24 heures après, on peut gager qu'il n'y a pas un être humain sur Terre qui ne soit pas au courant de la disparition de David Bowie. Partout sur Terre ? Non ! La petite ville de Cupertino flotte dans une dimension parallèle où le Thin White Duke est toujours bien vivant. La mort du chanteur n'est visiblement pas encore arrivée jusqu’aux oreilles des pontes d'Apple Music : la page d’accueil du service musical se contente de servir les mêmes artistes et les mêmes albums.
Pour trouver une trace de l’artiste, il faut descendre quelques écrans pour voir que la sélection des Playlists du moment propose quatre listes de lecture David Bowie. Sur la page Connect de David Bowie, on peut lire une courte notice nécrologique. Et sinon ? On retrouve dans le carrousel Taylor Swift (qui y a élu domicile pour l’année), les Beatles, ou encore une playlist pour faire du sport. Bowie qui ?
Seul Phil Schiller a eu l'amabilité de rendre hommage à l'alter ego de Ziggy Stardust, dans un tweet où le vice-président du marketing n'a pas oublié de glisser un lien vers la page iTunes de David Bowie — il n’y a pas de petit profit !
Moi qui écoute régulièrement les vieux tubes de Bowie, j’attendais que l'humain censé être aux manettes de la section Pour vous d’Apple Music me propose spontanément quelques playlists et albums du maître. Rien de tout cela ! J’ai même l’impression de voir de moins en moins de recommandations en lien avec David Bowie, même si quelques uns de ses morceaux tournent en boucle sur mon iPhone.
Au moins, Spotify a eu la décence de proposer, peu de temps après la disparition du chanteur, une liste de lecture regroupant tous ses hits :
Sur l’iTunes Store, c’est également encéphalogramme plat dans le carrousel, à l’exception évidemment du dernier album, Blackstar. Heureusement que les clients de la boutique sont plus réactifs qu’Apple : les classements des singles, des albums, des clips vidéos et des films de concert regorgent de compositions de Bowie !
Voilà qui aurait dû mettre la puce à l’oreille des pontes d’iTunes… mais non. David Bowie menait aussi de front une carrière, plus discrète certes, d’acteur au cinéma. Mais pas question de mettre ses métrages les plus connus (L’Homme qui venait d’ailleurs, Furyo, Les Prédateurs, Basquiat, Le Prestige…) à l’honneur dans la section Films d’iTunes…
David Bowie, tout comme Lemmy Kilmister (le leader de Motörhead n’a, à notre connaissance, pas eu droit à la moindre reconnaissance sur Apple Music après sa mort il y a quelques jours), ont le désavantage de ne pas rentrer dans un moule prédéfini, ni d’avoir créé de musique formatée. Il est sans aucun doute plus facile de faire une promotion tapageuse des derniers albums d’Adele ou de Beyonce que de vendre Space Oddity, The Man Who Sold the World, Aladdin Sane, Ziggy Stardust, Station to Station, Low, Heroes, et bien d’autres chefs d’œuvre de l’histoire de la musique.
Dommage pour une entreprise qui aime à rappeler à quel point la musique est importante pour elle. Jimmy Iovine et Eddy Cue ne cessent de vanter la « curation » humaine et l’éditorialisation du service de streaming : elles sont singulièrement absentes ici. L’époque est révolue où le site d’Apple bouleversait sa page d’accueil pour saluer la mémoire de George Harrison.