Depuis quelques semaines, l’utilisation des services de Qobuz est bien compliquée chez les clients d’Orange, la faute à un problème d’appairage. À la suite de la parution de notre premier article sur le sujet, nous nous sommes entretenus avec Denis Thébaud. Le PDG de Xandrie, propriétaire de Qobuz depuis un peu plus d’un an, déplore l’absence de communication de l’opérateur.
À l’heure de la rédaction de cet article, nous n’avons d’ailleurs pas réussi à prendre langue avec un interlocuteur qualifié chez Orange. En attendant, nous avons interrogé plusieurs de ses salariés, dont certains nous ont confirmé avoir eu vent des difficultés des clients de Qobuz. D’autres disent n’en avoir jamais entendu parler : il faut dire que si les messages se multiplient sur le forum d’Orange, ils ne représentent que quelques centaines de personnes.
Un abonné à l’offre de streaming « Sublime » de Qobuz, facturée 219,99 € par an, explique avoir appelé plusieurs fois le service client d’Orange. Après un test de sa connexion, qui n’a fait ressortir aucun problème technique, on lui alors conseillé… de se désabonner de Qobuz pour passer à Deezer ! L’autre acteur français du streaming est soutenu par Orange, notamment par le biais d’un partenariat récemment prolongé jusqu’en 2018, et propose une offre « Elite » directement concurrente de celle de Qobuz.
Des propos maladroits plus que malfaisants, mais qui font sortir Denis Thébaud de ses gonds : « ce sont nos clients qui devraient se désabonner d’Orange ! » Le patron de Qobuz dit se heurter à « une pyramide d’interlocuteurs » qu’il est « difficile de remonter ». Tout au plus a-t-il réussi à confirmer que les déconnexions du service de streaming et les lenteurs de téléchargement étaient bien dues à un problème d’appairage, qui sera « peut-être » résolu le 31 janvier prochain.
Un problème sans doute lié au fait que Qobuz loue désormais les services web d’Amazon (AWS). Le leader de la vente en ligne est aussi l’un des principaux acteurs de l’« infonuagique », dont les serveurs sont utilisés par Alcatel-Lucent et Lafarge comme par Netflix et Spotify. Énorme source de trafic, AWS déséquilibre les échanges de données entre opérateurs des différents réseaux constituant internet, le fameux « appairage » ou peering.
L’appairage est souvent gratuit lorsque les échanges sont équilibrés, mais une forte asymétrie déclenche traditionnellement des mécanismes de compensation financière. Qu’un opérateur discute du montant, ou ne puisse pas encaisser un flux de données destiné aux abonnés d’un autre opérateur, et la mécanique se grippe. La connexion à certains services peut alors être ralentie, parce qu’elle emprunte une route plus longue par exemple.
C’est a priori la source des ralentissements constatés par les clients de Qobuz sur leur ligne Orange. Les données de Qobuz hébergées chez Amazon transitent tantôt par le réseau de l’opérateur nippo-américain NTT Communications, auquel cas le service fonctionne convenablement quoiqu’avec quelques hoquets, tantôt par celui de l’opérateur scandinave Telia, auquel cas les débits sont fortement dégradés.
Cela ne veut pas forcément dire que Telia et Orange s’affrontent pour « des histoires de gros sous » : il est aussi possible que l’interconnexion entre les deux opérateurs sature, ce qui expliquerait pourquoi la dégradation est plus sensible le soir et le week-end. Dans les deux cas, l’utilisation d’un VPN peut régler le problème, puisque d’autres routes sont alors empruntées. Qobuz n’est pas le seul concerné : des utilisateurs de Twitch et de Steam se plaignent aussi de problèmes liant Telia et Orange.
Orange devra éclaircir ces points : nous mettrons à jour cet article dès que nous aurons réussi à obtenir plus d’informations. S’il est indéniable que la communication de l’opérateur sur le sujet gagnerait à être améliorée, il faut aussi s’interroger sur l’incapacité de Qobuz à anticiper les problèmes que pourrait causer son « déménagement » chez Amazon, et surtout à se faire entendre auprès de l’opérateur. Xandrie a sauvé Qobuz de la faillite, mais ne l’a pas encore sorti de l’ornière…