Apple a réussi à transférer en Inde une part de la production de ses iPhone, mais la Chine ne s'en laisse pas compter et lui met parfois des bâtons dans les roues pour freiner cette diversification.
20 % des iPhone sont aujourd'hui produits en Inde (de l'ordre de 30 à 40 millions d'unités) et Apple entend augmenter ce volume de 10 % cette année. À plus long terme c'est environ la moitié de sa production d'iPhone qu'Apple entend délocaliser de Chine, ont expliqué à The Information des sources au fait de ces projets et de la situation entre les deux pays (lire aussi Apple voudrait produire 25 % de ses iPhone en Inde d'ici 2025).

Un objectif ambitieux qui se heurte parfois à des obstacles, car les coups bas ne manquent pas pour freiner ce mouvement. Cette expatriation de la Chine vers d'autres pays et vers l'Inde en particulier est diversement appréciée par le gouvernement chinois.
Côté pile, la décision d'Apple de déplacer vers le Vietnam la fabrication d'AirPods, d'Apple Watch ou d'autres produits aux volumes moindres que ceux des iPhone a été vue d'un bon œil par la Chine. Elle y a perçu un moyen d'étendre la zone d'influence géographique de ses industriels. En outre, le petit Vietnam n'est pas de taille à ébranler l'appareil productif chinois, Apple s'y trouvera nécessairement limitée dans ses capacités d'expansion.

Apple veut faire assembler ses derniers produits en dehors de Chine 🆕
Côté face, c'est une tout autre affaire avec l'Inde, d'autant que les relations politiques entre les deux géants de cette partie du monde restent conflictuelles. L'article raconte qu'en début d’année, les autorités chinoises ont interdit à un fournisseur d'équipements — destiné aux tests de production du prochain iPhone 17 — d'exporter son matériel de Chine vers l'usine indienne d'un sous-traitant d'Apple. Ce fournisseur a alors créé une filiale dans un autre pays d'Asie du Sud-Est où il n'y avait pas de barrière à l'exportation. Puis après cette escale le matériel est parti vers l'Inde pour rejoindre une usine gérée par le Taïwanais Foxconn.

Ce n'est pas le seul exemple. Foxconn a vu l'obtention des autorisations d'export de ses machines de la Chine vers l'Inde passer de 15 jours à parfois quatre mois. Il arrive aussi que ces demandes soient rejetées sans aucune explication. Les machines qui retiennent l'attention des douanes servent à assembler des pièces d'iPhone par laser, d'autres à vérifier si l'iPhone résiste à l'eau comme prévu. Il y a aussi des machines employées pour déplacer des pièces d'un endroit à l'autre d'une chaîne d'assemblage.
La Chine peut légitimement voir d'un mauvais œil la montée en puissance de son voisin dans la chaine de production d'Apple. Cette dernière a apporté une contribution importante à l'organisation et au perfectionnement de l'appareil logistique et manufacturier chinois pour les produits électroniques. Les compétences acquises par les acteurs locaux les rendent plus compétitifs et cela profite, par ricochet, aux entreprises et produits strictement chinois. S'y ajoute l'inquiétude devant la perte possible d'emplois si cet exode vers l'Inde reste soutenu.
L'Inde, contre toute attente, ne s'est pas privée de mettre des bâtons dans les roues des fournisseurs d'Apple en Chine, quand bien même cela allait à l'encontre de ses intérêts. L'acrimonie est importante entre les deux pays qui ont connu des incidents frontaliers mortels entre leurs armées ces dernières années.
À certaines occasions, des spécialistes dans les usines chinoises d'Apple ont eu toutes les peines du monde à décrocher un visa de travail en Inde pour venir épauler leurs collègues dans la mise au point des chaines d'assemblage (l'Inde est aujourd'hui capable de sortir en même temps que la Chine les tout derniers modèles d'iPhone au jour J de leur lancement, ndr).
Des tracasseries administratives sans logique claire puisque le bénéfice de ces venues était pour le côté indien. Les autorités indiennes ont également empêché des fournisseurs chinois d'Apple comme Luxshare Precision Industry Co, qui travaille aussi à l'assemblage d'iPhone, d'investir dans le pays. Côté Chinois, des fournisseurs se sont vu intimer d'y réfléchir à deux fois s'ils escomptaient tailler dans les effectifs de leurs usines.

En 2023, Apple a demandé à ses équipes chargées des relations avec les fournisseurs de ne pas prendre en compte de sociétés chinoises lors de la préparation de la production d'AirPods en Inde. La Pomme craignait que les tensions entre les deux pays ne finissent un jour par faire dérailler les chaînes de production de ses écouteurs. C'est finalement Foxconn qui fut choisi.
Apple a également signé un contrat avec Tata Group pour fabriquer des iPhone en Inde. Ce partenaire a évincé deux sociétés habituées à travailler avec Apple — Wistron et Pegatron — qui peinaient à rentabiliser leur contrat. Leurs usines ont changé de propriétaire, mais leurs salariés ont continué à assembler le téléphone d'Apple et tout cela sous le regard bienveillant du gouvernement indien.
Un autre pan des difficultés d'Apple avec l'Inde tient dans certaines différences culturelles avec la Chine. Le copier-coller d'un fonctionnement éprouvé dans le premier pays ne fonctionne pas dans le second. En Chine, les chaînes tournent en général sur un rythme de 2x12h alors qu'en Inde la loi oblige à faire les trois-huit, ce qui implique d'embaucher davantage d'ouvriers. Apple est parvenue en 2023 à obtenir une dérogation pour reproduire le modèle chinois, mais ce sont les employés indiens qui ont refusé qu'il soit mis en place.

Le parcours semé d'embûches de la fabrication des iPhone en Inde
De multiples petits obstacles ont parsemé le chemin : des machines avec des interfaces en chinois uniquement ; une difficulté pour les Indiens à assembler certaines parties délicates des iPhone. La tâche est revenue aux usines chinoises qui envoient ensuite des iPhone partiellement assemblés en Inde pour y être terminés.
Ces complications multiples poussent Apple à demander à des fabricants de machines industrielles à s'installer en dehors de Chine en échange de contrats. Mais se pose le problème d'y trouver suffisamment de personnel qualifié et de vendeurs des pièces nécessaires à leur fabrication. Pendant ce temps, lorsque les machines attendues en Inde tardaient à arriver, les ouvriers réalisaient certaines opérations à la main.