« SFR modifie la source HTML des pages que vous visitez en 3G », accuse Reflets.info, criant à la violation du principe de neutralité du net. Il n’est pourtant pas certain qu’il faille s’alarmer, d’autant que la pratique n’est en rien nouvelle. Explications…
Lorsque vous naviguez via une connexion SFR (fixe ou mobile), l’opérateur procède à un certain nombre d’optimisations en s’intercalant avec ses serveurs proxy. Une des opérations les plus communes est la compression des images, qui permet certes d’économiser de la bande passante, mais aussi de tout simplement afficher les images sur des connexions faiblardes (EDGE, 3G). Il est à vrai dire particulièrement étonnant qu’une polémique ait éclaté ces derniers jours autour de cette manipulation : des articles la mentionnaient en 2011, nous l’avions repérée dès 2009 sur une clef 3G, et on peut même retrouver des clients SFR qui en discutaient… en 2007 !
Sur ZDNet, Pierre Col fulmine : cette « manipulation est une violation caractérisée de la neutralité du Net qui peut avoir des conséquences graves dans le cadre d’une utilisation professionnelle de l’Internet mobile. » Problème, le concept de neutralité du net n’a aucune existence juridique en France. Pire, le principe ébauché par le Conseil national du numérique ne serait d’ailleurs sans doute pas violé par cette pratique, comme l’explique Numerama. Si l’on débarrasse cette polémique de cet aspect, il ne reste qu’un problème : l’« expérience utilisateur ».
Jean-Michel Planche, fondateur du FAI Oleane, rappelle en effet que cette manipulation n’a pas en elle-même un objectif malveillant :
On n’installe généralement pas ce genre de solutions pour s’amuser. Il s’agit généralement de gagner en PERFORMANCE. La performance peut être une réduction du volume transmis (moyen), que l’on va plutôt exprimer sous la forme d’une utilité, d’un but : une amélioration des temps de réponse, de la SATISFACTION DE L’UTILISATEUR FINAL. Oui, j’ose : un opérateur travaille aussi pour assurer les meilleures performances possibles pour ces utilisateurs finaux.
Il déplore, comme d’autres, que SFR n’informe pas ses clients de l’existence de cette manipulation : ce silence est de nature à créer ces polémiques, mais aussi à entraîner la confusion de l’utilisateur. Face à une image fortement compressée, il peut par exemple se demander si sa connexion n’est pas défectueuse. De fait et depuis des années, la tonalité des témoignages sur cette « fonction » est souvent négative : on peut comprendre les motivations de l’opérateur, mais au quotidien, cette compression est plus gênante qu’autre chose.
SFR en semble néanmoins consciente : si les images sont fortement compressées en EDGE, elles le sont moins en 3G et pas du tout en 4G (ce que nous avons pu vérifier sur un même appareil avec la même image source). Pierre-Alain Allemand, directeur général des réseaux et des systèmes d’information de SFR, explique à ZDNet que le but est d’aligner l’impression de vitesse sur celle que l’on peut avoir à la maison, derrière une ligne ADSL. Le directeur de l’information de SFR, Nicolas Chatin, tient par ailleurs à exprimer la position de l’opérateur sur cette question épineuse de la neutralité du réseau :
On refait le débat d’il y a cinq ans : si je regarde le contenu à l’intérieur, que je filtre ou que je ne distribue pas, c’est une atteinte à la neutralité. Mais nous ne filtrons pas et nous ne le ferons pas.
Le message est clair : puisque SFR ne fait pas dans l’éditorial, il n’y aurait pas de problèmes. Quoi que l'on en pense, cette manipulation étant de moins en moins utilisée à mesure que les réseaux progressent, on peut tout de même se demander si cette polémique n’est pas un coup d’épée dans l’eau — alors qu’elle aurait eu tout son sens il y a quelques années.