Le procès contre les DRM d'iTunes qui se tient actuellement à Oakland (Californie) nous réserve son lot de surprises et de rebondissements. Ainsi, une des deux plaignantes sur laquelle reposait le recours collectif, a été sortie du jeu : elle avait acquis son iPod en dehors de la période visée par la plainte… Des doutes sont toujours présents quant à la sincérité de l'autre « victime » dans cette procédure vieille de dix ans. La juge a d'ailleurs réservé sa réponse concernant la poursuite du procès. En attendant, les débats se poursuivent et la cour a pu assister à la retransmission de la déposition de Steve Jobs, dans une vidéo tournée en 2011, six mois avant sa mort.
Les réponses du fondateur d'Apple suivent l'argumentaire d'Eddy Cue, passé à la barre il y a quelques jours : les DRM implémentés dans les morceaux vendus sur l'iTunes Store ont été une exigence de l'industrie du disque. Apple n'avait pas l'intention d'empêcher la concurrence ni de heurter les consommateurs, mais l'entreprise avait pour obligation de protéger ses contrats avec les majors et boucher les failles de sécurité éventuelles — un argument martelé par un autre responsable d'Apple à l'ouverture du procès.
Les obligations d'Apple étaient marquées « noir sur blanc » avec les maisons de disques, assure Steve Jobs. Les contrats stipulaient que si des gens enfreignaient la technologie de verrou numérique FairPlay, « cela serait considéré comme une violation claire des licences que nous avions avec les labels et qu'ils pouvaient cesser de nous donner leur musique à tout moment ».
Quant à Harmony, le système développée par Real Networks permettant aux iPod de lire de la musique (protégée par un autre DRM que FairPlay) vendue sur la boutique de Real, il était de nature à dégrader l'écosystème mis en place par Apple. In fine, Harmony pouvait détériorer l'expérience utilisateur des possesseurs d'iPod.
« Nous nous inquiétions que quelqu'un comme Real promette aux consommateurs qu'ils bénéficieraient de la compatibilité [des morceaux de musique], alors que dans l'avenir, peut-être pas. Ce n'est pas quelque chose que nous pouvions garantir. Donc nous pouvions être poursuivi par tous ces gens », explique Jobs dans sa déposition vidéo. Casser le logiciel de la concurrence était perçu comme un « dommage collatéral », tandis que les exigences des majors sont qualifiées de « contradictoires ». D'un côté, elles demandent à Apple d'ouvrir son écosystème à la concurrence, de l'autre elles réclament de la Pomme qu'elle renforce la sécurité de sa technologie DRM afin d'empêcher le piratage. D'ailleurs, en interne, Real Networks était comparé à un « pirate » par Apple.
« Nous avions peur » de perdre les contrats avec les maisons de disques. C'est pourquoi Apple a « cassé » Harmony à plusieurs reprises, notamment au travers d'iTunes 7.0 et 7.4, comme l'accusent les avocats de la partie adverse.
La vidéo de Steve Jobs montre également que le fondateur d'Apple ne prenait pas nécessairement au sérieux la concurrence à iTunes. « Nous étions la plus grande société impliqué dans ce truc [la vente de musique numérique] à l'époque, la seule avec des poches aussi profondes ». Une déclaration qui contredit l'argument selon lequel iTunes était en compétition sur ce marché : les représentants de la Pomme ont ainsi expliqué à la cour qu'Apple faisait face à des « iPod killers », notamment le défunt Zune de Microsoft.