Ceux qui espéraient du changement avec iOS 7 ont été servis. Le nouveau système se transforme moins sur certains éléments fondamentaux - gestuelle, navigation - que sur le traitement visuel et la palette des couleurs retenues pour son interface.
Finir le travail commencé - une suggestion vue sur FlickrD'ici à la version finale, des évolutions et ajustements peuvent encore survenir (lire iOS 7 : des icônes conçues par les équipes marketing), mais de nouveaux principes ont été solidement plantés. Le contenu reprend ses droits et tout ce qui l'entoure fait un pas en arrière, lorsqu'il ne disparaît pas entièrement. Des boutons de navigation, par exemple, il ne reste souvent qu'une forme stylisée et leur intitulé. Pour apprécier le changement, on jettera un oeil sur cette page de l'agence Phoecis qui met côte à côte des écrans types d'iOS 6 et d'iOS 7. La recherche de clarté exprimée par Apple y est évidente, sans aller pour autant jusqu'à la sécheresse que l'on a pu voir dans le Modern UI de Microsoft. L'ancienne interface n'est pas devenue laide, mais une lourdeur a disparu, les contenus (d'un mail, d'une page…) ne sont plus pris en tenaille entre les barres supérieure et inférieure. Sur son blog, Matt Gemmell établit aussi cette comparaison visuelle entre l'ancien et le nouveau, par de multiples captures. Tantôt celle d'une application isolée, tantôt celles prises ensembles pour montrer un aperçu plus global.
Les deux images ci-dessus sont, ci-après, placées côte à côte et pixelisées pour démontrer qu’iOS 7 est plus tempéré sur son usage des couleurs, avec une forte dominante de blanc et de tons clairs.« Lisible », « apaisant », « relaxant »… Gemmell décrit un OS pour des utilisateurs devenus plus mûrs «Nous avons grandi […] nous n'avons plus besoin que quelqu'un nous prenne par la main pour nous dire où cliquer ou taper […] iOS 7 est un iOS pour un client plus averti, qui comprend que les surfaces tactiles sont interactives, et qui ne veut pas d'obstacles sur son chemin ». Des ajustements restent nécessaires, les couleurs choisies peuvent susciter des réactions négatives, les icônes ne sont pas toutes cohérentes dans leur aspect, mais rien n'est difficile à améliorer. On a un iOS dont le fonctionnement ne déstabilisera personne, « qui est plus fluide, plus réactif et moderne ». Un système où le superflu et la décoration ont été retirés pour accorder plus de place à ce qui compte pour l'utilisateur, le contenu de ses applications. Pour le développeur Marco Arment, iOS 7 a le même effet qu'un feu de forêt qui ferait place nette et serait porteur d'immenses opportunités pour les applications et leurs développeurs. « L'App Store est plein à craquer : quasiment chaque catégorie d'app comporte un ou deux acteurs dominants. Ils ont pu maintenir leur avance en évoluant avec iOS. […] Les acteurs établis n'ont fait que renforcer leur position. » Les développeurs vont devoir arrêter une stratégie : maintenir une compatibilité avec iOS 6 voire 5 ou même 4 sans profiter pleinement d'iOS 7 ; développer deux interfaces distinctes ; se résoudre à remettre à plat leurs interfaces largement assimilées par leurs utilisateurs. Pour Marco Arment, se retrouver ainsi au milieu du gué est tout simplement « génial ». C'est l'occasion pour les plus agiles de marquer leur différence en s'adaptant à ce tout nouvel environnement d'iOS 7. Et doubler des concurrents bien installés, pour qui le virage sera plus délicat à négocier. « Une telle opportunité ne se présente pas souvent - on a de la chance si cela arrive tous les 3 ou 5 ans. N'importe qui peut prendre place dans une catégorie déjà bien occupée avec un avantage énorme s'il a l'audace d'être exclusivement moderne ». Craig Hockenberry, le développeur de Twiterrific (dont la version 5 est assez dans le ton d'iOS 7), dresse un parallèle avec la sortie d'Aqua. La déflagration a été du même ordre que pour iOS 7 lorsque Steve Jobs a dévoilé l'interface pleine de blanc et de couleurs du premier Mac OS X.
Mac OS 9
Mac OS X en 2000Puis à chaque grande mise à jour, Apple a retouché son interface et la différence est assez notable entre Aqua en 2000 et Mavericks aujourd'hui. Les effets de transparences dans les menus ont été progressivement atténués, les barres d'ascenseur ont perdu leur aspect de bonbon, mais les gélules rouge, verte et jaune des fenêtres se sont fondues dans l'habitude. Hockenberry s'attend à nouveau à voir cette méthode itérative utilisée par Apple, pour l'évolution d'iOS, mais cette fois à beaucoup plus vive allure que sur OS X où cela a pris plus de dix ans. « À l'image d'Aqua, ces changements fondamentaux sur la manière dont fonctionnent les choses sont là pour durer. On peut se plaindre de leur look sur le court terme, mais les améliorations apportées à la convivialité seront beaucoup plus importantes sur le terme ». Kelsey Campbell-Dollaghan chez Gizmodo relève qu'au lieu d'un OS "plat" on a vu arriver au contraire un système qui joue avec la notion de profondeur dans ses effets. « Plutôt que de réformer le système, Apple essaie d'introduire avec précaution ce qui équivaut à un nouveau langage visuel. Si le premier iOS a été conçu pour un néophyte de 45 ans, iOS 7 donne l'impression qu'il a été imaginé pour deux profils. Il est plus mûr en terme de fonctionnalités, mais plus jeune dans sa présentation ». Piotr Denis, développeur et designer d'interface est plus critique. Il en appelle à Jonathan Ive dans une lettre ouverte, il prend Porsche comme exemple à suivre. Un constructeur qui a su faire évoluer les lignes de ses voitures sans cesser de s'appuyer sur l'héritage des premiers modèles.
La 911 de 1963 au fond et celle de 2013 devantIl préfèrerait que la rupture ne soit pas aussi franche. Il réclame le retour des effets d'ombres qui participent à créer une profondeur, tout comme les effets de transparence d'iOS 7. Les nouvelles icônes le déçoivent par leur aspect simpliste alors que les anciennes pourraient être simplement rafraîchies. Il trouve aussi que la nouvelle typo manque de lisibilité sauf à tenir plus près son iPhone ; il voudrait que les boutons réagissent visuellement par un mouvement lorsqu'on les touche, etc. En somme il aurait aimé qu'iOS change mais sans bouleversements. Sans surprise, les choix d'Apple ont aussi été tournés en dérision ou gentiment moqués. Le compte Twitter de Windows Phone France y est allé de son commentaire sur la supposée nouveauté d'iOS 7 :
Flat design : mûr sur Windows Phone depuis 2011. #TimeToSwitch windowsphone.com/fr-fr/features twitter.com/WindowsPhoneFR…
— Windows Phone France (@WindowsPhoneFR) 10 juin 2013
Tout aussi ironique, ce Tumblr "Jony Ive redesigns Things" qui depuis lundi passe quantité de choses à la moulinette des goûts esthétiques et de l'appétence pour les dégradés qui claquent de Jonathan Ive.