Eddy Cue, le « monsieur contenus » d'Apple, a donné une interview à Hollywood Reporter au lendemain du lancement du télé-crochet « Planet of the Apps », qui va mettre aux prises des développeurs d'applications dans une compétition télévisée. L'occasion pour lui de revenir sur la stratégie pas forcément très lisible du constructeur en matière de contenus originaux.
Apple ne va pas se lancer dans le business de la création de séries TV, souligne-t-il. Mais « si nous voyons que quelque chose est complémentaire avec ce que nous faisons sur Apple Music, ou si nous voyons que c'est une chose innovante pour notre plateforme, alors nous pouvons aider, guider, proposer des suggestions ». Eddy Cue l'assure : « Nous n'essayons pas de concurrencer Netflix ou Comcast ».
Apple reste concentrée sur les produits et les services que l'entreprise sait faire « très bien ». Il ne s'agit pas de « nous étendre dans des secteurs où nous ne connaissons pas grand chose, ou là où n'avons pas d'expertise ». Un discours étrange quand on songe aux nombreux domaines où on n'attendait pas Apple, comme la téléphonie ou la vente de musique numérique…
Il n'est pas question pour Apple d'acheter une maison de disques comme cela avait été murmuré il y a quelques années : « Je ne sais pas pourquoi nous ferions ça ». Eddy Cue garde toutefois un peu de mou : « Ce n'est pas que nous ferons jamais rien [en matière d'acquisition], mais je ne suis pas sûr que nous achèterons un studio. Nous aimons travailler avec tous les studios ».
La rumeur a évoqué un moment l'envie d'acquérir le monstre Time Warner (100 milliards de dollars tout de même) : « Nous avons beaucoup de discussions avec eux, mais je ne veux pas spéculer. Nous n'essayons pas activement — pas maintenant en tout cas — d'acheter un studio ». Ces précautions de langage laissent penser que les choses pourraient évoluer quand Apple sentira le besoin de sortir le carnet de chèques.
Alors, la Pomme tâte le terrain et met des billes à droite et à gauche. Ici pour des documentaires avec le magazine Vice, là pour une série bizarre autour de Dr Dre. « Nous ne produisons que du contenu qui est lié à nos produits. Actuellement, c'est Apple Music (…) Si j'étais un agent, je serais très, très emballé sur ce que nous sommes en train de faire, parce que cela permet aux personnes représentées [par ces agents] d'en faire plus ». Un discours qui reflète celui de Larry Jackson, en charge du contenu original pour Apple Music (lire : Apple Music se rêve comme le MTV du streaming).
En ce qui concerne la télévision en elle-même et son modèle économique, Apple semble maintenant avoir abandonné toute idée de proposer un bouquet de chaînes à pas cher. Eddy Cue n'est pas un fan de ces bundles, dit-il. En revanche, il pense que les téléspectateurs paient pour le contenu qu'ils apprécient. « Les gens paient Netflix, et ils sont heureux de le faire. Et pourquoi cela ? Parce qu'ils sont heureux de ce qu'ils obtiennent de Netflix. La question concernant les bundles, c'est : "Pourquoi les clients ne sont-ils pas contents ?" ».
Ces téléspectateurs ne sont donc pas heureux de ce qu'ils ont quand ils paient pour des bouquets de chaînes. Eddy Cue donne un autre exemple, celui des programmes TV, illisibles, trop longs, mal fichus. « Pourquoi ne pourrais-je pas dire "Je veux voir un match des Duke". Ou mieux encore, pourquoi est-ce que le système ne le sait pas ? (…) Ces possibilités techniques existent aujourd'hui. Elles ne sont simplement pas disponibles pour la télévision ».
Le plus gros problème de la télévision, selon le vice-président, n'est pas l'innovation matérielle. Ce n'est pas non plus le contenu proposé : « Cela n'a jamais été meilleur ». Non, le plus gros souci c'est la manière dont on consomme la télévision, « généralement au travers d'une box ». « Je pense qu'il y a de grandes opportunités dans ce secteur, parce que les gens veulent regarder [les programmes] sur leurs smartphones, leurs iPad, et leurs TV ».
À la lumière de cette interview, on comprend mieux pourquoi Apple pousse à ce point Molotov, une application qui permet de regarder les programmes de la télévision française d'une manière innovante : c'est exactement le type de service décrit par Eddy Cue (lire : Finie la télé à papa, Molotov est maintenant disponible).