Pourquoi faire simple quand on peut faire compliquer ? Voilà qui résume le virage stratégique du constructeur finlandais. Avec l’arrivée des smartphones, la compagnie a progressivement perdu sa place de leader du marché mobile.
Après quelques années d’attente, un journaliste du quotidien finlandais Helsingin Sanomat a décidé de partager son expérience d’utilisateur de produits Nokia. Bien plus qu’une banale critique, l'histoire de Lauri Malkavaara est un témoignage qui montre comment l'entreprise a négligé l'évolution des technologies mobiles, au point de se faire voler la vedette par la concurrence. Aujourd'hui, Nokia fait figure d'ex-leader et le constat est clair : le constructeur finlandais n'a pas su garder sa simplicité d'utilisation.
Hors du cadre professionnel, le journaliste a écrit une lettre au service presse de Nokia en août 2008. Le site de la compagnie ne permettant pas à l'époque de faire part de son expérience. "Je vous écris en tant que personne privée. J'espère que vous allez transmettre ma lettre à la personne appropriée. Toutefois, il serait préférable de l'encadrer et de l'accrocher sur le mur de votre hall d'entrée de sorte, pour que chaque employé de Nokia puisse la voir chaque matin", explique-t-il. Dans celle-ci, il fait part de sa satisfaction concernant ces premiers mobiles de fonction. "Mon employeur m'a acheté mon premier téléphone portable en 1996. Il était pratique et durable, mais est tombé en panne en 2001. J'ai rapidement appris à utiliser un nouveau Nokia. Il y avait de nouvelles fonctions, et même Internet" précise-t-il.
Lauri Malkavaara a alors dû se séparer de son deuxième mobile en 2008 et changer pour un Nokia E51. À partir de ce moment, quelque chose a changé. Les appareils précédents étaient simplistes et intuitifs mais, pour une fois, il était nécessaire de consulter le monde d'emploi pour comprendre les menus devenus soudainement plus complexes.
Techniquement, le mobile propose toute sorte de nouvelles fonctions, mais les choix sont si nombreux que son utilisation devient un vrai casse-tête. Le changement de sonnerie demandait une recherche approfondie parmi les différents menus et, lors de l'envoi d'un SMS, il fallait choisir entre message texte, message multimédia, message audio, ou e-mail. Une manipulation fastidieuse et obligatoire lors de chaque envoi. La question est donc posée : que c'est-il passé ? "En mettant un téléphone comme le E51 sur le marché, Nokia a arrêté de jouer la carte de la simplicité", estime Lauri Malkavaara.
La réponse de Nokia
Suite à cette lettre, les appels du constructeur ont été nombreux. Le journaliste rapporte que son courriel a finalement fait le tour du siège et un des patrons voulait s'entretenir avec lui. Bien que Lauri ait répété que tout cela n'avait aucun lien avec sa profession, la direction était tenace. S'en est alors suivi une rencontre en privé.
Le représentant de Nokia a d'abord soutenu la stratégie de sa compagnie. Expliquant que les utilisateurs étaient différents et que par conséquent il fallait proposer des mobiles différents. Le journaliste rétorque aussitôt que "les personnes désirant utiliser un mauvais téléphone n'existent pas". La discussion était tendue. Après quelques explications concernant la complexité d'utilisation du Nokia E51, le représentant de la compagnie a soudainement demandé s'il s'agissait toujours d'un entretien privé. C'était évidemment le cas et son discours a alors changé radicalement.
"Je suis entièrement d'accord avec vous et je tiens à m'excuser au nom de Nokia d'avoir produit un mauvais téléphone pour vous", déclare-t-il. Ce dernier ajoute que la compagnie travaille actuellement sur un nouvel OS mobile et que de nouveaux terminaux devraient venir changer la donne.
Quelques années plus tard, une seconde rencontre a eu lieu. Le journaliste apprit que le système d'exploitation mobile de Nokia n'était autre que Meego. Lors de cette réunion privée, le représentant de la compagnie est revenu sur la sortie de l'iPhone aux États-Unis en 2007. Nokia a suivi la chose avec beaucoup d'intérêt et lui-même l'avait testé. Fait surprenant, il explique avoir confié l'iPhone à sa fille âgée de quatre ans, qui a tout de suite appris à l'utiliser. "Et c'est à ce moment que le géant Nokia a compris qu'il était en difficulté", conclut Lauri Malkavaara.
[Via : Helsingin Sanomat]