Quatre ans après la mise sur le marché de l'iPhone, on ne peut qu'admettre qu'Apple a totalement bouleversé l'industrie de la téléphonie mobile, à plus d'un titre. Au niveau technologique d'abord, puisque tous les constructeurs se sont mis au tactile, que les applications sont désormais le pain quotidien des utilisateurs de smartphones, et que la navigation sur le web y est devenue plus naturelle encore que sur ordinateur, alors qu'on se contentait auparavant d'ersatz comme le WAP ou l'i-mode.
Plus impressionnant encore, Apple a déplacé le débat, faisant des capacités du téléphone un critère central, alors qu'il n'était autrefois qu'un point d'accès au service, pour ne pas dire négligeable : Apple a peu à peu relégué les opérateurs téléphoniques au rang de vendeurs de tuyaux, eux qui autrefois faisaient la pluie et le beau temps sur le marché. Bref, le succès de l'iPhone est indéniable, au delà même de ses chiffres de vente, par ailleurs impressionnants pour une société qui n'avait pas mis un orteil sur ce marché voilà quatre ans.
Malgré la révolution technologique, qui a placé Apple à des années d'avances de ses concurrents, tous les oracles n'ont pas su prédire sa destinée. CNET propose un petit florilège des cassandres, et commence par faire son propre mea culpa avec les propos de Michael Kanellos, publiés par le site en décembre 2006 alors que l'iPhone n'était encore qu'une rumeur insistante :
Les ventes de l'iPhone vont initialement monter en flèche. Toutefois, les choses se calmeront, et le téléphone d'Apple prendra sa place sur les étagères aux cotés des caméras vidéo, téléphones cellulaires, routeurs sans fil et autres aspirants au succès. Vous vous rappelez du Mac mini ? Il était censé faire exploser une révolution pour les petits ordinateurs. Ce ne fut pas le cas. L'iMac à écran plat ? D'aucuns ont prédit que les tarifs d'Apple tireraient le marché vers le haut. Oups.
Pourquoi le téléphone d'Apple ne connaîtra pas le succès ? Ce sera un super appareil que, si je n'étais pas l'homme le plus pingre d'Amérique, je pourrais acheter. La stratégie dans son ensemble, cependant, est basée sur ce que j'appelle « la magie iPod ». Apple a réussi avec l'iPod, dit la théorie. En conséquence, ils peuvent mettre le pied dans d'autres catégories et les mettre sans dessus-dessous.Même les organes de presse historiquement bienveillants vis-à-vis d'Apple ont pu manquer de discernement, avant comme après l'annonce de l'iPhone. Toujours en décembre 2006, The Register publiait :
Apple va lancer un téléphone en janvier, qui sera disponible durant l'année 2007. Ce sera un petit joyau, un plaisir à contempler, et ses fonctionnalités limitées seront faciles d'accès et à utiliser.
Le téléphone d'Apple sera proposé en exclusivité par le réseau majeur dans chaque territoire et certains consommateurs changeront d'opérateur juste pour l'avoir, mais pas autant que certains l'espéraient.
Tandis que les consommateurs commenceront à réaliser que la concurrence propose de meilleures fonctionnalités à un prix plus bas, en négociant une meilleure subvention, les ventes stagneront. Après un an une nouvelle version sera lancée, mais l'innovation du premier modèle lui fera défaut et elle disparaîtra rapidement.Même John Gruber en personne, lui qui est par ailleurs si prompt à rappeler les prédictions ratées de ses confrères, s'est rendu coupable de bévue la veille de l'annonce d'Apple :
Il y a encore à peine quelques jours, je ne m'attendais pas à ce qu'Apple présente un téléphone cette semaine. Mais je me suis ravisé durant le week-end, et je pense depuis que c'est finalement ce qu'il y a de plus probable. Non pas un téléphone VoIP qui dépende du Wi-Fi ou quoi que ce soit de cet ordre, mais un véritable téléphone mobile pur jus. Il semble qu'on doive s'attendre à se dire "Wow, je pensais qu'Apple pourrait annoncer un téléphone mais je ne m'attendais pas à ce qu'ils le fassent comme ça!", mais c'est bien le diable si qui que ce soit sait de quoi il s'agit. Mon estimation, peu probable mais qui aurait néanmoins de quoi enthousiasmer : ce ne sera pas un téléphone-iPod, mais plutôt de début d'un nouvel OS pour appareil mobile.On peut toutefois pardonner ces erreurs d'avant l'annonce, qui n'avaient après tout que bien peu d'éléments sur lesquels se baser. En revanche, une fois que tout fut dit et montré, les réactions peuvent donner matière à réfléchir, avec le recul. David Haskin, pour ComputerWorld, disait :
Je suis plus convaincu que jamais que, après une frénésie publicitaire initiale et la vente aux «early adopters», les ventes de l'iPhone ne seront pas spectaculaires. Si Apple ne réagit pas rapidement en baissant le prix et en faisant amende honorable avec AT&T, qui sera probablement irritée, l'iPhone pourrait bien devenir le prochain Newton d'Apple. Souvenez-vous que, deux ans après la mise sur le marché du Newton, un PDA plus petit et moins cher est apparu — le Palm Pilot — qui a véritablement fait son petit effet.Les citations qui ont sans aucun doute le plus prêté à sourire depuis sont les plus outrancières, rien que de très attendu finalement concernant l'inénarrable John C. Dvorak qui s'en est fait une spécialité au sujet d'Apple, et qui disait en mars 2007 :
Apple devrait laisser tomber l'iPhone… Ce qu'Apple risque là c'est sa réputation de société cool qui ne peut rien rater. Si elle fait preuve d'intelligence elle dira que l'iPhone est un "design de référence" et le refilera à un abruti pour qu'il le construise avec le budget marketing de quelqu'un d'autre. Ensuite elle pourra se laver les mains de tout échec commercial… Faute de quoi, je conseille à tout le monde de regarder ailleurs. Vous n'allez pas aimer ce que vous allez voir.Mais celui qui a fait ses gorges chaudes de l'iPhone et qui s'est depuis bien vite ravisé fut Steve Ballmer, dans une déclaration qui manquait de beaucoup de clairvoyance et qui lui a coûté fort cher.
Il n'y a aucune chance que l'iPhone puisse gagner la moindre part de marché significative. Aucune chance. Il coûte 500 $ alors qu'il est subventionné. Ils pourraient bien gagner beaucoup d'argent. Mais si vous regardez vraiment les 1,3 milliards de téléphones qui se vendent, je préférerais voir nos logiciels dans 60 à 80 % d'entre eux que sur 2 à 3 %, ce qui est ce qu'Apple pourrait avoir.A lire également:: Rions un peu : l'iPhone va mourir !