iTunes est à la fois une application emblématique d’Apple et un logiciel qui déçoit beaucoup une partie de ses plus fervents utilisateurs. Est-ce grave docteur ? Pour comprendre où en est arrivée cette application il faut d'abord remonter à ses origines. D'une certaine manière, iTunes est né dans la précipitation.
iTunes : une app bonne pour la retraite ?
L’histoire d’iTunes est connue. La première version du logiciel d’Apple est sortie en 2001 suite à l’acquisition de SoundJam. Apple avait loupé le boom de la musique sur ordinateur — misant en priorité sur l'attrait pour la vidéo numérique — l’éclosion du MP3 et l’époque où l’on achetait des CD vierges en piles pour graver des listes de lecture. En peu de temps, Apple a fait un virage à 180°, installé des graveurs dans ses iMac et s’est formidablement bien rattrapée avec l’iPod puis l'iTunes Music Store.
Au passage, il est impossible de ne pas dresser un parallèle avec la situation actuelle. Passée complètement à côté du streaming, Apple a de nouveau fait l’acquisition de logiciels, services et compétences tiers, au travers de Beats, pour lancer Apple Music.
iTunes fête donc cette année son quatorzième anniversaire. Il est en fait plus âgé si l’on prend en compte le fait qu’il a mené une vie antérieure sous le nom de SoundJam, qui a débuté sa carrière en 1998.
Ce qui correspond à l’adolescence pour un être humain équivaut à la maison de retraite pour un logiciel. Le plus gros problème d’Apple, c’est qu’elle n’a jamais eu le courage de revoir de fond en comble son application. C’est pourtant une « bonne » habitude chez elle : iMovie est reparti de zéro à plusieurs reprises, Photos a succédé à iPhoto, Final Cut Pro X constituait un nouveau départ pour Apple dans le montage vidéo professionnel…
Une refonte qui n’est jamais venue
À plusieurs reprises, les amateurs d’iTunes ont espéré une refonte qu’ils jugeaient nécessaire. C’était notamment le cas lors de la sortie de la version 10. Il n’en a jamais été ainsi. Apple s'en tient à retravailler certains pans du logiciel, d'en modifier l'interface et d'y ajouter des services.
On pourrait faire un certain parallèle entre iPhoto et iTunes. Concernant le premier, Apple a estimé qu’il était dépassé pour le cloud. Elle est donc repartie de zéro et a donné naissance à Photos. On aurait pu imaginer qu’Apple fasse de même avec iTunes pour la sortie d’Apple Music, il n’en a rien été (lire : Apple Music : pourquoi ne pas avoir tué le père ?).
Au fil des années, iTunes est devenu une véritable usine à gaz cumulant les fonctionnalités : intégration d’une boutique en ligne, gestion de la vidéo, synchronisation et gestion des terminaux iOS, prise en charge de nouveaux services (iTunes Match, Apple Music…), gestion des sonneries pour les téléphones portables, gestion des livres numériques…
Bref, avec le temps, iTunes est devenu un véritable foutoir. Ce qui sans doute bride également le développement du jukebox d’Apple, c’est d’être multi-plateforme. Contrairement à ses autres logiciels, la Pomme doit composer avec cette problématique qui l’empêche de faire du sur-mesure sur Mac.
La compatibilité avec Windows : un boulet et une fausse bonne excuse ?
Apple pourrait se donner les moyens de faire deux versions (Mac et PC) bien distinctes comme Microsoft le fait par exemple avec Microsoft Office, mais cela ne correspond pas à sa stratégie. Résultat, iTunes n’est ni une bonne application Mac ni une bonne application Windows.
iTunes, c’est également un État dans l’État. Ce manque d’intégration contraint par exemple l’utilisateur à se réidentifier dans le jukebox d’Apple alors qu’il l’est déjà au niveau du système.
Pour expliquer ce « foutoir », Don Melton que l’on présente souvent (à juste titre) comme le papa de Safari (il a quitté Apple il y a 3 ans), a sa théorie. L’un des problèmes d’iTunes et de l’application Musique sous iOS, c'est de ne pas être développés par les équipes « logiciel système » d’Apple.
iTunes et Musique sont réalisées au sein de l’équipe iTunes. Ce qui a pour conséquence que le grand boss de ces applications n’est pas Craig Federighi, mais Eddy Cue. C’est également le cas de la suite iWork.
A-t-on le même souci du détail dans cette division ? Et finalement, qu’est-ce qui importe vraiment aux équipes d’Eddy Cue ? Simplement vendre du contenu et des services ou proposer les meilleurs outils possibles pour le faire dans de meilleures conditions ?
Récemment, Bono, à sa manière, mettait les pieds dans le plat, sans forcément indiquer la bonne direction, en déclarant : « Il y a cinq ans, nous avons commencé à en discuter avec Steve Jobs dans ma maison en France, et j'ai dit à Steve : "Comment se fait-il qu'une personne qui se soucie autant de l'apparence des choses ait accepté qu'iTunes ressemble à une feuille de calcul ? »
Pour un démantèlement d’iTunes
Certains estiment qu’Apple doit non seulement revoir de fond en comble son logiciel, mais le saucissonner en plusieurs morceaux comme c’est le cas d’ailleurs sur iOS.
A la place d’iTunes, Apple pourrait éditer toute une série d’applications :
- Musique pour jouer du contenu et profiter d’Apple Music
- Vidéo pour jouer des vidéos
- iTunes Store pour acheter du contenu sur les différentes plates-formes d’Apple
- Le grand retour d’iSync pour gérer les terminaux iOS depuis son Mac…
Sur le papier, cela parait fort séduisant, mais est-ce qu’Apple a la réelle volonté de revoir son application fétiche sur sa plate-forme vieillissante qu’est OS X ? Rien n’est moins sûr…