artistes, qui ont des fans « très consommateurs de streaming ».