Les différences entre iOS, Android, BlackBerry 10 et Windows Phone ne sont pas qu’esthétiques : chaque parti-pris influe directement sur l’utilisation. S’il est difficile de passer de l’un à l’autre, c’est aussi parce que chacun de ces OS s’adresse à un public légèrement différent.
L’iPhone a redéfini le smartphone en 2007 avec son interface simple adaptée à la manipulation directe. Alors que le multitouch était une technologie nouvelle, Apple a limité le « vocabulaire » du tactile à quelques gestes ; sur ce petit écran destiné à compléter l’ordinateur plus qu’à le remplacer, elle a laissé de côté le bureau et l’explorateur de fichier au profit d’un linéaire d’apps qui sont autant de tâches.
Ceux qui se plaignent qu’iOS n’a pas changé en cinq ans oublient qu’encore aujourd’hui, l’iPhone est souvent le premier smartphone de ses utilisateurs. Dit autrement, l’approche d’Apple n’est pas conservatrice, elle est responsable. Chaque changement apporté à iOS doit aussi être pensé en fonction des « débutants » — le « rest of us » qui anime la société depuis 1997 — ce qui limite forcément la latitude des têtes pensantes d’Apple.
Google a construit Android en opposition au modèle d’iOS : le HTC Dream, avait un clavier physique contre le clavier virtuel de l’iPhone, le Motorola Droid se voulait être un téléphone qui en avait dans le pantalon et non pas un jouet comme l’iPhone. Le côté « industriel » d’Android a certes été très arrondi, mais sa logique de base n’a été que renforcée avec les années.
L’écran d’accueil à proprement parler est ainsi dissocié de la liste des applications, qui est aussi une liste des widgets. Des widgets que l’on peut placer sur l’écran d’accueil à côté d’icônes qui ne représentent pas forcément toujours des apps, mais peuvent aussi être des raccourcis vers des fonctions ou des contenus. Cette complexité n’est pas vaine : certaines tâches peuvent être réalisées plus rapidement sur Android que sur iOS. Mais elle est indéniable.
BlackBerry 10 propose encore une autre approche, son écran d’accueil listant les huit dernières apps ouvertes — à droite la liste des apps installées, à gauche le « Hub » regroupant tous les messages. Alors qu’iOS fait un recours immodéré au bouton d’accueil, BB10 se repose sur des gestes tactiles, dont un en forme de L inversé qui permet d’ouvrir le « Hub » (lire : Test du BlackBerry Z10). Une fois que l’on a pris le coup de main, ce système se révèle particulièrement puissant et élégant.
Enfin, Windows Phone 8 relègue les apps au second plan pour mettre « les personnes en avant » avec ses tuiles dynamiques certes particulièrement utiles mais qui finissent par faire guirlande de Noël et ses « hubs » en forme de centrales de communication. Microsoft est très fière de cette approche, mais elle n’est finalement rien d’autre qu’une modernisation du fonctionnement des « bêtes » téléphones qui mettaient le carnet d’adresses au premier plan.
Et avec un peu de recul, Windows Phone m’apparaît de fait comme un excellent OS de téléphone, sans doute proche de la perfection pour ceux qui passent leur journée à appeler et envoyer des SMS. BlackBerry a débuté avec des pagers, et BlackBerry 10 est encore aujourd’hui entièrement centré sur la communication textuelle — utiliser un Z10 m’a fait retrouver mes réflexes de drogué de la diode rouge, de « crackberry ». Android est quant à lui le système qui mérite le plus l’appellation « ordinateur de poche », avec ce que cela évoque de positif, mais aussi de négatif.
Et iOS, dans tout ça ? La comparaison avec ces trois autres systèmes me laisse penser qu’il n’excelle réellement nulle part, mais est aussi plutôt bon sur tous les points. Bref, que c’est sans doute le système le plus équilibré et le plus cohérent, un système dont chaque composante est d’égale valeur — et une valeur assez élevée. On peut certes lui reprocher de nombreux manques, mais mieux vaut peut-être manquer bien que d’en avoir beaucoup mal.